La France et la Russie excellent dans ce domaine hautement technologique et on en reçoit régulièrement des preuves à titre officiel lors des expositions d’aéronautique, des blindés et autre équipement militaire. Xavier Moreau qui a son entreprise sis en Russie, est un spécialiste dans le domaine du commerce international et un ancien de Saint-Cyr. Il nous a donné son analyse de la conjoncture actuelle sur le marché.
Spoutnik. Le ministère de la Défense et le conseil des industries de défense, ont réalisé une étude d'impact sur les exportations des ventes d'armement en hausse de 42,7% en 2013 à 6,87 milliards d'euros. Qui sont les meilleurs clients de la France?
Xavier Moreau. Disons que c’est un client important parce que c’est un marché de haute technologie et de souveraineté. Alors pour être réaliste, il n’y a pas de véritable défense nationale s’il n’y a pas de complexe militaro-industriel. Or il y a trois pays dans le monde capables de fournir l’ensemble des armements complet pour une armée : c’est les Etats-Unis, la Russie et la France. Puisqu’ils peuvent à la fois fournir des avions, des sous-marins, des bateaux c’est-à-dire la panoplie complète d’une armée. C’est effectivement un domaine qui dépasse largement le simple chiffre d’affaires. C’est un domaine stratégique et, à ce sens-là, cela peut avoir un apport autrement plus important que la pure valeur économique qui n’est négligeable non plus !
Spoutnik. L’Allemagne dépend étroitement des Etats-Unis pour se défendre. La France, quant à elle, a-t-elle su préserver son autonomie ?
Xavier Moreau. En matière d’équipements, la seule chose que la France ne produit pas, c’est des armes petit calibre c’est-à-dire des fusils d’assaut et des munitions de petit calibre. Parce qu’elle a estimé que son marché intérieur ne justifiait pas le maintien d’une entité. Il y a actuellement un appel d’offre pour équiper l’armée française avec des fusils d’assaut qui seront soit italiens soit belges, soit allemands. Et les munitions sont achetées notamment à l’Arabie Saoudite si je me souviens bien.
Mais pour le reste de notre production, c’est-à-dire sous-marins, navires de guerre, aviation, chars de combat, véhicules de transport d’infanterie – tout ça la France est autosuffisante. Même si elle importe une partie de sous-ensembles de ses matériels comme le font aujourd’hui quasiment tous les complexes militaro-industriels.
Spoutnik. Est-ce que l’affaire des Mistrals pourrait nuire à la livraison des Rafales en Inde ?
Xavier Moreau. Pour l’instant les Mistrals sont juste suspendus. Je pense même qu’à terme ils seront livrés. Et je pense que l’Inde le sait également. Je pense que le contrat avec l’Inde puisqu’on est en négociations finales depuis plus d’un an, ne pâtira pas de cette histoire. Mais il est clair que cela peut influencer après avec d’autres gros clients. Puisque choisir les armes de la France, c’est aussi faire un choix politique ! C’est choisir de ne pas acheter américain et de ne pas acheter russe non plus !
Et si en fait les futurs clients de la France se disent qu’ils achètent du matériel français pour être indépendants des Etats-Unis, mais que s’ils découvrent qu’en cas de conflit ils ne seront pas soutenus par la France, forcément, dans ce cas-là, ils vont préférer acheter russe ou chinois puisque cela ne servirait plus à rien que d’acheter français dans la mesure où quoi qu’il arrive, Paris s’aligne sur les Etats-Unis.
Spoutnik. Selon une étude du ministère de la Défense réalisée conjointement avec le conseil des industries de défense (Cidef) et le cabinet McKinsey, les exportations font vivre 40.000 foyers à travers l’Hexagone. Qu’en est-il de la Russie alors ?
Xavier Moreau. En matière des exportations d’armements La Russie est devant la France. Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais c’est vrai ! Et l’industrie russe d’armements fait également vivre des centaines de milliers de personnes. Simplement une des difficultés notamment pour la restructuration du complexe militaro-industriel russe, c’est qu’il y a beaucoup trop d’employés. Il y a des villes en Russie qui dépendent entièrement des usines et qui ne tournent plus. Alors pour payer leurs salaires aux ouvriers ils continuent – sinon les villes disparaîtraient. Cette importance du complexe militaro-industriel dans le tissu industriel et social russe est un point qu’il faudra tôt ou tard traiter, mais je sais que le gouvernement russe a déjà commencé à s’en occuper. Et il faudra soit reconvertir soit tout simplement fermer une partie des usines qui aujourd’hui ne servent à rien. Je dirais que c’est l’enjeu de la restructuration du complexe militaro-industriel. C’est un peu pour ça aussi que les Russes avaient créé de grands groupes et avaient notamment regroupé une bonne partie d’entre eux au sein de Ros-Technologie !
Commentaire. La triste réalité des choses traduit bien ce regain d’intérêt pour la vente d’armements. Les guerres se font de plus en plus nombreuses et la menace d’un conflit généralisé, voire mondial plane sur le monde. Et le potentiel de la France sera de toute façon mis à profit et trouvera preneur.