Les experts relèvent cependant l’absence de politique cohérente manifestée par le régime de Kiev. Si Washington privilégie toujours le point de vue que le problème du Donbass ne peut être réglé que par la force, l’Europe semble nuancer sa position et préconise de plus en plus souvent le règlement pacifique du conflit.
Kiev est obligé de choisir et les déclarations mitigées des politiques le montrent assez bien. Tantôt ils disent que les méthodes musclées ne donnent pas de résultats et qu’il faut négocier et accorder plus d’autonomie aux régions de l’est, tantôt ils martèlent que l’Ukraine et une et indivisible. Ces prises de position contradictoires n’affectent pas encore les milieux politiques mais les mines à retardement n’en existent pas moins. C’est notamment le cas d’un parlement hétérogène et conflictuel. Le président et le premier ministre font pour le moment front uni au moins pour la forme mais la victoire du parti de Iatseniuouk aux législatives lui avait donné la possibilité d’influer sur la formation des organes du pouvoir législatif et exécutif. Sergei Bespalov, membre du Conseil scientifique et d’experts de l’Association russe des sciences politiques, estime que le gain de Iatseniouk est évident :
Les principales figures et notamment le ministre de l’intérieur Avakov, ont conservé leurs positions. Or, c’est précisément autour de ce poste que devait se jouer la lutte la plus serrée. Tout le monde s'attendait à ce que Porochenko propose son candidat pour intercepter au moins ce poste clé puisqu’il était finalement obligé d’accepter Iatseniouk comme premier ministre. Portant, étant donné qu’il a fait des concessions dans cette question, tout porte à croire que lors de la visite de Biden, celui-ci avait clairement faire comprendre au chef de l’État qu’il ne devait pas empêcher Iatseniouk de contrôler les postes clés.
Ce pouvoir présidentiel limité montre on ne peut mieux que l’élite ukrainienne est potentiellement instable. Voici l’analogie décelée par Nikolaï Sorokine, directeur de l’Institut des crises nationales, en rapport avec des étrangers qui occupent désormais des postes de responsabilité à Kiev :
Qu’on se souvienne de la Russie du début des années 1990 et du premier gouvernement de Gaïdar. Tchoubaïs, Netchaev et Chokhine, ces idéologues des réformes, ont gouverné le pays jusqu’à la fin de la campagne des privatisations. Ils ont invité des centaines d’experts étrangers, de préférence américains, créatures du FMI et de la Banque mondiale. La même situation s’est créée aujourd’hui en Ukraine.
Pourtant, tous ne sont pas ravis de voir cette « légion étrangère », y compris dans les bureaux de Kiev.
Les ultra-nationalistes qui avaient obtenu des postes de responsabilité au sein de la Rada, peuvent parfaitement déstabiliser le fragile statut quo. Cela s’explique non seulement par leurs ambitions politiques et les idées au nom desquelles ils peuvent soulever les citoyens les plus agressifs. Il y a aussi les oligarques qui possèdent d’énormes possibilités organisationnelles et financières. Si le nouveau pouvoir décidait de leur mener la vie dure, ils pourraient prendre des mesures de rétorsion peu communes. Ces tels scénarios peuvent provoquer une nouvelle vague de troubles de masse auxquels l’Ukraine ne survivrait pas. T