Ils ont voulu régler par virement. Curieusement, cette démarche n’a pas été appréciée par l’administration du magazin qui l’a jugée suspecte en réclamant aussitôt des précisions les unes plus croustillantes que les autres, à savoir l’objet économique précis et la nature de la transaction, l’origine et destination desdites marchandises ainsi que les noms et adresses des contreparties.
Et maintenant, je vous laisse deviner ce que les protagonistes de cette sombre affaire ont daigné vouloir acheter. Vous donnez votre langue au chat ? Bon, je vous le révèle : deux lits et des rideaux. Il est vrai qu’un lit est un objet multifonctionnel couramment utilisé par les services secrets russes à des fins de torture. On y allonge courtoisement la victime, on l’assoupit à l’aide d’une séance d’hypnose classique et on lui fait subir un interrogatoire dicté par d’obscurs intérêts étatiques. Bien entendu, c’est Poutine en personne qui rédige les questions selon une méthode dont il a le secret. Mais voilà le hic ! Il parait que ça marche mieux sur des lits Ikea ! Comme la pénombre détend et que la détente facilite le déroulement du processus, l’achat des rideaux s’inscrit tout à fait dans la logique des soupçons formulés. D’ailleurs, ne seraient-ils pas noirs à tout hasard ?
Quoi qu’il en soit, des gens normaux n’achètent pas des lits et des rideaux pour des sommes aussi grassouillettes. Et surtout avec des cartes VTB affectées par des sanctions bien méritées ! Comme ces clients continuent à jouir des services d’une banque en disgrâce, il est presque certain qu’ils soutiennent les méchants séparatistes du Donbass. Tiens, au fait, deux lits, ça fait bien deux Républiques ! Et s’ils devaient supporter les poids ignominieux de Messieurs Zakhartchenko et Plotnitski ? Ikea serait alors indirectement coupable de complicité de terrorisme en contribuant au confort d’éléments peu recommandables. Voilà qui serait à la limite plus grave que de livrer des Mistrals ! Bien entendu, il aurait été plus judicieux d’accepter le paiement en constatant quelques minutes plus tard que les conditions nécessaires à la livraison des lits et des rideaux ne sont pas réunies mais cette tournure géniale ne pourrait être que celle de l’Elysée. Le plagiat est une vilaine pratique.
On pourrait bien sûr consulter les représentants suédois d’Ikea, cette fameuse caverne d’Ali-Baba étant suédoise. Mais la Suède devra alors consulter les représentants d’Ikea à Bruxelles qui à leur tour devront faire appel aux doctes compétences des représentants d’Ikea aux USA. La chaîne s’avérant trop longue il vaut mieux décourager les clients avec des exigences particulièrement originales qui auraient fait applaudir M. Sapin avec ses BPC.
Enfin, même si la piste terroriste est invalidée après vérification, il ne sied pas à des Russes de faire des achats aussi coûteux. Il n’est pas normal que ces gens-là n’aient pas pâti des sanctions. Cette fois, très clairement, ils les sentiront passer. Qu’ils se contentent du Tati de Barbès ou des charmantes brocantes dont Paris regorge en attendant que les lits de la discorde largue les amarres pour la Russie ... à bord des fameux Mistrals, comme de bien entendu !