Washington et Bruxelles veulent toujours faire de la Transcaucasie un avant-poste contre la Russie et l'Iran.
Malgré l'adhésion de l'Arménie à l'Union économique eurasiatique (UEE), le rapprochement entre l'Azerbaïdjan et la Russie, ou encore le changement de gouvernement en Géorgie, les USA et les membres de l'Otan continuent de courtiser Erevan, Bakou et Tbilissi. Washington et Bruxelles veulent toujours faire de la Transcaucasie un avant-poste contre la Russie et l'Iran.
Les États-Unis et l'Otan s'activent en Transcaucasie, par Washington et Bruxelles directement mais aussi par le biais de certains membres de l'Alliance.
Le Royaume-Uni a notamment signé avec les pays de Transcaucasie des plans de coopération militaire pour 2015-2016. Inutile d'analyser les initiatives britanniques indépendamment de l'activité intensive des USA et de l'Otan: Londres ne mène pas son propre jeu en Transcaucasie — ses actions sont seulement une composante de la pression américaine.
Le Royaume-Uni adopte des sanctions contre l'Iran et la Russie avec moins d'enthousiasme que les États-Unis.
Les tentatives américaines de mettre en place dans la région un bloc militaro-politique dirigé contre la Russie et l'Iran ne datent pas d'hier. Il ne faut pas non plus considérer la Turquie comme un acteur autonome. Quels que soient les efforts d'Ankara pour prouver qu'elle n'est guidée que par ses propres intérêts, son statut de membre de l'Otan ne permet pas de la considérer comme un État autonome à part entière en termes de guerre et de sécurité, comme on a pu le voir avec l'exemple de l'Irak et de la Syrie. Sans oublier le GUAM, alliance de la Géorgie, de l'Ukraine, de l'Azerbaïdjan et de la Moldavie sur initiative américaine, la tentative de former une sorte de "contingent de maintien de la paix" par l'Ukraine, ou encore les intentions d'élargir cette structure en intégrant l'Arménie et l'Ouzbékistan. Les ambassadeurs américains en Arménie Michael Lemmon (1998-2001) et John Ordway (2001-2004) ont tenté de persuader les autorités de la république d'annoncer, au moins, la possibilité d'une adhésion du pays au GUAM.
Parfaitement conscients de la réticence de la Russie et de l'Iran à une éventuelle apparition de troupes ou de bases de l'Otan à proximité de leurs frontières, les USA ont initié la "distribution" des Plans d'action individuels pour le partenariat avec l'Otan (IPAP) à la Géorgie, à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie. Objectif: les intégrer de facto dans les rangs de l'Alliance, comme en témoignent les allusions insistantes du représentant spécial du secrétaire général de l'Otan pour le Caucase du Sud et l'Asie centrale Robert Simmons en 2000-2010, les déclarations au sujet de la nécessité de déployer des "casques bleus" dans la région, ou encore les tentatives de briser et de revoir les formats de maintien de la paix en Ossétie du Sud et en Abkhazie. La guerre d'août 2008 a mis un terme à ces intentions mais les événements en Ukraine prouvent que ces plans reviennent aujourd'hui au premier plan.
Ankara a montré son activité cet été en initiant des réunions entre les ministres de la Défense de la Turquie, de l'Azerbaïdjan et de la Géorgie à Nakhitchevan (Azerbaïdjan) le 19 août, ainsi qu'en organisant des exercices communs en Transcaucasie. Il faudrait être naïf pour croire qu'Ankara n'était poussé que par ses propres intérêts et préoccupations: la Turquie n'est pas simplement membre de l'Otan, elle dispose de la deuxième plus grande armée de l'Alliance. Le thème des réunions des ministres de la Défense était "la protection des oléoducs dans la région", ce qui est assez éloquent après l'abandon des projets de construction du gazoduc irano-syrien et du gazoduc russe South Stream. Ces réunions ont été suivies des visites du secrétaire américain à la Défense à Tbilissi et du ministre israélien de la Défense à Bakou. Le président français François Hollande a annoncé que la France était prête à louer à l'Azerbaïdjan un satellite militaire français…
Par ailleurs, il ne faut pas croire que l'activité des USA et de l'Otan ne touche pas l'Arménie. Une place spéciale est impartie à Erevan dans la stratégie régionale des USA et de l'Otan, qui continuent de faire pression sur le pays.
Une nouvelle "Semaine de l'Otan" s'est déroulée en Arménie en novembre…
Certains ambassadeurs occidentaux et le ministre britannique des Affaires européennes David Lidington ont exprimé leur regret après l'adhésion de l'Arménie à l'Union économique eurasiatique…
Le programme Couloir de la Mer Noire de la Route de la Soie a démarré dans ce pays en novembre sous l'égide de l'ambassade des USA…
Le 28 novembre, un entretien à huis clos s'est tenu au parlement arménien entre les membres de la commission parlementaire pour les affaires étrangères, les membres du groupe parlementaire d'amitié Arménie-USA et l'ambassadeur des USA en Arménie John Heffern…
Tout cela porte à croire qu'en dépit de son statut de membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), de la CEI et de son adhésion à l'UEE, l'Arménie est toujours surveillée de près par l'Occident. Ce n'est pas par hasard que le représentant spécial du secrétaire général de l'Otan James Appathurai, qui a commencé son voyage par un entretien à Tbilissi, s'est rendu le 4 décembre dans la région.
Il ne faut pas non plus écarter de ce contexte des plans de l'Otan au Moyen-Orient l'activation des préparations militaires et stratégiques de l'Occident en Transcaucasie. La récente attaque de l'armée de l'air israélienne contre des dépôts militaires de Damas, en Syrie, montre que l'Occident et ses alliés dans la région comptent lancer prochainement une nouvelle étape d'escalade militaire. En témoigne également la réticence de l'Occident à aider les Kurdes syriens à libérer la ville d'Aïn al-Arab, occupée par les terroristes de l'Etat islamique (EI).
La coalition occidentale contre l'EI est uniquement censée camoufler la préparation à des événements encore plus dramatiques.
Toute cette activité est mêlée à une activation significative des forces proaméricaines en Géorgie. Selon le rédacteur en chef de l'agence de presse Gruzinform, Arno Khidirbeguichvili, le retour probable au pouvoir des sympathisants de Mikhaïl Saakachvili pourrait être lié aux plans américains d'installer avant la fin de l'année en Géorgie des bases de l'Otan et des systèmes de défense antimissile, de construire un chemin de fer Kars-Akhalkalaki-Bakou débouchant sur l'Iran et la mer Caspienne, ainsi qu'au retrait des troupes occidentales d'Afghanistan via le territoire géorgien. De plus, les partisans de l'ex-ministre géorgien de la Défense Irakli Alassania accusent le Rêve géorgien de vouloir renoncer à la ligne prooccidentale, de changer les conditions de transit du gaz azerbaïdjanais à destination de l'Europe dans le cadre du projet Shah Deniz 2 – par le gazoduc Transanatolien (TANAP) dont la mise en service est prévue pour 2018.
Les USA ont annoncé à plusieurs reprises vouloir transformer la Géorgie en base pour former les "opposants syriens modérés" et en site de déportation des détenus de la prison de Guantanamo. Tbilissi a donné son accord.
Les USA et l'Otan voyaient et considèrent toujours la Transcaucasie comme un simple avant-poste pour des actes de subversion contre la Russie et l'Iran.