Charles Sannat, économiste français, directeur de la Recherche Économique d'AuCoffre.com nous fait part de sa vision de la situation économique en EU en évoquant des probables scénarios de la sortie de la crise.
LVdlR. Monsieur Sannat, J.-C. Juncker vient de présenter son plan pour l’amélioration de la santé de l’économie européenne. Il propose de créer le Fonds européen pour les investissements stratégiques qui stimulerait l’économie européenne. Pourriez-vous nous expliquer à quoi ça va ressembler?
Charles Sannat. Cela va ressembler à rien. Je me suis replongé dans les vielles dépêches et je suis retombé sur le plan de relance européen de 2008 qui était un plan de 200 milliards. Et là on nous disait, je cite le Monde: le président de la Commission européenne J.-M. Barroso a proposé 27 novembre 2008 un plan de relance dont le montant total s’élève à 200 milliards d’euros, un chiffre supérieur aux estimations qui circulaient jusqu’alors, et on va relancer la croissance. Aujourd’hui c’est la même chose. En réalité, il ne se passe rien. Encore une fois, souvenons-nous de FESF (Fonds européen de stabilité financière), MES (Mécanisme européen de stabilité), le premier plan de relance de Barroso en 2008, un nouveau plan de relance de 130 milliards d’euros en 2010. Et on ne voit aucun résultat. Si vous additionnez ces 200 et 130 milliards, vous arriverez globalement à ces 315 milliards d’euros de 2014. Mais il ne se passera toujours rien. En réalité, il n’y a pas cette somme aujourd’hui. En fait, l’UE au mieux mobiliserait 20 milliards d’euros jusqu’à 2020.
LVdlR. Certains experts, comme vous d’ailleurs, doutent que ce plan soit une panacée aux problèmes économiques de la zone euro… et puis ça va peser sur les économies nationales?
Ch. S. Je ne pense pas que ça puisse peser sur les économies nationales. Je crois qu’en réalité, rien ne va se passer. L’UE manque aujourd’hui, au moment où nous parlons, plus de 30 milliards d’euros qui ne sont pas versés par les Etats membres. Les fonds de l’UE proviennent des dotations qui sont remontées par chacun des Etats membres et comme ces Etats membres sont dans des situations budgétaires très difficiles et très délicates, évidemment, tout le monde essaye de ne pas payer sa quote-part à l’Europe. Tout cela ne fonctionne pas et ne fonctionnera pas mieux avec le plan de relance actuel.
Le grand débat actuellement qui dure depuis 2007, le début de la crise, on a deux visions qui s’affrontent sans vraiment s’affronter, d’ailleurs. Il y a deux approches intellectuelles. Pour sortir l’Europe de la crise soit l’Europe va de l’avant et en gros devient les Etats-Unis de l’Europe, c’est-à-dire un pays unique en termes de règles, de droit, de fonctionnement, avec un impôt sur le revenu européen et pas national. Soit ce sera la dislocation de l’Europe à cause de l’hétérogénéité des économies (le modèle allemand, par exemple, est incompatible avec d’autres pays européens). Les forces centrifuges sont beaucoup trop importantes. Aujourd’hui l’heure du choix approche et évidemment, les partisans de l’idée européenne essayeront jusqu’au bout de sauvegarder l’illusion d’une Europe qui fonctionne. L’idée européenne est une très belle idée mais l’Europe telle qu’elle a été conçue et telle qu’elle existe aujourd’hui avec cette monnaie unique ne fonctionne pas.
Avant que vous voyez le moindre résultat de ce plan, je pense l’Europe aura connu une crise systémique de nature à faire exploser la monnaie unique.
LVdlR. Il y a beaucoup d’opposants à ce projet au sein du Parlement européen. Qui sont ces mécontents?
Ch. S. On y trouve un peu tout le monde. On y trouvera les courants « europhobes » du type Nigel Farage, les eurodéputés du Front national, on peut retrouver également quelques députés allemands opposés à la mutualisation des dépenses au niveau européen. En effet, on va retrouver contre ce projet des gens à des profils assez variés pour des raisons assez différentes mais ce qui leur unit, c’est une perte de confiance et une perte de croyance dans la survie même de l’institution européenne.
François Hollande a convaincu en 2010 Angela Merkel d’adhérer à son Pacte de croissance qui prévoit de mobiliser 1 pour cent du PIB européen pour permettre à une zone euro plombée par l’austérité de sortir de la crise mais il ne s’est rien passé. Tout cela ce n’est que des artifices et des annonces. Donc il ne se passera pas plus de choses parce que vous avez 27 pays qui ont des modèles économiques différents, qui ont des positionnements géopolitiques différents, qui ont des intérêts divergents et 27 pays qui ne sont d’accord sur rien.