L'Allemagne a annulé la réunion des coprésidents du forum russo-allemand des sociétés civiles – ou Dialogue de Saint-Pétersbourg - prévu les 1er et 2 décembre: l'administration d'Angela Merkel estime qu'il est inutile d'organiser ce forum tant qu'il n'est pas foncièrement réformé pour être plus critique à l'égard de la Russie, écrit jeudi le quotidien Kommersant.
Des sources au gouvernement russe perçoivent, dans les revendications allemandes, une tentative de changer la politique étrangère de Berlin vis-à-vis de Moscou.
La chancelière allemande Angela Merkel a durement critiqué hier la politique ukrainienne de la Russie. Elle a déclaré au Bundestag que "les actes de Moscou remettaient en question la paix en Europe et bafouaient le droit international". Selon elle, "rien ne peut justifier l'annexion de la Crimée ou excuser la participation directe ou indirecte de la Russie dans les affrontements à Donetsk et à Lougansk". Notant que les fusillades perduraient dans le Donbass, Angela Merkel a déclaré que les sanctions économiques contre la Russie restaient "inévitables" mais elle s'est prononcée pour la poursuite des négociations.
Selon les médias allemands, l'administration de la chancelière estime qu'il ne doit y avoir aucune réunion de haut niveau dans le cadre du Dialogue de Saint-Pétersbourg tant que la situation en Ukraine n'était pas stabilisée et tant que le forum n'était pas reformaté. Selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, la chancelière a soutenu le projet de réforme du Dialogue de Saint-Pétersbourg préparé par Andreas Schockenhoff (vice-président de la fraction CDU/CSU) et Marieluise Beck (députée des Verts et membre de la commission des affaires étrangères) en collaboration avec plusieurs ONG allemandes, critiquant la politique de Moscou.
Ce document implique trois changements fondamentaux. Premièrement, il suggère d'élargir le cercle des participants en transformant de facto le Dialogue en forum des droits de l'homme. Deuxièmement, les auteurs de l'initiative exigent de changer le règlement et la composition du présidium du forum en précisant qu'il convient d'exclure de l'organisation les participants qui ne seraient pas assez critiques envers Moscou. Enfin, ils appellent à séparer le travail du Dialogue de Saint-Pétersbourg des consultations intergouvernementales et de l'activité du forum russo-allemand qui promeut trop activement, selon les critiques, les intérêts de la communauté d'affaires des deux pays.
Selon les initiateurs de la réforme, ce forum doit offrir une "tribune pour une analyse critique de la politique russe" et ne pas se concentrer uniquement sur les erreurs de l'Occident, comme ce fut le cas jusqu'à présent.
Les membres du comité de coordination, côté russe, sont réticents face à ces exigences de réformer le Dialogue de Saint-Pétersbourg. Des sources du gouvernement russe impliquées dans le travail du forum sont persuadées que les revendications allemandes témoignent d'un combat pour changer la politique étrangère de Berlin vis-à-vis de Moscou.
Toutefois, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a déclaré hier qu'il était nécessaire de poursuivre les échanges avec la Russie dans le cadre du forum, en soulignant qu'il ne souhaiterait pas que cette tribune de discussion se transforme en "monologue de Berlin".