Bien que la législation française n’interdise pas aux partis politiques d’emprunter de l’argent pour financer leurs campagnes électorales à n'importe quelle banque, l’octroi d’un crédit au Front National par une banque de Russie, pays à une image controversée, a fait esclandre. Nous avons demandé à notre interlocuteur Aymeric Chauprade, eurodéputé du Front National, de décortiquer la situation.
La Voix de la Russie. Après le scandale des comptes de campagne de l'ex-président Nicolas Sarkozy, on s’intéresse de près au financement de tel ou tel parti. Aujourd’hui, on apprend que le FN a emprunté 9 millions d'euros à une banque russe. Comment pourriez-vous commenter cette information ?
Aymeric Chauprade.D’abord, c’est tout à fait différent d’un quelconque scandale parce que c’est tout à fait légal pour un parti politique français de contracter de l’argent auprès d’une banque russe. Il n’y a aucun lien politique, cela ne lie pas le Front National à la Russie sur le plan politique. C’est un prêt, ce n’est pas un don, c’est une opération purement financière. A titre personnel, je suis extérieur à ce circuit, mais a priori je n’y vois aucun problème puisqu’il semble tout à fait classique avec un taux d’intérêt qui n’est même pas un prix d’ami (parce que ce n’est pas un taux de 6%). Alors, c’est vraiment une opération purement financière légale et si autres essaient de faire mousser cette affaire, ils ne reposent sur aucun fondement juridique.
LVdlR. Pourquoi, à votre avis, le Front National a-t-il choisi une banque russe ?
Aymeric Chauprade.Car en Russie, il n’y a pas de pression politique qui manifestement empêcherait de prêter à un parti politique en France. En Russie, il y a une liberté laissée aux banques pour prêter à des partis politiques qui ont besoin d’argent. Cela me paraît tout à fait normal. En revanche, ce qui n’est pas normal, c’est que le Front National n’ait pas pu emprunter, comme il le faisait avant, auprès de banques françaises en raison des pressions politiques qui entravent cette procédure. On le doit à M. Sarkozy dans les différentes opérations « étranges » qui ont conduit les banques françaises à se méfier des prêts aux partis. Je répète encore une fois qu’il faut revenir à l’origine de cela : les affaires autour de M. Sarkozy ont provoqué une défiance de la part des banques françaises vis-à-vis de l’ensemble des partis politiques et, en particulier, du Front National parce qu’il y a toujours des pressions partisanes contre lui. C’est tout simplement cela qui a conduit Marine Le Pen à explorer diverses pistes, elle a par ailleurs écrit plusieurs lettres à des banques de différents pays, pas seulement en Russie. Et il se trouve que grâce à M. Schaufhausser, cette offre a débouché.
LVdlR. Alors, c’est en vain que certains médias craignent une éventuelle ingérence étrangère dans la vie politique française ?
Aymeric Chauprade.Non, de quelle ingérence peut-on parler ? Cela fait longtemps que le Front National a formé et suit toujours sa position dans la politique internationale, en tout cas, bien avant cette histoire. Même sous Jean-Marie Le Pen, le Front National était opposé la politique globale des Etats-Unis, à l’impérialisme américain et souhaitait une politique équilibrée et d’amitié vis-à-vis de la Russie. Donc, ce n’est pas ce prêt qui fait la politique ou qui fait les options politiques du Front National. Cela n’a pas de sens, il faut regarder l’historique. Nous avons l’évidence des convictions depuis toujours. Nos positions n’ont rien à voir avec ce type de prêts qui, je le répète encore une fois, est un prêt et pas un don.
Commentaire. Le milieu politique français fait d’un rien une montagne puisqu’il s’agit d’une montagne. Cela fait longtemps que l’élite politique de l’Hexagone craint les relations amicales entre Marine Le Pen et Vladimir Poutine. Que le Président russe soit associé à un ange ou un démon, il est un des leaders les plus forts de notre temps. Voilà pourquoi son soutien aux nationalistes qui gagnent de la popularité fait peur à la France et à tout le continent.
Mais la vraie cause du choc et des craintes des politiques français est plus loin. L’octroi de 9 millions d’euros pour financer le programme politique du Front National lors des élections présidentielles en 2017 met en évidence que la Russiepeutse le permettre. Et cela – malgré des vagues de sanctions contre le pays.