A bas l’hyper présidence de la République !

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Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à traverser une période de crise politique. La France connaît les mêmes problèmes. Mais si dans le cas des Etats-Unis, on tente de surmonter les difficultés, la Vème République n’y fait rien. Résultat : ce n’est pas la situation de crise globale que l’on favorise, mais l’incertitude dans laquelle est plongée la France depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir.

L’incapacité de tenir les promesses de la campagne présidentielle, la chute vertigineuse de sa popularité, les scandales politiques à répétition font penser à la nécessité de modifier quelques principes de la présidence afin de motiver les chefs d’Etat à mieux exercer leurs fonctions. Pour ce faire, Jacques Mézard, sénateur du Cantal, membre du Parti radical de gauche, a déposé une proposition de loi constitutionnelle fin juillet 2014 prévoyant de rétablir le septennat qui a existé en France pendant 129 ans. Remarque importante : le mandat de sept ans doit être non renouvelable. Jacques Mézard nous a fait l’honneur de se prononcer sur nos ondes pour débattre sur sa proposition constitutionnelle.

La Voix de la Russie. Pourquoi a-t-on décidé de rétablir le septennat et de rendre le Président de la République non renouvelable ?

Jacques Mézard. Ce n’est pas encore décidé. C’est une proposition de loi que j’ai déposée et qui sera discutée au Sénat cette semaine. Nous avons déposé cette proposition parce qu’il est clair que le système actuel engendre des difficultés considérables. Le passage au quinquennat est suivi de l’inversion du calendrier, c’est-à-dire que l’élection législative a lieu quelques semaines après l’élection présidentielle. De plus, cela transforme le Président de la République qui devrait être au-dessus des partis, en chef de la majorité, en « super premier ministre ». Le passage au quinquennat a également pour corollaire une diminution supplémentaire du rôle du Parlement. C’est extrêmement dangereux parce que cela abouti à un déséquilibre considérable de deux institutions avec une « hyper présidence » de la République et un Parlement qui a de moins en moins de pouvoirs. Je crois qu’on est arrivé au bout du système et qu’il est nécessaire de le modifier.

LVdlR. Le septennat est notamment critiqué pour sa durée. Comme nous montre la pratique, seuls 11 Présidents de la République sur 21 ont mené leur mandat de sept ans à terme. Pensez-vous que la situation pourrait se répéter ?

Jacques Mézard. Ce que nous proposons, c’est un septennat non renouvelable parce que dans le cadre du système actuel, dès qu’un Président de la République est élu, évidemment, il a l’œil fixé sur l’échéance de cinq ans pour son renouvellement. C’est-à-dire qu’il a pour objectif de faire dix ans de présidence et de mener une politique qui n’a pas un recul suffisant par rapport aux enjeux du pays. Le vrai problème c’est le déséquilibre des institutions. Il faut rendre au Parlement davantage de pouvoirs. Aujourd’hui, le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale. Cette proposition de septennat non renouvelable ne suffit pas à régler tous les problèmes, mais je pense que ce serait une amélioration par rapport à ce que nous vivons depuis une dizaine d’années.

Pour rééquilibrer les pouvoirs, il est nécessaire de modifier la Constitution pour que, par exemple, le Président de la République ne puisse pas dissoudre l’Assemblée nationale. Il fait également donner davantage de moyens d’action au Parlement, que ce soit l’Assemblée nationale ou le Sénat, parce qu’aujourd’hui tout procède de la présidence de la République et que cela pose toute une série de problèmes avec des conséquences dont on voit aujourd’hui très clairement les effets. La France est pratiquement dans une crise de régime.

LVdlR. Est-ce que les autres sénateurs et parlementaires vont soutenir la proposition de loi constitutionnelle ?

Jacques Mézard. Je ne pense pas que cette fois-ci la proposition de loi constitutionnelle recueille une majorité. Mais je constate qu’à l’Assemblée nationale un certain nombre de députés ont récemment déposé une proposition de loi très proche de celle que j’ai déposée. On voit bien qu’il y a un changement dans les mentalités et qu’il y a des réflexions pour essayer de faire évoluer les institutions afin d’arriver à davantage d’équilibre.

LVdlR. Pensez-vous que cela va changer quelque chose, que ce changement dans les mentalités dont vous avez parlé va avoir un impact sur les élections présidentielles de 2017 ?

Jacques Mézard. Le débat institutionnel sera certainement hors des enjeux des élections de 2017. Je pense que le débat le plus important sera celui de la croissance et de l’économie. Mais incontestablement, il faudra et il faut d’ores et déjà réfléchir sur une évolution des institutions. Il ne s’agit pas de l’appeler « Sixième République », il s’agit de faire évoluer sagement les institutions qui ont dérivé vers un système qui s’est révélé dangereux pour la pratique constitutionnelle.

Commentaire. A l’origine, la Constitution française de 1958 était écrite pour un septennat. D’où les problèmes et les échecs des quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, ainsi que du deuxième mandat de Jacques Chirac. Le Président de la République et le premier ministre ont changé de rôles : l’un devient un premier ministre actif, l’autre – le « contremaître » du président. D’autre part, cela fait longtemps que les Français n’ont pas vu d’alternance au pouvoir. Ils avaient déjà observé une première fois avec le Général de Gaule puis François Mitterrand que l'usure du pouvoir est néfaste pour le pays. Ceux qui ne sont pas d'accord soutiennent la création de la VIème République. Une question nous laisse perplexe : quel modèle politique sera celui de France et est-ce qu’un redémarrage du système actuel est possible ?

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