Deux événements, qui à première vue ne sont pas liés l’un avec l’autre, se sont produits au cours de ces derniers jours. Ces évènements ne rassureront pas ceux qui espèrent que les tensions sur la péninsule coréenne vont pouvoir se calmer. D’un coté, des confirmations incontestables de l’élargissement du programme nucléaire de Pyongyang sont apparues. D’un autre côté, les républicains ont remporté la victoire au Sénat des Etats-Unis.
Les informations que contiennent des photos satellites prouvent que les armes nucléaires sont fabriquées sur le territoire du complexe de recherche nord-coréen de Yongbyon, et le bâtiment destiné à l’enrichissement de l’uranium vient d’être construit sur le territoire de ce complexe. A en juger par la taille de ce bâtiment, il ressemble à celui qu’a visité la délégation américaine en 2010. Selon les estimations de la délégation, environ 2000 centrifugeuses d’enrichissement d’l’uranium y ont été construites.
On ignore pour l’instant la date à laquelle ce bâtiment a été inauguré. On ignore également combien de centrifugeuses fonctionnent vraiment. Cela ne fait toutefois aucun doute que la Corée du Nord continue à mener un travail actif au niveau de l’élaboration des nouvelles composantes du programme nucléaire.
Les États-Unis n’ont presque pas réagi à cette percée de la Corée du Nord dans le domaine de l’armement nucléaire, menant une politique d’ignorance de ce pays sur la scène mondiale. On estime à Washington qu’il est inutile de mener des pourparlers avec ce pays.
Cependant, le gouvernement nord-coréen a déclaré à maintes reprises qu’il maintenait le cap sur le développement de l’armement nucléaire. D’ailleurs le statut nucléaire de ce pays a été inscrit dans la Constitution.
L'analyse des conditions objectives de la Corée du Nord montre également qu’il n’y a aucune chance que Pyongyang renonce aux armes nucléaires. Ces armes sont nécessaires pour garantir la sécurité et assurer le statut de la Corée du Nord sur la scène internationale. Pyongyang a bien appris la leçon que les Américains ont donnée avec l’exemple de Mouammar Kadhafi. C’est le seul dirigeant dans l’histoire mondiale à avoir renoncé au programme nucléaire en échange de concessions et de garanties promises par les pays occidentaux. Et il a été tué.
Alors que Washington continue à faire semblant que la RPDC n’existe pas, les ingénieurs et les chercheurs nord-coréens mènent un travail intensif sur l’amélioration de l’arsenal nucléaire, en élargissant les capacités d'enrichissement de l'uranium. En outre, des travaux sur la miniaturisation des armes nucléaires et des missiles à longue portée sont menés.
La Corée du Nord reste certes un pays pauvre et son potentiel militaro-industriel reste limité. C’est pourquoi la création d’un armement nucléaire à part entière pourrait prendre plusieurs années. C’est exactement ce qu’on veut à Pyongyang. Et tôt ou tard, les autorités nord-coréennes y parviendront.
Cela ne signifie pas cependant que le compromis est impossible. Comme le montre l'expérience des accords précédents, et en premier lieu l’accord cadre de Genève de 1994, la partie coté nord-coréenne pourrait bien accepter de geler son programme nucléaire en échange de concessions économiques et politiques de la communauté internationale.
Mais il sera difficile pour les Américains d’effectuer un tel compromis : le gouvernement qui a misé sur cela sera d’office accusé d’avoir été « trop faible » et d’avoir fait trop de concessions face au « chantage nucléaire ». Avec le renforcement des positions des républicains au Sénat, les chances pour mener un compromis sur cette question se sont sensiblement amenuisées. Le militantisme caractéristique pour les républicains et le goût des décisions simples ne fera que compliquer le dialogue entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, le rendant quasiment impossible.
Il y a donc des raisons de penser que les Etats-Unis vont continuer à faire semblant que la Corée du Nord n’existe pas. Cela ne fait aucun doute que dans un avenir proche, nous serons confrontés à de nouvelles surprises, notamment à la réussite du test d'une charge nucléaire à l'uranium enrichi et du lancement du premier missile intercontinental. /N