Cette semaine, l’Ukraine a déposé une demande supplémentaire d’une nouvelle tranche de 2 milliards d’euros, alors que, d’après l’évaluation des financiers américains, il faudrait encore au moins 20 milliards d’euros à l’Ukraine pour éviter l’éclatement du pays. Evidemment, l’UE est le principal destinataire de ce message. Mais les dirigeants ukrainiens eux ont un appétit de lion et ne se satisfont pas des estimations des économistes occidentaux. Selon M. Iatseniouk, seule une somme de 100 milliards d’euros pourrait sauver l’Ukraine. Mais pourquoi pas alors fouiller dans les poches de M. Porochenko et consorts ? Il se peut qu’au moins une partie de cette énorme somme soit trouvée chez les oligarques ukrainiens…
Pour l’instant, l’UE envisage d’accélérer l’octroi à l’Ukraine de 760 millions d’euros dans le cadre du programme de l’aide financière en cours. Sans aucun doute, d’autres subventions ne vont pas tarder. Mais dans ce cas, l’Européen moyen serait obligé de serrer bien la ceinture. Visiblement, l’UE s’enfonce dans l’impasse. Interviewé par la Voix de la Russie, André Chanclu, fondateur des organisations France-Donbass, France-Russie et Novopole, développe le sujet.
LVdlR. « Ne vous paraît-il pas que la politique irréfléchie de l’UE en Ukraine l’ait conduite à l’impasse et fasse qu’aujourd’hui, c’est l’Europe qui est responsable de la couverture des dépenses de l’Ukraine ?
André Chanclu. Oui, effectivement, cela semble assez paradoxal. Ce qui s’est déroulé en Ukraine - le coup d’Etat en février et puis tous ces massacres – a été quand même sous l’impulsion de l’Union européenne. L’UE porte une lourde responsabilité dans cette affaire et elle doit assumer ses responsabilités, ce qui me semble tout à fait logique. Mais pas seulement l’Union européenne. Je pense que les USA aussi devraient apporter un peu leur obole, cet argent qui manque à l’Ukraine. Et il n’y a pas que la dette gazière, il y a des trous dans la gestion de ce pays qui est dirigé par des gens qui ne sont pas compétents, par des oligarques qui s’en mettent plus dans les poches qu’autre chose. C’est une véritable catastrophe.
En plus, ce pays demande à l’UE de l’aider, l’UE qui est en difficulté financière globalement.
LVdlR. Justement, l’Europe, étant toujours en pleine crise, est-elle en mesure aujourd’hui de remorquer financièrement l’Ukraine ?
A.CH. L’Europe est toujours capable de subvenir aux besoins d’un pays comme l’Ukraine, c’est clair, mais pas ad vitam aeternam, parce que le problème est là aujourd’hui. Hier, je crois, George Soros s’est exprimé à Bruxelles en demandant aux Etats membres de l’UE non pas de verser 2 milliards mais 20 milliards d’euros ! Donc pour Soros, c’est 20 milliards qui manquent à l’Ukraine pour être dans une situation relativement stable. Effectivement, ce qui est demandé dans cette affaire, c’est que l’UE verse de l’argent dans un puits sans fond. C’est clair que ce puits sera sans fond. C’est vrai que les dirigeants européens ont quand même quelques doutes. C’est vrai qu’ils sont engagés un petit peu trop rapidement, à mon sens, dans cette histoire. Ils se trouvent aujourd’hui confrontés à une situation qui les dépasse. Et je crois qu’aujourd’hui, on est face à une situation paradoxale. Mais je pense que, si ce n’est pas l’UE, il va falloir que ce soit le FMI. Soit l’un, soit l’autre vont devoir verser et cracher leur obole pour le régime illégal de Kiev.
LVdlR. Soyons pragmatiques quand même, l’Ukraine que peut-elle donner à l’Union européenne en échange de toute cette aide, surtout qu’il n’est pas certain qu’ultérieurement le Donbass, qui est le centre industriel du pays, fasse partie de la nouvelle Ukraine ?
A.CH. Il est vrai que l’Ukraine n’a pas grand-chose à donner, mis à part peut-être son gaz de schiste qui est exploité dans certaines régions de l’Ouest. L’Ukraine n’a pas beaucoup de choses à donner en compensation, sinon qu’une compensation d’ordre politique puisque on met mal à l’aise la Russie dans cette histoire et tout ceci a un prix. C’est peut-être ça qui va être demandé à l’UE, de verser une sorte de remerciement à ce qu’a fait l’Ukraine pour gêner la Russie. Mais il n’y a pas d’échanges économiques, aujourd’hui ce n’est pas viable.
De toute façon, la richesse de l’Ukraine se trouve à l’Est. Les deux tiers du PIB ukrainien sont dans le Donbass. Et aujourd’hui le Donbass est une région indépendante, c’est la Novorossiya.
LVdlR. En plus il faut le reconstruire, le Donbass.
A.CH. Oui mais bon, de toute façon la Novorossiya a les moyens de reconstruire ce qui lui revient. Elle n’a pas participé à la remontée économique de l’Ukraine puisque maintenant ce sont deux entités complétement indépendantes.
LVdlR. Peut-on garantir que l’argent destiné au peuple ukrainien atteigne bien les destinataires et pas les poches des oligarques ?
A.CH. On l’a connu par le passé. Mme Tymochenko était en prison pour cette raison. Et il n’y a pas de raisons que ça s’arrête. Porochenko est un oligarque et on sait qu’il y a des tendances naturelles qui font que ces gens-là confondent leurs poches avec l’argent public. Il est tout à fait logique que c’est comme ça que cela se terminera. Que ce soit Porochenko, que ce soit Kolomoïsky, que ce soit tous ces oligarques qui brassent l’argent du brave contribuable ukrainien, il est clair que ça terminera dans certaines poches privées.
LVdlR. Je crois qu’il faut d’abord changer d’élites en Ukraine pour continuer sa démocratisation…
A.CH. Oui, il faut changer d’élites mais cela ne prend pas le chemin. Quand on voit les élections qui se profilent pour dimanche, il n’y a pas de changement d’élites. Puisque la majorité des partis qui se présentent sont des partis qui sont dirigés par des gens qu’on connait pertinemment briller par leur échec dans le conflit avec le Donbass. Ce sont des tortionnaires, ce sont des gens qui n’ont pas l’envergure nécessaire pour être des dirigeants, des chefs d’Etat. L’Ukraine s’engage là-aussi politiquement dans une impasse, voire dans un chaos. Le chaos y va continuer, s’il n’y a pas de changement à l’issue des élections du dimanche prochain. »