La Turquie va permettre aux Kurdes irakiens de venir en aide à leurs confrères en Syrie, écrit mercredi le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Mais Ankara ne souhaite pas s'impliquer pour autant dans la guerre contre l'organisation extrémiste Etat islamique (EI), "par crainte de susciter un sursaut d'activité terroriste" sur son propre territoire, a déclaré l'ancien vice-ministre turc des Affaires étrangères Umit Pamir lors d'une conférence au centre Carnegie. Selon lui, Ankara prône un règlement de la crise au Moyen-Orient en coopération avec Moscou. La Turquie est également prête à coopérer avec la Russie sur le plan économique.
La Turquie autorisera les unités de Kurdes irakiens (Peshmerga) à traverser son territoire pour arriver en Syrie afin d'aider leurs confrères à contrer l'offensive des islamistes de l'EI, a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavusoglu.
Selon les pays occidentaux, cette décision témoigne d'un changement dans la position du gouvernement turc. Ce dernier reste toutefois réticent à envoyer ses propres troupes pour sauver la ville de Kobané et ne permet à l'aviation de fournir aux défenseurs de la ville que des armes légères et des munitions en quantité réduite.
Comment expliquer cette attitude aussi retenue d'Ankara vis-à-vis des opérations contre l'EI? Ümit Pamir, ancien vice-ministre turc des Affaires étrangères et ambassadeur à la retraite, a déclaré lors d'une conférence au centre Carnegie de Moscou qu'une implication de son pays dans la confrontation contre l'EI reviendrait à "ouvrir la boîte de Pandore". Un grand nombre de réfugiés syriens se trouve déjà en Turquie. Et ils ne cessent d'affluer. C'est pourquoi la Turquie doit bien réfléchir avant se lancer dans une opération militaire. Si les forces turques s'engageaient en Syrie, elles pourraient être attaquées par des unités iraniennes sur place. De plus, le président syrien Bachar al-Assad dispose de forces aériennes qui pourraient également être utilisées.
Par conséquent, il est nécessaire d'établir d'abord une zone d'exclusion aérienne en Syrie et une zone de sécurité près de la frontière turque pour une participation plus active d'Ankara au règlement du conflit. La Turquie pourrait alors se préoccuper des besoins de la population civile dans les régions syriennes frontalières avec la Turquie.
Ümit Pamir a souligné que la Turquie souhaitait que la guerre en Syrie cesse, conformément aux ententes de Genève. "Le gouvernement d'Assad est probablement un moindre mal par rapport à l'EI mais des centaines de milliers de civils ont été tués par sa faute, y compris avec l'arme chimique. Pour cette raison la Turquie ne peut pas soutenir le gouvernement autoritaire d'Assad", a-t-il précisé.
Les années 2000 ont été un "âge d'or" pour les relations russo-turques. Les échanges commerciaux avoisinaient alors les 40 milliards de dollars. Aujourd'hui, ils subissent la crise et il faut chercher à relancer les relations commerciales et économiques.
En résumant le débat, les experts ont noté que les divisions idéologiques de la Guerre froide avaient été surmontées et qu'au fond, les intérêts de la Russie et de la Turquie coïncidaient dans l'ensemble. Les deux pays sont méfiants quant aux interventions étrangères, notamment militaires, dans les régions voisines. Le terrorisme et l'extrémisme représentent une menace aussi bien pour Ankara que Moscou. C'est pourquoi ils doivent agir ensemble dans l'intérêt de la stabilité des Balkans à l'Asie centrale et l'Afghanistan en passant par le Moyen-Orient et le Caucase du Sud. Dans le même temps, la Turquie et la Russie doivent préserver leurs relations bilatérales en ne laissant pas les divergences sur la Crimée, la Syrie et l'Egypte avoir un impact négatif sur les liens mutuels.