Le patron du groupe pétrolier français Total, Christophe de Margerie, est mort à l'aéroport Vnoukovo 3 de Moscou dans un accident , écrit mercredi 22 octobre le quotidien Vedomosti.
Son décès rappelle le rôle que peut jouer une personnalité dans l'histoire, la fragilité d'une vie humaine et d'une carrière. "Big Moustache", comme le surnommait le personnel français de Total, était une personnalité imposante et marquante, dont l'activité dépassait du cadre des affaires. En reniant toute participation à la politique, de Margerie faisait constamment de la diplomatie informelle. Ce haut responsable, qui a connu de nombreuses négociations difficiles quand il dirigeait le département proche-oriental de Total dans la seconde moitié des années 1990, était devenu porte-parole de l'opinion des affaires françaises, médiateur dans les relations complexes entre l'Occident et des pays fournisseurs de pétrole.
Christophe de Margerie reconnaissait qu'il cherchait à respecter les lois et les règles tacites dans les pays où travaillait Total. "Dans l'énergie, tous les sujets sont liés à la politique. Ça s'appelle la sécurité d'approvisionnement", avait-il déclaré en septembre au Monde. Pour étendre ses affaires et gagner encore en rentabilité, de Margerie investissait également dans des pays où l'accès à l'exploitation d'hydrocarbures était déterminé par les relations personnelles avec le chef de l'Etat et son entourage. Il a fait preuve de compréhension des conditions de travail en Russie en juin 2010 lors d'une rencontre avec Vladimir Poutine: "Notre politique dans votre pays, monsieur le premier ministre, est très claire. Nous avons de nombreux partenaires, mais un seul chef.
Tant que vous me soutenez, tant que vous soutenez Total, nous ferons de bonnes affaires".
Le savoir-faire de Christophe de Margerie pour établir des contacts a permis à Total de relancer l'exploitation pétrolière après le changement de gouvernement en Irak et en Libye, ou encore après la nationalisation du secteur en Bolivie. Il a également participé au programme "Pétrole contre nourriture", qui a permis à l'Irak de la fin des années 1990 de vendre des hydrocarbures pour acheter des produits alimentaires et des médicaments. Ses négociations avec les rebelles libyens ont redonné à des milliers de gens un emploi et une source de revenus. L'aspiration à protéger la compagnie, la sécurité et la santé de son personnel dans 130 pays ont fait de Margerie un pacificateur. Il critiquait le conflit en Libye et les sanctions antirusses. Désormais, Moscou a perdu un canal de liaison informel important avec l'élite politique et d'affaires européenne. Sans de Margerie, qui savait arrondir les angles grâce à son humour, la presse française estime qu'il sera plus difficile aux hommes d'affaires et aux politiciens de trouver un terrain d'entente.
Même un connaisseur des règles informelles et un "grand ami de la Russie" ne peut échapper aux risques d'infrastructure ou techniques. Les grandes entreprises devront désormais en tenir compte en travaillant avec la Russie.