Interview accordée par le président russe Vladimir Poutine au quotidien serbe Politika

© © Photo: REUTERS/Marko DjuricaInterview accordée par le président russe Vladimir Poutine au quotidien serbe Politika
Interview accordée par le président russe Vladimir Poutine au quotidien serbe Politika - Sputnik Afrique
S'abonner
(texte abrégé)

1/ Vous vous rendez à Belgrade pour participer aux célébrations du 70e anniversaire de sa libération des occupants nazis. Dans quoi réside l'importance de telles commémorations à l'heure actuelle ?

Il y a 70 ans nos peuples ont écrasé ensemble l'idéologie criminelle misanthrope qui menaçait l'existence de la civilisation.

Malheureusement le « vaccin » contre le virus nazi développé lors du tribunal de Nuremberg est en train de perdre de son efficacité dans certains Etats européens. Les manifestations ouvertes de néo-nazisme devenues habituelles en Lettonie et dans d'autres pays baltes en constituent un exemple flagrant. En ce sens, une préoccupation particulière est suscitée par la situation en Ukraine où un coup d'Etat anticonstitutionnel a été perpétré en février dernier et dont les nationalistes et d'autres groupes radicaux ont été la force motrice.

Aujourd'hui il est de notre devoir commun de faire face à la héroïsation du nazisme. De résister avec fermeté aux tentatives de révision des résultats de la Seconde guerre mondiale. De lutter avec esprit de suite contre toute forme et manifestation du racisme, de la xénophobie, du nationalisme agressif et du chauvinisme.

2/ Qu'avons-nous réussi à atteindre au cours de ces 20 dernières années et quelles sont vos attentes eu égard à la dynamique de la coopération russo-serbe ?

Pour l'heure les relations russo-serbes connaissent un essor. En 2013 le chiffre d'affaires de nos échanges a augmenté de 15 % pour atteindre 1,97 milliard de dollars et au premier semestre 2014 il a augmenté de 16,5 % jusqu'à 1,2 milliard de dollars. Nous escomptons un taux de 2 milliards de dollars à la fin de l'année.

Le montant total des investissements russes en Serbie a surpassé 3 milliards de dollars. Le gros de cette somme a été investi dans la branche énergétique ayant une importance stratégique. La mise en oeuvre du projet South Stream doit rapporter à la Serbie plus de 2 milliards d'euros de nouveaux investissements et renforcer notablement sa sécurité énergétique.

3/ Beaucoup a été dit à propos des réductions possibles des fournitures du gaz russe vers l'Europe à cause de la dette ukrainienne. Quel est l'avenir du projet South Stream dont la réalisation intéresse la Serbie ?

En tout premier lieu je tiens à souligner que la Russie honore entièrement ses engagements relatifs aux fournitures de gaz aux consommateurs européens.

Depuis les années 2000 nous sommes parvenus avec nos partenaires européens à réaliser plusieurs projets importants, Nord Stream compris, qui permettent de minimiser les risques liés au transit et d'assurer un approvisionnement ininterrompu des pays européens en gaz. Ces derniers mois Gazprom augmente à des rythmes accélérés les reserves de gaz dans les dépôts souterrains européens. Ces mesures visent à empêcher des perturbations du transit et à assurer les meilleures conditions pour surmonter la période de consommation de pointe en hiver.

Il va de soi que nous tenons compte des risques liés aux phénomènes de crise en Ukraine. Nous nous sommes vus obligés d'arrêter les livraisons dans ce pays en juin dernier car les autorités de Kiev avaient refusé de payer pour le gaz déjà reçu. A la fin de l'été et au début de l'automne une série de consultations trilatérales intenses a eu lieu entre la Russie, l'UE et l'Ukraine portant sur les dénouements mutuellement acceptables concernant le remboursement de la dette ukrainienne pour le gaz, la reprise des livraisons à l'Ukraine et le transit stable des hydrocarbures vers l'Europe. Nous sommes prêts à poursuivre les négociations constructives sur ces thèmes.

Il est évident que le problème de transit par le territoire ukrainien persiste. Une des solutions évidentes réside dans la diversification des itinéraires d'acheminement des fournitures. A cet effet, nous espérons que la Commission européenne va enfin régler la question sur l'utilisation à pleine puissance du gazoduc OPAL.

En outre il est nécessaire de débloquer la situation avec South Stream. Nous sommes convaincus que ce projet apportera une contribution sensible à la sécurité énergétique complexe de l'Europe. Alors tous seront gagnants : aussi bien la Russie que les consommateurs européens, la Serbie comprise.

4/ Quel est, à votre avis, l'objectif des sanctions économiques de l'UE et des Etats-Unis contre la Russie ? Dans quelle mesure peuvent-elles nuire à la Russie ?

Nos partenaires doivent prendre nettement conscience que les tentatives pour exercer la pression sur la Russie par le biais des mesures restrictives illégitimes unilatérales ne rapprochent pas le règlement et ne font que compliquer le dialogue. De quelle volonté de désescalade en Ukraine peut-il être question si les décisions sur de nouveaux paquets de sanctions sont introduites quasi simultanément avec l'adoption des accords faisant avancer le processus de paix ? S'il s'agit de vouloir isoler notre pays, cet objectif est absolument absurde et illusoire. Il est clair que c'est impossible bien qu'un préjudice non négligeable puisse être bien sûr causé à la santé économique de l'Europe et du reste du monde.

Pour ce qui est de la durée d'action des mesures restrictives, cela dépend également des Etats-Unis et de l'Union européenne. Il est évident qu'une baisse de la confiance mutuelle ne peut pas ne pas exercer un impact négatif aussi bien sur le climat des affaires internationales dans leur ensemble que sur l'activité des sociétés américaines et européennes en Russie pour lesquelles il sera difficile de réparer le préjudice réputationnel.

6/ Comment voyez-vous l'avenir des relations russo-ukrainienns ? Un partenariat stratégique sera-t-il rétabli entre les Etats-Unis et la Russie ou bien dans l'avenir les relations seront organisées autrement ?

Pour la Russie les relations avec l'Ukraine ont toujours joué et continueront de jouer un rôle très important. Nos peuples sont indestructiblement liés avec les racines spirituelles, culturelles et civilisationnelles communes.

L'étape actuelle des relations russo-ukrainiennes a beau être compliquée, mais nous sommes intéressés dans une coopération progressive, égale en droits et mutuellement avantageuse avec les partenaires ukrainiens.

Une possibilité réelle apparaît aujourd'hui d'arrêter la confrontation armée qui est, de fait, une guerre civile. Il est nécessaire d'engager le plus vite possible un dialogue pan-ukrainien réel avec la participation des représentants de toutes les régions et de toutes les forces politiques. Cette approche a été fixée dans la déclaration de Genève du 17 avril. Ce dialogue national doit donner lieu à une discussion détaillée de l'organisation constitutionnelle et de l'avenir du pays dans lequel tous les citoyens de l'Ukraine sans exception puissent vivre confortablement et en sécurité.

En ce qui concerne les perspectives des liens russo-américains, nous avons toujours aspiré à avoir des relations de partenariat ouvertes avec les Etats-Unis.

Il ne reste qu'à déplorer ce qui se passe depuis le début de cette année. Washington a activement soutenu Maïdan et quand ses créatures à Kiev ont plongé le pays dans une guerre civile il s'est mis à accuser la Russie d'avoir provoqué la crise.

Maintenant le président Barack Obama du haut de la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU cite « l'agression russe en Europe » parmi trois principales menaces à l'humanité à côté de la fièvre mortelle Ebola et le groupe terroriste Etat islamique. Vu les restrictions imposées à des secteurs entiers de notre économie, il est difficile de qualifier cette approche autrement que d'hostile.

Les Etats-Unis sont allés jusqu'à faire des déclarations tapageuses sur la suspension de notre coopération dans l'exploration de l'espace et dans l'énergie atomique. Ils ont gelé l'activité de la commission présidentielle russo-américaine créée en 2009 et comprenant 21 groupes de travail qui s'occupaient, entre autres, de la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue.

Nous espérons que les partenaires prendront conscience du caractère insensé des tentatives de chantage à l'égard de la Russie et qu'ils se souviendront de quoi la discorde entre les grandes puissances nucléaires est lourde pour la stabilité stratégique. Pour notre part, nous sommes prêts à développer la coopération constructive basée sur les principes d'égalité en droits et de prise en considération réelle des intérêts réciproques.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала