Il est évident que la seule préoccupation de ces derniers consiste à ne pas permettre à qui que ce soit de contester leur hégémonie. La multipolarisation étant leur pire cauchemar. Et il n’est pas étonnant que le rapprochement de l’Europe avec la Russie qui s’annonçait ait été perçu par les USA comme une menace réelle. Ils ont, d’ailleurs, raison de le craindre. Et il a donc fallu « inventer » la crise ukrainienne pour provoquer le divorce russo-européen.
Mais la dépendance de l’Europe des Etats-Unis est en effet mortelle pour celle-ci, considère Guillaume Faye, essayiste et journaliste français, auteur du blog J’ai tout compris où sont recueillies des analyses profondes et indépendantes de la situation géopolitique et des problèmes intérieurs de la France. M. Faye a bien voulu nous expliquer en quoi consiste aujourd’hui l’erreur géopolitique majeure de l’UE. Ecoutons-le.
Guillaume Faye. Ce qui s’est passé, c’est que les Européens et notamment les Français, malheureusement, qui autrefois étaient gaullistes et ne le sont plus, n’ont pas du tout compris la stratégie américaine. Après la chute de l’URSS, les USA avaient comme objectif de redevenir la première puissance mondiale. Mais il s’est passé une chose qui les a beaucoup déçus, c’est que M. Poutine est arrivé au pouvoir. Or, M. Poutine avait l’intention de restaurer la puissance russe et surtout de faire une grande alliance avec l’Europe. Ce qui était aussi la vision de Gorbatchev. Mais cette idée de faire une grande alliance géopolitique, géostratégique et géoéconomique entre la Russie et l’UE est quelque chose que les USA ne peuvent pas admettre parce qu’évidemment ça les marginalisent. Donc ils ont tout fait pour essayer d’encercler la Russie.
Mais ce n’est pas une position antirusse, c’est d’abord une position antieuropéenne d’empêcher l’alliance entre la Russie et l’Europe. Alors comment faire ? Ils l’ont cherché par tous les moyens. Le premier moyen est de faire entrer dans l’OTAN un certain nombre de pays qui autrefois étaient dans le pacte de Varsovie. Sur le plan du droit international, c’est scandaleux puisque on avait promis à la Russie de M. Gorbatchev à l’époque, qu’en échange de l’évacuation de l’Armée rouge de l’Allemagne de l’Est et en échange de la réunification allemande, il n’y aurait pas d’extension de l’OTAN. On se demande, d’ailleurs, pourquoi l’OTAN continue d’exister ? Il n’y a plus de menace russe, le pacte de Varsovie a été dissous. L’OTAN aurait dû aussi être dissoute. Mais l’OTAN a continué d’exister ce qui prouve bien que c’est une organisation offensive et pas défensive.
Alors qu’est-ce qui s’est passé ? C’est qu’on a utilisé l’Ukraine pour recréer la guerre froide. Le procédé a été très simple, celui des révolutions oranges. On a utilisé les gouvernements plus ou moins fantoches. Il y a eu l’affaire de Maïdan : par toute une stratégie pilotée par les USA avec la complicité de l’Europe, on a organisé une espèce de révolte qui a renversé le gouvernement légal d’Ukraine. En plus, il y avait une provocation de la part de l’UE, qui était de proposer à l’Ukraine l’adhésion à l’UE et l’adhésion à l’OTAN, ce qui est impossible du point de vue économique. L’Ukraine n’est absolument capable ni d’adhérer à l’OTAN, ni d’adhérer à l’UE. Comme la Russie n’a absolument pas réagi de manière militaire, contrairement à ce qu’on a prétendu, on a introduit les sanctions économiques, qui sont, d’ailleurs, complétement illégales. Ces sanctions ne renforcent que la position économique des USA. Parce qu’ils n’ont pas de relations commerciales très importantes avec la Russie. Et ce sont la France, l’Allemagne et l’Italie qui ont des relations commerciales importantes avec la Russie.
Ce qui a gêné énormément les USA, c’était le contrat de vente des navires de type Mistral. Et ce qui me scandalise, c’est que cette crise ukrainienne a été provoquée par les USA avec la complicité de l’UE dans le seul but d’empêcher les relations entre l’Europe de l’Ouest, notamment la France et l’Allemagne, avec Moscou. On fait passer M. Poutine et son gouvernement dans les médias français pour une dictature, tout simplement par ce qu’il a une politique patriote, nationale, de bon sens.
LVdlR. Imaginons que Sarkozy parvienne à reconquérir l’esprit des Français, qu’il soit élu président. Croyez-vous que sa politique vis-à-vis de la Russie sera foncièrement différente de celle qui est menée en ce moment ?
G.F. Il y a un paradoxe. Les socialistes français quand ils étaient dans l’opposition, ils se disaient plutôt plus gaullistes que d’autres. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je pense que si M. Sarkozy revient au pouvoir, il sera certainement plus proche de la Russie, que ne l’est le gouvernement socialiste de M. Hollande actuellement. Il est quand même plus gaulliste. Deuxièmement, parce que paradoxalement les socialistes français sont extrêmement soumis à ce qu’on peut appeler l’atlantisme. On remarque aujourd’hui en France que la plupart des médias qui sont favorables à la Russie sont des médias de droite. D’un point de vue géoéconomique, il est bien évident que l’intérêt numéro un de l’Europe et de la France, c’est bien évidemment des liens très forts avec la Russie. Et il est tout à fait logique que ce n’est pas l’intérêt des Etats-Unis. Ces derniers jouent leur carte. Le problème est que les Européens et les Français ne comprennent pas où est leur intérêt, c’est le mauvais joueur de poker. Donc si M. Sarkozy revient au pouvoir, la politique étrangère globale de la France serait plus tournée vers une alliance avec la Russie. On l’a d’ailleurs vu au moment de la crise de Géorgie. C’était un peu la même chose, que l’Ukraine, et le même scénario.
LVdlR. On peut dire que vous êtes spécialiste de la russophobie car vous avez analysé ce problème dans plusieurs articles. Quelle est la source de la russophobie actuelle, existe-elle finalement en tant que phénomène ?
G.F. La russophobie est un phénomène qui n’était pas du tout un phénomène français. C’est un phénomène qui est né après la chute du communisme et qui est piloté par les forces géopolitiques liées à l’atlantisme. Ce n’est pas quelque chose d’américain, d’ailleurs, mais d’atlantiste. Cette russophobie s’est augmentée avec la venue au pouvoir de V. Poutine. Pourquoi ? Parce que la Russie représente un modèle de retour à un certain patriotisme, à un certain ordre social, par exemple, le combat pour la natalité contre les gay-parades. Toutes ces choses-là choquent profondément les classes intellectuelles occidentales. Ce n’est pas vraiment de la russophobie, c’est qu’actuellement on considère que le régime politique actuel en Russie est scandaleux. Moi, je suis persuadé que le système actuel en place en Russie, la restauration des valeurs, serait plutôt un modèle pour l’Europe, qu’un contremodèle.