Ivresse livresque

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Il paraîtrait que certains s’enivrent de livres jusqu’à la gueule de bois ! Ce phénomène a pour la première fois été nommé en anglais par un terme spécifique, celui de book hangover, qui correspond au sentiment ressenti par ceux qui, venant de terminer la lecture d’un livre qui les a complètement habités, se sentent étranger au monde qui les entoure. S’agit-il là d’un phénomène répandu ? Peut-on souffrir d’ivresse ou de gueule de bois livresque ?

Tout le monde n’a pas la capacité de s’abandonner complètement à un livre, ceux chez qui la rationalité prévaut ont bien plus de mal à prendre leurs distances avec le réel, que ceux chez qui les émotions sont premières. Les gueules de bois livresques concernent au premier chef les plus sensibles, les poètes, les artistes, ceux qui, d’une façon ou d’une autre, vivent pour l’art. L’écrivaine et critique littéraire, Oksana Liskovaïa, a relaté à La Voix de la Russie sa vision de la « gueule de bois livresque » :

« Ce phénomène est fréquent chez les personnes sensibles, capables de vivre le livre, de perdre leur « je » en lisant. Ce sont justement les émotions dynamiques qui provoquent l’effet de gueule de bois livresque. »

Comment savoir que l’on souffre d’une gueule de bois livresque ?

Quelque temps après avoir terminé un livre, on ressent une sorte de « manque d’adrénaline », qui n’a bien sûr rien à voir avec une gueule de bois réelle. Elle ne s’accompagne pas d’un sentiment de culpabilité ou de photophobie, mais l’on ressent une sorte d’étrangeté face au monde réel, après la lecture d’un livre prenant on a besoin de temps pour « revenir à soi » et cesser de dépendre de la réalité virtuelle. Il est difficile de définir une catégorie de livres pouvant susciter un tel effet : les « coupables » de mes dernières gueules de bois livresques sontLa Dynastie des Forsyte de John Galsworthy, L’histoire sans fin de Michael Ende et Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald. Leur style est très différent, mais ils ont un point commun, cet élément qui provoque, chez moi, une réaction organique.

Un livre peut-il provoquer une gueule de bois ?

En ce moment, je ressens ce phénomène non après avoir terminé un livre, mais en cours de lecture. DansLa Montagne magique de Thomas Mann, il y a tant d’épisodes forts, qu’il faut du temps pour revenir à soi, et dépasser une forme d’état dépressif pour continuer la lecture. C’est comme si j’étouffais en raison de ce que je lis, et que je ne pouvais pas revenir à mon état antérieur sans « désintoxication ».

A votre avis, la gueule de bois livresque est-elle positive ou négative ? Elle aide à vivre ou est, au contraire, dérangeante ?

Plutôt positive, elle permet en nous faisant prendre conscience de ce que nous lisons, d’acquérir une expérience émotionnelle et intellectuelle. Personnellement, cela ne m’empêche pas de vivre, j’aime ces états inhabituels, cela m’est très confortable et agréable, cela est proche de l’état créatif, quand toi-même tu écris, tu t’immerges dans le texte, et qu’il s’agisse de ton texte ou de celui d’un autre n’a déjà plus d’importance. J’adore ressentir ce « flux ».

Le site Adme.ru, dédié à l’art, à la liberté et à la culture, estime que les gueules de bois livresques se produisent le plus souvent après la lecture des livres suivants : Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez, Forêt de Norvège de Murakami Haruki, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, Le Parfum de Patrick Süskind, Lolita de Vladimir Nabokov et La Voleuse de livres de Markus Zusak.

La gueule de bois livresque est un phénomène ambigu. Elle se manifeste chez chacun différemment, certains sont tristes et ont la nostalgie du livre terminé, d’autre voient le monde sous un jour nouveau et découvrent des secrets invisibles dans la vie quotidienne. Les émotions que les livres nous procurent sont inestimables.

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