Cette année, 73 pays sont représentés au salon qui attire une énorme présence de plus de 1.600 exposants, soit 8% de plus que l'année précédente. C’est un record, selon les organisateurs du groupe ITE.
Malgré l’embargo russe contre la production européenne, australienne, norvégienne et japonaise, presque tous les professionnels étrangers comprenant des grossistes, distributeurs, détaillants et restaurateurs sont venus à la 23ème exposition World Food Moscow. La France a fédéré 15 entreprises exportatrices des filières de fruits, légumes, viande et volaille : une opportunité à saisir pour les exportateurs français sachant que la Russie est un grand importateur mondial en centaines de milliards de dollars. Bien que Français et Russes partagent de nombreux intérêts communs liés au commerce, les échanges commerciaux se heurtent aux sanctions réciproques russo-européennes peu bénéfiques au secteur agroalimentaire.
M. Gregory Druart, directeur de LEADEX, grand exportateur français de viandes congelées, nous a partagé ses impressions de l’exposition en ouvrant la voie à la discussion au sujet inquiétant de l’embargo russe qui a suivi.
LVdlR.Est-ce que vous pourriez nous donner quelques impressions de l’exposition ?
Gregory Druart. L’exposition était intéressante. Il y a eu pas mal de gens qui sont venus toujours en recherche de viande, de nouveaux fournisseurs qui cherchent à exporter, surtout du Brésil, de l’Amérique du Sud. En Europe, il y a beaucoup de gens qui préfèrent l’exposition de février Prod Expo. Nous, on a choisi, depuis 4-5 ans, de faire World Food, on fait chaque année. C’est une exposition qu’on aime bien, il y a des gens qui viennent un peu partout. Donc, c’est toujours une exposition qui est sympathique. Cette année, il y a un petit peu moins de gens dans la viande, ce qui est encore plus intéressant pour nous, puisque les gens qui viennent s’arrêtent sur nos stands.
LVdlR.La circulation des marchandises entre la France et la Russie, en matière de viande, est-elle importante ?
Gregory Druart. Aujourd’hui, elle n’est plus importante. Elle l’était avant la fermeture du port, oui, il y avait beaucoup d’échanges. Mais là, aujourd’hui, tout est stoppé.
L’embargo russe et l’effet des sanctions européennes étaient, évidemment, une question délicate, mais extrêmement importante pour les producteurs français. Ce sujet d’actualité était au cœur de notre discussion avec Daniel Soares, responsable Marketing International à l’Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais INTERFEL. Ecoutons donc la « voix de la France ».
LVdlR.On va toucher un problème qui est très d’actualité de nos jours compte tenu des sanctions russes et européennes contre, notamment, le secteur agroalimentaire en France et en Russie. Ma première questions sera donc : depuis combien de temps êtes-vous présent sur le marché russe ?
Daniel Soares.Sur le marché russe, on est présent depuis 1995, même juste un peu avant. On a fait les premières exportations vers 1995. Après, il y a eu quelques fluctuations des exportations avec une baisse plutôt vers 1999-2000 à cause de la crise financière. Mais on a repris nos exportations juste après cette crise. Pour nous, c’est un marché qui est important. Car c’est le deuxième marché d’importations pays-tiers en fruits frais français, après l’Algérie.
LVdlR. Est-ce que la circulation des marchandises a baissé ces derniers mois en raison des sanctions ? Est-ce que vous avez vraiment senti leur effet ?
Daniel Soares. Il y a deux conséquences : on a ce qu’on appelle les conséquences immédiates. On a eu 49 camions qui ont été bloqués à la frontière. Cela fait une perte à peu près de 500.000 à 600.000 euros. On est encore en train d’analyser les pertes, mais on aura 500.000-600.000 euros en un mois de perdus. Après, il y aura tout ce qui est les conséquences induites de cette crise, tout ce qui est les conséquences indirectes. Juste pour la pomme, on l’estime à une perte de 300 millions d’euros dans la prochaine campagne à cause de la fermeture du marché. Ce que sont les conséquences induites, c’est tout ce qui est le report de marchandises qui n’étaient pas exportées vers la Russie, notamment, la pomme polonaise, qui va se retrouver soit sur le marché de l’Europe de l’Est ou sur le marché mondial où les prix sont en baisse depuis le début de la campagne.
LVdlR. Est-ce que, à votre avis, l’impact des sanctions va durer longtemps ? Et est-ce qu’on va introduire de nouvelles mesures contre la Russie ?
Daniel Soares. J’espère qu’il va durer le moins longtemps possible. Maintenant, ce qu’il faudra, c’est que les gens se mettent à table et puissent discuter et faire évoluer au plus vite la situation qui, dans un proche avenir, risque d’être très catastrophique pour le secteur agroalimentaire français.
Commentaire. Compte tenu des relations amicales entre la Russie et la France, les liens commerciaux étroits entre les deux pays, la France sera parmi les premiers pays européens à subir le ricochet des sanctions. Rappelons que c’est un des plus grands exportateurs de l’agroalimentaire en Russie. Et les pertes des agriculteurs français pourraient atteindre 1 milliard d’euros en 2014, selon les experts. Les participants français à World Food Moscow étaient unanimes : les sanctions entravent l’élaboration de mesures efficaces en vue de régler la situation géopolitique et économique actuelle.