Pour l’instant, c’est la France qui est apparemment en passe de décrocher le gros lot. Mais Paris et New Dehli n’arrivent pas à finaliser le « contrat du siècle », la vente à l'Inde de 126 chasseurs français Rafale. La valeur du contrat s’élève à 22 milliards de dollars.
Une autre déception est l’échec de la production franco-indienne des missiles anti-aériens Maitri. Les perspectives de ce projet d’une valeur de 5 milliards de dollars sont assez vagues, considère l’expert militaire Igor Morozov.
« Les Français ont une très longue histoire de coopération dans le domaine de l’armement avec l’Inde. Et au cours de cette période, ils ont eu autant une expérience positive que négative. Cela fait 8 ans qu’est mené le projet de développement des systèmes de défense antiaérienne. Les parties n’arrivent pas à définir quelles technologies devraient être considérées comme secrètes, et quelles sont les technologies qui sont nécessaires pour le fonctionnement de ce complexe. Cela n’arrange pas les experts indiens, et risque même de provoquer la rupture dans la coopération militaro-technique entre l’Inde et la France ».
L'Inde reste le deuxième plus grand importateur d’armes dans le monde après l'Arabie saoudite. C’est pourquoi le marché de l’armement indien est très important pour la France. C’est un marché à très forte demande et attractif par son énorme potentiel au niveau de l’entretien technique des armes livrées. Des sommes importantes sont en jeu, tout comme de nombreux emplois de spécialistes français hautement qualifiés du secteur militaro-industriel.
C’est pourquoi la France déploie des efforts conséquents pour élargir la collaboration militaro-technique avec l’Inde. Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a récemment envoyé à son homologue indien Arun Jaitley une lettre contenant sa proposition d’élaborer et fabriquer conjointement des missiles anti-aériens à courte portée (SRSAM).
« Ce projet permettra à l'Inde de créer de nouveaux emplois qualifiés ... Quant à la France, elle va transmettre à l’Inde une quantité importante de technologies modernes et son savoir-faire dans la production des missiles à la société indienne Bharat Dynamics Limited (BDL) », a assuré Le Drian.
Mais l’Inde pourrait refuser cette proposition, suppose Vladimir Chvariov, le vice-directeur du Centre mondial du commerce d’armes.
« Cette proposition de développer conjointement des systèmes de missiles anti-aériens à courte portée après l’échec du projet de création d’un système de défense aérienne à moyenne portée a été formulée par désespoir. Je pense que les Indiens ne seront pas d’accord », pense l’expert.
Aux yeux de nombreux acheteurs d’armes, la France a entaché dernièrement sa réputation en raison de la menace d’annuler le contrat de livraison de porte-hélicoptères Mistral à la Russie, surtout que cette décision était provoquée par des motifs purement politiques. L’Inde surveille ce contrat de très près, explique Igor Morozov.
« Ces derniers temps, la France s’est retrouvée sous la pression de l’OTAN et elle est incapable de prendre des décisions indépendamment. Elle reste influencée par la solidarité euro-atlantique. On le voit clairement sur l’exemple du contrat russe. Je pense que les Français pourraient être facilement influençables s’ils signaient des contrats avec l’Inde. Les Américains n'aiment pas voir apparaître des concurrents puissants, surtout depuis le marché européen, car ces concurrents influent directement sur les volumes des livraisons et la qualité des armes que les Etats-Unis exportent à l’étranger. Aujourd'hui, en raison du ralentissement dans le secteur militaro-industriel américain, la Maison Blanche fait tout son possible pour s’installer sur les marchés mondiaux de l’armement et extorquer à ses alliés européens de l'OTAN une quantité maximale de ressources ».
L’Inde se retrouve donc aujourd’hui dans une position confortable d’acheteur, qui a la possibilité de choisir le meilleur parmi de nombreuses offres. La Russie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, et Israël livrent aujourd’hui leurs armes à l’Inde. Et le pays achète l’armement non pas pour des raisons politiques, mais en se basant tout simplement sur le rapport qualité/prix.
Aucun Etat ne vendra son meilleur armement à un autre pays. C’est pourquoi à New Dehli, on se dit intéressé non seulement par l’achat d’armement, mais aussi par la possibilité d’obtenir les technologies de sa fabrication. Et dans ce cas, ce qui importe, ce n’est pas uniquement la qualité des technologies livrées, mais aussi la fiabilité des partenaires avec lesquelles l’Inde travaille. /N