Les Ecossais se prononceront demain sur leur indépendance, écrit mercredi le quotidien Vedomosti. En mars, la Crimée avait également décidé de se détacher de l'Ukraine pour rejoindre la Russie. Dans les deux cas, la forme du référendum a fait débat. De même, Londres et Kiev se sont opposés à toute séparation territoriale - mais rares sont les Ecossais qui se considèrent comme britanniques, et les Criméens se pensant ukrainiens. Les deux territoires disposent d'une puissante flotte et sont bordés pas des eaux riches en ressources. Ces points communs ont semblé suffisants au dirigeant de la Crimée Sergueï Aksenov pour soutenir le référendum écossais et exiger de l'UE qu'elle reconnaisse celui de la Crimée.
Mais ces deux référendums européens de 2014 ont plus de différences que de points communs. Le débat sur le vote écossais a commencé au milieu des années 2000 et l'accord d'Edinbourg sur le référendum a été signé par le Royaume-Uni et l'Ecosse en octobre 2012. Depuis, plusieurs centres sociologiques interrogent les habitants presque chaque jour; les grandes compagnies implantées en Ecosse évoquent, dans leurs rapports pour les investisseurs, "des risques d'indépendance"; les banques d'investissement ont même publié les pronostics de croissance économique de la "nouvelle Grande-Bretagne". Les politiciens ont tout fait pour que l'indépendance potentielle de l'Ecosse ne soit pas un choc.
Alors que la préparation du référendum en Crimée a plutôt ressemblé à une opération militaire – les autorités locales et russes ont "passé la sixième". Fin février, le Conseil suprême de la république autonome de Crimée a voté pour l'organisation du référendum le 25 mai. Puis la date a été avancée au 16 mars. La préparation du référendum, notamment le choix de la question pour le vote, a pris moins de deux semaines. Et seulement quelques jours ont été nécessaires à la Crimée pour adhérer à la Russie. Dès lors, il n'est pas étonnant que beaucoup de pays n'aient pas reconnu les résultats du référendum.
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En Ecosse, même les séparatistes préfèrent ne pas aller trop vite en besogne. Si les Ecossais votaient pour leur indépendance, le processus de séparation prendrait alors plusieurs mois. Dans ce cas, l'Ecosse pourrait se libérer de la couronne britannique en mars 2016 - mais cette date n'est pas définitive. En 18 mois, les parties devront résoudre de nombreux problèmes: sur la monnaie (les partisans de l'indépendance veulent conserver la livre, mais le parlement britannique s'y oppose), l'adhésion du nouveau pays à l'UE et le déplacement des sous-marins nucléaires (les Ecossais ne veulent pas être une puissance nucléaire). Sans oublier le déménagement des QG de grandes compagnies de Glasgow plus près de Londres et le problème de la stabilité des banques écossaises (en 2013 leurs actifs représentaient 1 200% du produit régional brut (PRB) et 500% du PIB britannique).
Quelle partie de la dette du royaume doit être endossée par l'Ecosse? Et comment calculer cette part: proportionnellement au territoire? Au nombre d'habitants? A la part du PIB? Comment les deux pays se partageront le plateau, riche en gaz et en pétrole? Les Ecossais savent que ces questions ne pourront pas être réglées rapidement. Le précédent est unique et les enjeux sont très grands: beaucoup de choses dépendront, en Europe, du référendum et des événements qui suivront.
Les questions, en Crimée, étaient tout aussi nombreuses. Mais les autorités russes ont décidé qu'elles pouvaient les régler sans l'ingérence de la société, des experts et en ignorant complètement l'avis de l'Ukraine. Au final, la Crimée a été submergée par l'argent fédéral, depuis le début de l'année l'inflation a dépassé 20% et les anciens liens économiques ont été rompus. Les touristes ukrainiens ont cessé de voyager en Crimée, sans que les touristes russes les remplacent. La structure des exportations et des importations a changé de manière très importante, l'ancien système bancaire a disparu, de nombreuses entreprises ont été nationalisées.
L'issue du référendum écossais n'est pas prédéterminée. La plupart des sondages des derniers moins penchaient en faveur des opposants à l'indépendance. Mais l'écart s'est réduit progressivement et a atteint le niveau du taux d'erreur en septembre. Ces deux référendums européens en 2014 sont deux précédents uniques. Quelle que soit l'issue en Ecosse, contrairement au référendum en Crimée, elle sera un exemple d'approche méticuleuse du remaniement des frontières en Europe.