Au cours de leur rencontre du 3 juillet le dirigeant chinois a appelé à aborder avec prudence le déploiement du système ABM américain en Corée du Sud. C’est ce que l'agence Yonhap a annoncé mardi, se référant à une source diplomatique. La réponse de Park Geun-hye au président chinois n'a pas été communiquée.
La fuite de cette information confidentielle a eu lieu près de deux mois après la première visite officielle d'un dirigeant chinois en Corée du Sud. Pourquoi maintenant ?
Washington a, semble-t-il, renforcé sa pression sur Séoul, insistant pour que le système de défense anti-missile sud-coréen soit intégré le plus vite possible dans le système américain. Pourtant les militaires sud-coréens tablent sur leur propre programme appelé à défendre le pays contre une menace balistique du Nord. Ils préfèrent réduire la coopération avec les Etats-Unis en la matière au seul échange de données de renseignement.
La publication par Séoul de l'avertissement venu de Xi Jinping de ne pas céder à la pression des Etats-Unis pourrait servir de signal aux alliés américains laissant entendre que la Corée du Sud ne voudrait pas détériorer les relations avec la Chine en plein essor à cause du système ABM américain. Cette position de Séoul aura évidemment des répercussions sur les consultations en cours avec les Etats-Unis au sujet du déploiement des composantes du bouclier antimissile américains en Corée du Sud.
Selon le directeur du Centre des études socio-politiques Vladimir Evseev, il importe pour la Chine que la Corée du Sud ne déploie aucun système anti-missile :
« C'est un système américain de stationnement avancé. Son installation dans une proximité relative du territoire chinois permettra d'intercepter plus efficacement les missiles chinois au décollage. A ce qu'il paraît le danger principal pour les missiles chinois ne provient pas des systèmes terrestres. La Chine doit redouter le déploiement des missiles guidés Aegis sur les navires de guerre sud-coréens, au premier chef sur les destroyers. Les systèmes embarqués permettront hypothétiquement d'intercepter les missiles chinois en plein vol avec un taux de probabilité assez élevé. C'est ce qui préoccupe la Chine car dans une certaine mesure son potentiel balistique sera déprécié ».
D'autant plus que ce potentiel est assez limité. C'est pourquoi tout déploiement d'un système ABM, surtout à proximité de ses frontières nationales, place la Chine devant un dilemme sérieux. Soit elle doit accroître son potentiel de missiles. Soit elle doit chercher des réponses différentes, peut-être en augmentant le nombre de sous-marins nucléaires lanceurs de missiles balistiques. Cependant, selon Vladimir Evseev, ce n'est pas la solution optimale :
« Là-dessus il y a aussi des problèmes relatifs aussi bien aux missiles balistiques qu'aux sous-marins en tant que tels basés actuellement à Hainan. La Chine est confrontée à un choix difficile. Il serait plus efficace d'obtenir que la Corée du Sud ne déploie pas le système ABM américain. Il ne faudra pas alors dépenser des fonds considérables. D'autre part, la Chine pourrait proposer à la Corée du Sud des projets économiques avantageux, ce qu'elle a fait de toute évidence lors de la visite de Xi Jinping ».
A l'heure actuelle la Chine accroît intensément son potentiel balistique. Séoul comprend que cela amplifie les possibilités des militaires chinois de compléter la liste de cibles hypothétiques sur le territoire de la Corée du Sud. C'est un argument de plus pour ne pas se quereller avec la Chine préoccupée par l'installation éventuelle de l'ABM américain sur la péninsule coréenne. /N