Erwan Castel : la guerre en Ukraine est un nouveau choc de l’Histoire

Erwan Castel : la guerre en Ukraine est un nouveau choc de l’Histoire
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Contribuant à ressusciter les idéologies les plus sombres – voire s’appliquant à les former et/ou à les sponsoriser – les USA s’accrochent aux lambeaux d’une idéologie mortifère héritée de Mackinder et poussée à outrance par les néoconservateurs en herbe de Washington.

Où en seraient aujourd’hui les USA si le patriarche du monde unipolaire, M. Brezinski, n’était pas pris au sérieux ? Après avoir malmené le nationalisme arabe en rasant des cultures bien plus anciennes que les nôtres, européennes, les USA ont compté sur un sans-faute en Ukraine. Déçus dans leurs attentes, ils se sont partiellement désistés en laissant l’UE se débrouiller toute seule. Prise de court par l’impact sous-estimé des sanctions et le mécontentement grandissant de la Pologne, Mme Merkel n’a que faire des purges ethniques qui ont pour épicentre symbolique le Donbass.

Face à l’horreur, je crois qu’il y a un devoir d’expression, un devoir de témoignage. Erwan Castel, créateur du groupe « Soutien à la rébellion du Donbass », ancien de l’armée, nous en donne un bel exemple. Au jour le jour. Inlassablement.

La Voix de la Russie. « Pourriez-vous vous présenter SVP ?

Erwan Castel. Je m’appelle Erwan Castel, j’ai 50 ans, je suis actuellement guide en Guyane française et anciennement officier de l’armée. J’ai toujours eu une observation attentive des événements historiques et notamment de la dynamique géopolitique qui régit notre monde. A ce titre, il y a à peu près six mois, l’Ukraine m’a interpellé d’une manière assez virulente.

La VdlR. Vous avez crée un groupe (sur facebook) qui s’appelle « Soutien à la rébellion du Donbass ». Comment se fait-il que vous portiez un intérêt aussi particulier pour la tragédie ukrainienne ?

Erwan Castel. Oui, c’est vrai que j’ai pris d’une manière assez passionnelle ce sujet, au point d’avoir une exclusivité d’expression sur le réseau. Je considère que l’événement qui s’est déroulé en Ukraine se définit, pour reprendre l’expression de Dominique Venner, comme « un choc de l’Histoire » qui à mon sens a dépassé la dimension classique de ce que certains appellent la guerre froide. J’aurais plutôt tendance à appeler ça une « paix chaude ». Les conflits périphériques en Syrie et en Lybie entrent dans la même dimension géostratégique, les mêmes intérêts et stratégies étasuniens. Mais je trouve qu’en Ukraine on est passé à un autre stade qui nous rappelle plusieurs choses, entre autres l’importance de l’Ukraine en tant que pivot stratégique tel qu’il était conçu depuis l’élaboration de la stratégie Mackinder, voire avant, depuis le temps du gouvernement Pitt. La stratégie du Nouvel Ordre mondial a définitivement jeté son masque en passant à un stade aussi agressif que dangereux pour la paix à l’échelle universelle.

La VdlR. Si je résume, vous avez tendance à croire que le monde est en train de se multipolariser, et qu’en réalité les Etats-Unis veulent absolument bloquer ce processus de multipolarisation en provoquant la Russie via l’Ukraine, c’est bien là votre pensée ?

Erwan Castel. Oui, je pense que les USA – je vais dire ça d’une manière assez cynique – ont loupé leur chance au moment de l’effondrement de l’URSS et ultérieurement, pendant les années Eltsine. Ils avaient là une Russie qui était sur le point de tomber dans leur escarcelle mais qui s’est ressaisie en consolidant son territoire ce qui lui a permis de contrer l’extension de l’impérialisme américain. Comme leur système est en train de s’effondrer, ils tentent, comme toutes les théories politiques en fin de cycle, une espèce de course en avant. Il s’agit d’éviter son effondrement par une destruction de toute forme d’Etat, de pays et d’idéologies qui s’opposeraient à eux.

La VdlR. Pour en revenir à votre groupe, « Soutien à la rébellion du Donbass », est-ce que le nombre d’abonnés est en augmentation ou plutôt stagnant ?

Erwan Castel. J’avais une activité sur un blog personnel qui s’appelle « alawata-tradition ». Comme j’évoquais de plus en plus la problématique ukrainienne sur ma page personnelle, j’ai décidé de consacrer un espace qui lui serait spécialement dédié. J’ai donc ouvert un soir cette page en y compilant des articles consacrés et en l’ouvrant également à d’autres membres qui avaient des choses à dire ou à partager. Aujourd’hui, on est quasiment 3000 personnes. Il y a une augmentation quotidienne de 50-100 (parfois plus) membres ces dernières semaines. Je suis donc très agréablement surpris de voir que ce sujet, cette guerre, puisque ça en est une, commence à inquiéter les consciences et à intéresser les gens. J’ai des gens dans mon groupe qui sont de l’extrême droite à l’extrême gauche, si ces étiquettes droite/gauche veulent encore dire quelque chose. J’ai des gens qui sont russes, des gens qui sont du Donbass, de l’Ukraine même. Il y a à peu près une trentaine de pays représentés dans le groupe. J’essaye de créer une espèce de synergie à travers toutes les divergences autour de cette problématique et même de cette inquiétude qui nous unit.

La VdlR. Est-ce qu’il y a des réactions qui sont aux antipodes de vos idées, des lecteurs qui vous accusent de divulguer des informations mensongères ?

Erwan Castel. De mon côté, je dirais que c’est assez calme, encore que ces derniers temps je relève des invectives plutôt entre membres. Certains d’entre eux sentent des divergences d’opinions et s’invectivent avec des idéologies qui essayent de se glisser dans les débats et les échanges. J’essaye d’être modérateur en me gardant d’exprimer mes idées personnelles. Autant je les expose sur ma page, autant dans le groupe je m’engage à rester neutre. On a dans ce dernier peu de gens qui viennent casser l’esprit du notre échange. Dans l’ensemble, ils sont conscients du fait que la réalité est défigurée par une forte manipulation médiatique. C’est d’ailleurs pour essayer de réinformer l’opinion publique que j’ai crée ce groupe, parce que je trouve le positionnement des médias et des journalistes occidentaux de plus en plus scandaleux.

La Voix de la Russie. J’ai cru comprendre que vous aviez l’intention de vous rendre dans le Donbass. Pourquoi cette volonté ? Serait-ce pour vérifier la véracité des informations reçues?

Erwan Castel. Je ne doute pas de la véracité desdites informations. Même s’il y a une propagande d’un côté qui appelle forcément une contre-propagande de l’autre, globalement on a affaire à une énorme opération de l’OTAN sur les frontières de l’ancien glacis russe. On est clairement confrontés à une politique atlantiste hautement agressive qui s’appuie en plus sur des groupuscules assez sulfureux.

La VdlR. On va dire « néo-nazis » parce qu’il faut appeler un chat un chat.

Erwan Castel. Personnellement, je préfère utiliser les termes « bandéristes » « radicaux » ou « ethno-centrés ». Le mot « néo-nazi » n’est pas tout à fait exact même s’il est certain qu’il y a dans ces groupuscules des néo-nazies qui se réfèrent à l’idéologie du III Reich. J’évite de tomber dans la caricature pour entre autres ne pas ressembler à ceux qui accusent Poutine de vouloir restaurer l’URSS et de se réclamer d’un soviétisme déguisé. Je pense qu’il faut de ce côté connaitre l’histoire, faire référence à l’histoire, mais éviter de vouloir faire systématiquement revivre quelque chose du passé. Je pense qu’il y a des références qui sont effectivement condamnables et qui ont été condamnées par le passé.

Aujourd’hui on a à Kiev un gouvernement complètement halluciné et hallucinant qui pratique une politique de dictature, de junte militaire ethno-centrée en cautionnant le massacres des populations du Sud-Est. Les USA protègent les « takfiristes » dits syriens qui dans un autre domaine ont également une politique extrémiste identique. Je trouve par conséquent que le spectacle auquel nous assistons est d’une dangerosité extrême.

Si donc je veux me rendre sur place, c’est pour essayer de mieux cerner la réalité du terrain mais peut-être aussi pour m’engager. Je ne parle pas forcément d’engagement armé dans la mesure où il y a un âge pour tout mais d’un engagement en tant que témoin. Enfin, j’ai envie de découvrir ce pays parce que cela fait très longtemps que je suis attentif et même sensible à la culture de ce peuple ».

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