Les politiques français défendent les chrétiens d’Irak

Les politiques français défendent les chrétiens d’Irak
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Une grande manifestation au soutien des chrétiens d’Irak s’est tenu récemment à Paris, sur le parvis de Notre-Dame. Le slogan de cette manifestation était « France, tourne ton regard vers l’Irak. Un peuple se meurt sous tes yeux. »

Et… il y a urgence, parce que les chrétiens sont persécutes en Irak par le djihadistes. On a observé dans les rangs des manifestants de nombreuses personnalités politiques : Rachida Dati, Nathalie Kosciusko-Morizet, Roger Karoutchi et Claude Goasguen…

C’est à ce dernier, Claude Goasguen, Maire du XVIe arrondissement de Paris que nous avons demandé de parler de ce soutien des chrétiens de l’Irak par les Français.

La Voix de la Russie.Quand il y a des manifestations de la sorte qui se passe à Paris, à des milliers et des milliers de kilomètres du pays ou des gens concernés, quel impact peut avoir votre intervention sur le problème et comment cela peut aider les chrétiens d’Irak ?

Claude Goasguen. Ce n’est pas tant d’avoir des conséquences là-bas mais de réveiller la presse française et l’opinion française, sur un sujet où les français et la presse française ne se préoccupe absolument pas. Nous avons des pages entières consacrés à ce qui se passe à Gaza avec Israël, et puis depuis maintenant plusieurs années tout ce qui se passe avec les chrétiens d’Orient, aussi bien en Irak, en Egypte que en Afrique, qu’au Kenya, qu’en Syrie, rien, en réalité dans la presse que trois-quatre lignes.

Les déclarations du Kalif autoproclamé, sont des déclarations inadmissibles, que Mossoul a été prise, qui est une grande ville connue, nous en avons profité quand même pour dire « écoutez, ça suffit », la presse doit s’intéresser un petit peu plus à ce qui ce passe, nous espérons que l’Eglise se mobilise, que les catholiques ne laisserons pas leur frères se faire massacrer dans des pays, qui sont des pays de traditions chrétiennes et que nous exigerons que les minorités soit respectées. C’est donc quelque chose qui est directement tourné vers l’opinion française, sachant que le gouvernement français est d’un immobilisme complet. J’ai moi-même comme député interpelé à plusieurs reprises le Ministre des affaires étrangères, Monsieur Fabius, qui me répond de manière extrêmement onctueuse, mais qui ne fait rien. Je lui ai demandé, avec d’autres collègues parlementaires, qu’une solution soit prise à l’ONU, indiquant que la charte universelle des Droits de l’Homme prévoit que les minorités religieuses soit protégées. Pour le moment, cela n’est resté que lettre morte. Ce qui est grave, c’est que cette lettre morte entraine une indifférence totale des Français au sort des chrétiens d’Orient. Ce n’est pas admissible et nous allons continuer le combat.

LVdlR.Je voulais citer aussi la déclaration du Père Sabri Anar qui est le curé de la paroisse chaldéenne de Saint Thomas à Sarcelles et qui a réciter avec la foule un Notre Père en araméen. C’est extraordinaire comme exemple de prononciation de ces vers sacrés. Il a dit : « Nous voulons faire entendre la voix des sans-voix, et attirer l’attention des médias et des hommes politiques français sur le sujet dramatique des chrétiens d’Irak». Quand je regarde les reportages qui viennent d’Irak, surtout quand on note cette lettre, symbole des premiers chrétiens, le « n » en arabe que l’on met sur les habitations des chrétiens, ça fait rappeler des histoires légendaires.

Claude Goasguen. Bien sûr, c’est la période marquée de quelque chose de médiéval, qui rappelle les mauvais moments de l’Allemagne Hitlérienne. Les moments des « pogroms » Les « pogroms» se ressemblent, quel que soient les religions qui sont touchés, c’est inadmissible. De la même manière qu’il est impossible d’accepter dans notre société qu’un Kalif autoproclamé et puissant, déclare que « ou bien, on est musulman, ou bien, si on est plus musulman on est un sous-citoyen » Un sous-homme avec les règles issues du Coran, dans la lecture littérale, de la même manière que l’on exige que les femmes puissent être éventuellement excisées.

Ce sont vraiment des moyens discriminatoires, inadmissibles, ce qui fait que 25 000 chrétiens sont partis de Mossoul et se dirigent vers le Kurdistan. Ce qui fait qu’il y ait des exécutions que l’on voit sur internet et qui sont inadmissible, des crucifixions des prêtres Chaldéens ou Assyriens, qui sont décapités avec des cris féroces contre ces décapitations. Ce n’est pas possible que le monde occidental et les démocraties, que tous ceux qui ont accepté la règle internationale de civilisation issue de 1948, puissent accepter que le monde soit indifférent à ce génocide religieux qui se passe en Irak.

LVdlR.Du point de vue pratique, sachant que la France pourrait avoir quelques difficultés à coopérer sur ce dossier avec Israël, qui combat en tant qu’Etat le terrorisme international et qui se fait parfois accuser d’être un peu trop expéditif dans sa méthode. Mais il y a également la Turquie qui elle est un Etat musulman par excellence… Est-ce que nous pourrions demander à Monsieur Fabius si la France prend quelques initiatives avec la Turquie pour lutter justement contre ce sectarisme ? Cette instrumentalisation de l’Islam à des fins parfaitement sectaires ? Qu’est-ce qui est fait dans ce domaine ?

Claude Goasguen. Moi qui suis parlementaire français, en même temps que Maire d’un très grand arrondissement de Paris, j’en arrive à désespérer de la diplomatie française dans ce domaine, elle est contradictoire. Et en réalité, nous arrivons, et je le dit tout net à votre radio, que l’on ne se trompe pas, nous en arrivons à être désormais totalement absent de la crédibilité internationale.

Pourquoi ? Parce que lorsqu’il y a eu la fameuse affaire de Syrie, la France a voulu se mettre du côté des djihadistes, qui sont des djihadistes très proches de ce qui se passe en Irak. De la même manière, la France soutient plus ou moins l’accord avec l’Iran, mais n’en tire pas les conséquences. La France soutient Gaza en apportant des millions, sans pour autant condamner ce qui se passe en Israël. La France est très liée au Qatar, et le Qatar est le financier de beaucoup de terrorisme. La France est dans un état, au niveau du quai d’Orsay, d’absurdité générale. Je crois que nous sommes dans une crise de la diplomatie française qui la rend incompréhensible, et la rend peu crédible. La France doit prendre des initiatives. Est-ce qu’elle les prendra ? Je ne crois pas. Car la France est engagée en Afrique, elle est engagée sur la malheureuse affaire de la Lybie qui tourne mal.

Nous avons à l’égard du terrorisme une position qui est une position trop complexe. Le terrorisme - on y est pas « pour » dans certains endroits, et « contre » dans d’autres… On est contre le terrorisme. Point. Et dans ces conditions on tire les conséquences de tous ceux qui sont alliés et qui arme les terroristes avec beaucoup d’argent, en montrant des revendications qui sont ferme contre l’acte terroriste. Il n’y a pas à avoir l’attitude que la France a. Par exemple, à l’égard des manifestations ici : on en autorise certaines, on en interdit d’autres. Interdire-autoriser, ça veut dire que on ne sait pas où l’on va. Et, d’ailleurs, la France est un pays qui en ce moment souffre d’un problème majeur, avec un antisémitisme qui devient d’une banalité quotidienne, qui entretient une islamophobie qui monte, et avec une indifférence des chrétiens. En ce moment, ce pays est absolument troublé par la situation internationale, et n’arrive pas à trouver de solutions. Je suis très triste, et je crains fort que ce gouvernement - qui par ailleurs a d’autres problèmes : économiques et sociaux - n’arrive pas à trouver la solution. Nous les aiderons (moi qui suis dans l’opposition) mais nous ne trouvons pas les solutions pour le moment.

LVdlR.Et, au sujet de l’initiative prise par l’Eglise, compte tenu du fait qu’il y a des chrétiens qui souffrent. Auriez-vous eu vent d’initiatives prises par le Vatican ? Ne serai-ce qu’au niveau d’un fond d’entraide, des moyens réunis pour secourir ces malheureux chrétiens...

Claude Goasguen. L’Eglise a beaucoup tardé. L’Eglise s’est beaucoup intéressée au Liban, où il y avait une implantation catholique proche des maronites. Mais elle a terriblement tardée à intervenir clairement, et on lui fait le reproche, tout en comprenant que la diplomatie vaticane est complexe. Parce que engagé dans l’affaire de la Syrie, alors de toute évidence on voyait bien que le régime d’Assad était plus protecteur des chrétiens que les djihadistes qui ne faisaient pas de pitié. L’Eglise n’a pas voulu sans doute paraitre comme étant favorable à Assad contre les djihadistes. Le résultat de cette affaire, c’est qu’elle s’est elle-même rendu inopérante. Je suis très heureux de voir que l’Eglise est en train de résoudre ce problème diplomatique important par la déclaration du Pape et par les actions qui sont menées en faveur des chrétiens. J’espère qu’il n’est pas trop tard, mais combien de vies ont été sacrifiées parce que l’Eglise a peut-être un peu ralenti pour des raisons diplomatiques l’action humanitaire, qu’elle est en réalité la seule à pouvoir mener. Mais il faut bien comprendre que l’Eglise dans cette affaire c’est 1 200 000 000 d’Hommes. Et que si la protestation contre le massacre des chrétiens d’Orient touchait l’ensemble des chrétiens de la planète et croyez-moi, l’ONU serait bien obligé de s’en occuper, et on n’aurait pas cette indifférence générale.

LVdlR.Vous dites que la politique extérieure et la politique internationale de la France laisse à désirer… On reproche beaucoup à la France de ne pas en avoir d’indépendante, c'est-à-dire à la merci de Bruxelles. Mais est-ce que l’Union européenne a une politique internationale cohérente? Je n’ai pas cette impression et j’aimerais bien connaitre votre opinion.

Claude Goasguen. Mon impression est très claire. La politique internationale de l’Union européenne on ne la connaît pas. On voit bien que sur un certain nombre de sujet, en particulier l’Ukraine, la position de l’Allemagne n’est pas la position de la France, qui n’est pas la position de l’Italie, qui n’est pas la position de la Grande-Bretagne. L’Europe n’a pas encore la maturité d’assurer une politique internationale cohérente, malgré tous ses efforts. Beaucoup en France pensent, dont je suis, moi qui ne suis pas un américanophobe, je pense que la France dans un certain nombre de domaines est beaucoup trop proche de la politique internationale des Américains, beaucoup plus que la position, par exemple, de Madame Merkel.

La France est un pays qui est en train de s’affaiblir, je le regrette, nous ferons tout pour le sortir de ce mauvais pas. Mais, par exemple, ce qui s’est passé au Moyen-Orient, ce qui se passe en Afrique, ce qui se passe en Ukraine, montre que la France apparaît pour les Français comme étant trop « à la remorque des Américains ». Beaucoup aujourd’hui se mettent à regretter les moments où Jacques Chirac a réussi à imposer une vision autonome, toute en restant dans l’Alliance Atlantique et européenne, une vision autonome de la France dans le politique internationale.

Malheureusement une parenthèse s’est fermée, je trouve que c’est un gros handicap pour la France que d’être « suiviste », elle n’est plus prise au sérieux.

LVdlR.Il se trouve que l’Islam tel qu’on le voit au travers de l’Etat du Levant, nous montre que l’Islam prend des aspects très violents, tout à fait inacceptables au point de vue de la société humaine. On se demande, en observant le paysage français, y compris le paysage politique, que de toute façon nous sommes obligés de vivre au quotidien dans une société interreligieuse. Que ce soit en France ou en Russie, puisqu’il y a 20 millions de musulmans en Russie. Et on se demande si on peut accéder au niveau de la France à un Islam au visage humain...

Claude Goasguen. Il faudra le faire. Je n’ai pas d’ambigüité, j’ai toujours soutenu Israël. Je pense que d’une certaine manière l’Islamophobie, et l’antisémitisme vont de pair. Que l’antisémitisme, dont certains éléments musulmans se portent en tête, même s’ils ne sont pas les seuls, car il y a désormais une résurgence de l’extrême-droite qui laisse aller son antisémitisme - je pense à Monsieur Soral ou à Monsieur Dieudonné - que cette remontée de l’antisémitisme qui évidement est née de la crise, suscite en même temps une Islamophobie plus forte.

En réalité, si le gouvernement faisait autre chose que parler, il ferait quelque chose d’important, c'est-à-dire qu’il essaierait de lancer une campagne du « vivre ensemble ». Car nous sommes partis sur des fractures qui sont en train de s’accentuer encore plus, et dont en réalité l’affaire de Gaza n’est qu’un élément. Car, au fond en France, ce qui terrible c’est que désormais ce n’est pas tant la Palestine que l’on défend, mais on défend le Hamas en criant « mort aux Juifs ». Et de la même manière, les Français en ont assez de voir que les problèmes du Moyen-Orient retentissent sur la vie quotidienne. Donc si le gouvernement veut faire quelque chose d’intelligent, et sortir de cette espèce de caractère amorphe qui le caractérise, il prendrait l’initiative pour expliquer aux Français qu’il faudra vivre ensemble. Qu’il y a quelque chose à faire entre les musulmans, qui sont nombreux, et qui sont pour la plupart, s’ils ne sont pas dominés par la propagande Islamiste, pour la plupart favorable à la République et à y rester, avec les juifs, avec les chrétiens, avec les laïcs, avec tous ceux qui représente ce pluralisme français, qui peut être une chance pour l’avenir. Je pense que le rôle d’un gouvernement aujourd’hui, dans les tensions actuelles, est de régler la crise et d’expliquer aux Français que la France d’aujourd’hui n’est pas la France d’il y a 50 ans, et que ce « vivre ensemble » n’est pas forcément un inconvénient, mais que ça peut être un avantage. Or aujourd’hui nous avons un gouvernement qui malheureusement dans tous les domaines : économique, social, de politique étrangère, est en train de se perdre dans des mots qui sont contradictoires d’un jour sur l’autre.

LVdlR.Pourquoi faut-il attendre à chaque fois les élections présidentielles ? Parce que le gouvernement a perçu un signal assez fort au niveau des municipales et aussi au niveau des élections au Conseil européen… Pourquoi ne pas percevoir ce signal non seulement au niveau de changement du gouvernement et changement du Premier ministre, mais faire des choses en conséquences dans le concret ?

Claude Goasguen. D’abord, ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, parce que je n’arrête pas de le réclamer… Mais le changement du Premier ministre n’a en réalité pas changé de politique. Il y a eu des discours qui ont changé, les problèmes économiques et sociaux restent les mêmes. C’est une vision politique que François Hollande a adopté depuis qu’il a été élu, qu’il ne peut pas changer. Parce que son électorat qui est en train de se désagréger, sans qu’il le prenne en considération. C'est-à-dire un électorat de fonctionnaires, un électorat qui est en nécessité d’assistance n’accepte pas les réformes qui seraient indispensable pour que la France rebondisse. Et donc il est coincé par son électorat.

Pourquoi attendre les présidentielles ? Je vais vous dire quelque chose de paradoxal, mais la France est restée attachée à un schéma qui est très monarchiste. C'est-à-dire, que le président de la république est au fond le roi élu. Et c’est un roi élu, dont on n’hésite pas à couper la tête lorsqu’il n’est pas à la hauteur d’ailleurs, ou à le vaincre. Mais c’est tempérament français de toujours : reporter sur le Président-roi la république monarchique, comme disaient les grands spécialistes de sciences politiques, les responsabilités. C’est un inconvénient majeur, car bien entendu il faut attendre 5 ans avant que les choses changent, mais en réalité le système politique français est un système de blocage. Et il est clair qu’il faudra tôt ou tard revoir les institutions de la Vème République.

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