Il est évident que la présence de communistes au parlement ukrainien empêche de montrer une "cohésion déterminée de toute la société ukrainienne face à un ennemi commun".
Des protestations pourraient se dérouler en automne contre les réformes économiques et sociales. Et les communistes pourraient réunir autour d'eux ces protestataires. Or les législatives sont proches. Par conséquent, il faut d'abord éliminer les concurrents.
Sauf que les exigences d'interdire le PC sont trop insistantes. Et il ne s'agit probablement pas uniquement de divergences idéologiques et de lutte pour les mandats parlementaires. En fin de compte, il suffirait de compter les bulletins de vote à son avantage sans faire trop de bruit.
Qui plus est alors que la Constitution est constamment transgressée. C'est peut-être simplement une réédition du passé.
Un Remake du plan Marshall
L'interdiction du parti communiste dans un pays n'est pas une première. Il suffirait de rappeler les événements chiliens de 1973. Ou encore, un quart de siècle plus tôt, l'évincement systématique des partis communistes de la vie politique des pays européens.
En juin 1947, le secrétaire d'Etat américain George Marshall avait proposé aux pays européens l'aide américaine pour relancer l'économie dévastée par la Seconde Guerre mondiale. On l'appelait officiellement "effacement des barrières commerciales", "modernisation industrielle" et "création d'un marché européen commun". En trois ans, les Etats-Unis ont proposé des dotations pour presque 13 milliards de dollars.
L'infrastructure de transport a été endommagée en Europe après la guerre, de nombreux navires commerciaux ont été coulés, sans compter le chômage et la pénurie alimentaire. Et si au Royaume-Uni la situation n'était pas aussi difficile, l'Allemagne, elle, était en ruines.
Bien évidemment, les Américains ne proposaient pas leur aide gratuitement. Il s'agissait de prêts à bas taux d'intérêt et de crédits-bails à long terme. Les mécanismes de répartition de cette aide prévoyaient l'achat d'équipements industriels et de produits agricoles, et non une aide pour les budgets nationaux. En d'autres termes, les USA ont organisé un marché d'écoulement de leurs produits sur le continent européen. Et cela a rapporté beaucoup d'argent. Les Américains ont récupéré la majeure partie de leur "aide" et ont inondé le continent européen de leur monnaie nationale.
Mais quand, quelques années plus tard, la France a exigé d'échanger des dollars contre de l'or, une crise mineure a éclaté qui a mené à l'abandon de la convertibilité or-dollar.
A la fin des années 1940, toutefois, l'Europe appauvrie avait accepté toutes les conditions des Etats-Unis. Les participants au programme étaient: l'Autriche, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Allemagne de l'Ouest (aidant laquelle les Américains n'oubliaient de prélever les réparations), la Grèce, le Danemark, l'Irlande, l'Islande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, la Turquie, la France, la Suède et la Suisse. Le Japon et quelques pays d'Asie du Sud-Est ont également bénéficié de cette "aide".
Toutefois, les Américains avaient une condition préalable: avant d'accorder leur "aide" à un pays, les diplomates américains exigeaient qu'il n'y ait aucun communiste au sein du gouvernement national.
Après la défaite de l'Allemagne hitlérienne, l'autorité de l'Union soviétique (et du mouvement communiste) était très importante. Les partis communistes bénéficiaient d'un large soutien de la part de la société, qui dérangeait énormément Washington. Et le plan Marshall a été pensé et réalisé par les USA comme un outil de répression des intérêts de l'Europe et de la société européenne au profit de la domination américaine sur le continent.
Comme disait à l'époque le sous-secrétaire d'Etat Dean Acheson, une "guerre civile européenne" a eu lieu en Europe en 1939-1945 et les Américains ne font donc pas la distinction entre l'agresseur et sa victime. "Cela n'a pas grande importance" parce qu'ils sont tous des victimes de la guerre civile paneuropéenne.
Le monde a complètement changé aujourd'hui et est au seuil de nouveaux bouleversements de grande envergure.
Il serait peut-être utile de s'en rappeler, à Kiev et dans les capitales européennes.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.