À l’époque de l'essor de la piraterie somalienne, la tactique préférée des pirates était l’attaque éclair d’un vaisseau qu’ils prenaient pour cible. Victimes de ces attaques, les supertankers et les grands vraquiers étaient ensuite remorqués vers les côtes somaliennes, leur équipage était pris en otage en attente que l’armateur ou le pays intéressé dans la libération de l’équipage paie la rançon. Cette dernière était jetée dans des sacs sur le pont du navire depuis un hélicoptère à la demande des pirates.
En quelques années, ce scénario a évolué. La lutte contre les pirates près des côtes orientales de l’Afrique a porté ses fruits : le calme est revenu en mer d’Arabie. Seulement deux navires ont été pris en otage aux larges de la Somalie au cours de l’année écoulée, alors que des dizaines d’attaques avaient eu lieu dans cette région au cours des années précédentes.
« Toute une série d’actes juridiques au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU a été adoptée pour lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden », explique Vassili Goutsouliak, expert du droit maritime à l’Institut de l’Etat et du droit de l’Académie des sciences de Russie. « Ces documents autorisent d’utiliser la force contre ces malfrats non seulement en mer, mais aussi sur la terre. Ensuite, une flottille internationale a été créée pour lutter les pirates, et effectuer les prises d’otages est devenu plus risqué. »
La situation est contraire au large des côtes Ouest du continent africain. Des bandes armées nigérianes qui étaient jusqu’à présent très actives sur le continent, sortent désormais de plus en plus souvent en mer à la recherche du butin. Ils s’en prennent à des tankers de taille moyenne qu’ils escortent de force dans une zone calme, loin des grands axes maritimes, et confisquent le carburant du navire pour le vendre, abandonnant l’équipage dans les eaux loin de la côte. Les pirates nigérians n’ont certes pas les moyens et les effectifs des pirates somaliens, mais au cours de ces dernières cinq années le nombre d’attaques de ce genre a septuplé, selon les experts. Et qui sait, quelle tournure prendront les événements à l’avenir ?
Le détroit de Malacca, un long couloir maritime situé au Sud-Est de l’Asie entre la Malaisie et l’Indonésie, réputé comme le berceau de la piraterie, est également devenu une zone à risque. L’activité des pirates y est certes en récession depuis le début du 21e siècle, mais depuis 2010 les pays de la région ont cessé de patrouiller le détroit à la recherche des malfrats. Et au cours de ces dernières années, les pirates sont devenus plus actifs dans la région.
Quelles mesures faut-il prendre pour lutter contre la piraterie ? Ce n’est pas toujours une bonne idée de s’appuyer sur les pays de la région concernée. Par exemple le Nigéria ne possède pas à sa disposition des moyens efficaces pour lutter contre la piraterie. Faudrait-il alors créer des flottilles internationales qui pourraient assurer une surveillance permanente des zones à risque, comme c’était le cas dans le golfe d’Aden ?
Enfin, il y a une troisième solution: autoriser aux propriétaires des navires civils d’engager une garde armée, en discutant au préalable des règles stricts d’utilisation des armes à feu à bord du navire en haute mer.
« Si les pirates vont savoir que leur activité sera fermement réprimandée, ils ne seront pas si nombreux à prendre le risque d’attaquer les navires », rétorque Vassili Goutsouliak. « Quant aux recommandations actuelles du Bureau maritime international concernant les pirates, on ne peut pas les prendre au sérieux. Le bureau recommande d’éloigner les pirates du navire avec des jets d’eau. Inutile de commenter ces règles. Si nous voulons en terminer avec la piraterie en haute mer, il faut décider des règles d’utilisation des armes à feu à bord des navires. Une autre solution qui me semble efficace, se serait l’organisation des patrouilles avec des navires militaires dans des régions à risque. Mais cette solution risque de s’avérer trop coûteuse, il faut un budget conséquent pour entretenir cette patrouille. Tous les Etats du monde ne seront pas d’accord d’y contribuer. »
L’idée des flottilles internationales n’a été réalisée que dans le golfe d’Aden. Au cours de ces dernières années, la communauté internationale avait trop de problèmes à résoudre sur le continent, n’ayant pas les moyens de s’occuper de la sécurité en mer.
Ainsi, les navires civils qui naviguent loin des zones protégées par les flottes des différents pays restent sans défense face à la menace des pirates. Les experts évoquent la nécessité de prendre à bord des équipes de défense, ce que le règlement maritime international ne prévoit pas pour l’instant. D’ailleurs un certain nombre de pays interdit aux navires civils leur appartenant d’entrer dans les ports si des armes se trouvent à bord.
Cette situation reste donc bénéfique pour les pirates. Mais il va falloir résoudre ce problème tôt ou tard. Et il serait préférable de trouver une solution avant qu’un nouveau drame ne se produise dans les mers lointaines.