Cette exposition dévoile le contexte politique de la guerre russo-japonaise et tente d’expliquer les motifs politiques des pays européens et des Etats-Unis pendant ce conflit.
« Nous nous sommes dits : et si nous montrions comment les gens se battaient pour l’opinion publique à l’époque où il n’y avait pas de télévision, pas de radio, et pas de cinéma ? », raconte Alexandre Smirnov, le directeur du Département des expositions du musée. « Les objets qui y sont présentés permettent de voir la différence dans la manière dont étaient interprétés les événements dans les pays qui étaient en guerre il y a 110 ans. »
« Déjà à cette époque, les gens se rendaient très bien compte que la victoire pouvait être atteinte lors d’une guerre, non pas grâce aux armes, mais grâce à l’influence sur les esprits », analyse dans un entretien accordé à La Voix de la Russie le chercheur Andreï Misko, qui est également le commissaire de l’exposition. « Dès les premiers jours, la propagande officielle russe présentait les Japonais comme des personnages caricaturaux, y ajoutant des commentaires péjoratifs. L’image du guerrier russe du début de la guerre en Russie, c’était comme un Gulliver écrasant de ses pieds les liliputes japonais. En même temps, le code des samouraïs l’obligeant, les dessinateurs japonais présentaient les soldats russes comme des adversaires dignes des forces japonaises.
La propagande russe a finalement joué un mauvais rôle dans ce sens qu’elle a fait comprendre à l’opinion publique que la victoire de l’Empire russe serait facile et rapide. Les perspectives de cette victoire, à l’origine facile à obtenir, se sont avérées fausses, conduisant à l’effondrement militaire et politique pour la Russie. »
Curieusement, la Russie et le Japon n’étaient pas les seuls à s’intéresser à ce duel de propagande. D’autres pays qui n’ont pas participé aux manœuvres militaires, notamment l’Angleterre, la France et les Etats-Unis, ont également utilisé ce procédé, car ils y avaient chacun leurs propres intérêts.
« Cette position se reflète dans les cartes postales, dans la presse, et dans les magazines de l’époque », poursuit Andreï Misko. « Et à l’époque, l’opinion publique des pays occidentaux était dans sa majorité dressée contre la Russie impériale. Outre les dépêches sur les batailles en mer, les journaux de l’Europe occidentale et des Etats-Unis publiaient des caricatures où la Russie était présentée généralement par un cosaque au physique laid, ou un ours ravagé par la colère, qui sortait ses griffes pour attraper une petite geisha malheureuse… Les journaux russes donnaient à cela une réponse de même niveau, en publiant des caricatures critiquant la politique des pays occidentaux. Mais les dessinateurs occidentaux fustigeaient aussi le Japon. Nous avons dans notre exposition une caricature française intitulée « Le cannibale oriental ». Ce dessin présente le Japon sous forme d’un dragon monstrueux qui dévore la Chine et la Mandchourie. Ce sont des illustrations des prémices d’une véritable guerre de l’information…
Il est très facile de déclencher une guerre, mais il est très difficile d’en sortir. On ne peut pas toujours compter sur les armes pour résoudre les conflits… »
L'exposition au Musée d’histoire politique de Saint-Pétersbourg ne se limite pas aux caricatures. On peut y voir aussi des armes à feu, des armes froides, l’équipement et les récompenses des armées participant à la guerre russo-japonaise, ainsi que des affiches de propagande, des photos, des journaux et des magazines de l’époque et même les textes de chansons en russe et en japonais. Parmi les objets exposés, les visiteurs auront même l’occasion de voir une maquette du croiseur russe Variagqui a participé en 1904 à la bataille au port coréen de Chemulpo. L’exposition sera ouverte aux visiteurs jusqu’à la fin de septembre. /N