Les experts l’ont immédiatement qualifié de politique. De l’avis de la majorité, cette décision résulte des sanctions antirusses de Washington. L’Union Européenne tente d’arguer de la non-conformité avec la législation touchant ce genre de projets, afin de concentrer les profits dans sa bourse soi-disant commune.
Avec quoi et avec qui restera finalement la Bulgarie, si la Commission l’exclut du projet South Stream ?
Darina Grigorova, chargée de cours à la faculté d’histoire de l’Université de Sofia, voit dans la construction de ce gazoduc une tâche n°1 pour les pays dont les intérêts économiques dépendent de ce projet. Elle considère South Stream stratégique pour toute la région européenne.
En tant qu’historienne, Mme Grigorova est de même persuadée qu’en son temps, la Bulgarie aura une place digne dans l’espace européen contemporain, et invariablement côte-à-côte avec la Russie :
« L’idée de construire le gazoduc South Stream est venue de la nécessité de contourner l’Ukraine, d’abord pour éviter une nouvelle guerre du gaz et ensuite, vu les conséquences imprévisibles de la guerre civile dans le Sud-est de l’Ukraine. Actuellement il importe de ne pas rompre les liens entre la Russie et l’UE, en dépit de l’hystérie verbale selon laquelle l’UE dépend trop de la Russie sur le plan énergétique. Mais il faut comprendre qu’il s’agit d’une interdépendance de la Russie et de l’UE. »
Ce qui compte, c’est que la Russie propose un gaz écologique, à la différence du gaz de schiste alternatif qui ne l’est pas et qui est imposé par l’Amérique à l’Europe. L’objectif des Américains consiste à couper la Russie du marché européen et à conclure avec les Européens un traité de libre échange transatlantique. Et il est peu probable que cela soit avantageux pour l’Europe, et en particulier, à la Bulgarie. La Turquie a déjà déposé une demande pour le South Stream. Et donc de toute façon ce gazoduc sera construit, avec la Bulgarie ou sans elle. Par contre la conclusion d’un traité de libre échange entre l’Amérique et l’UE peut faire de l’Europe une colonie américaine.
« C’est remarquable, continue l’experte, que Sergueï Lavrov emploi le terme +économie nationale+. La Russie établit ses rapports avec le Kazakhstan et la Biélorussie précisément sur ce principe, quand les Etats souverains, absolument indépendants, ont des intérêts économiques communs et respectivement – des intérêts nationaux individuels. Ce serait bien que la même politique soit appliquée par les pays européens. La Bulgarie n’aura son économie nationale que lorsqu’elle saura mettre en place une telle économie, tout comme sa politique nationale, juge l’experte. »
De l’avis de Mme Grigorova, à l’avenir, la Bulgarie devra occuper une place digne dans l’espace contemporain de l’Europe et en même temps, avoir des liens stables avec la Russie. L’experte craint cependant que le traité transatlantique puisse transformer l’Europe en une colonie américaine, alors qu’elle voit l’Europe comme un espace uni et cohérent de Lisbonne à Vladivostok. /N