Intérêts obligent, la double pensée y aidant. Au-delà des horreurs que nous renvoient l’image de Slaviansk, de Kramatorsk, du village de Semionovka et de bien d’autres villages rasés par des obus et des bombes à sous-munitions se profile deux réalités : celle de la confrontation OTAN/Russie et celle du renouveau des purges ethniques en pleine Europe.
La problématique ukrainienne est assez difficile à traiter. Il y a, d’un côté, le noyau dur du conflit qui se rapporte à la thèse de l’épuration ethnique et de la riposte gazière imposée à Kiev par Moscou. Mais il y a aussi, de l’autre, l’hypocrisie de circonstance de Porochenko et de sa clique, tiraillés entre leurs engagements vis-à-vis du FMI et leur prise progressive de conscience de ce que serait une rupture définitive, c’est-à-dire sans compromis, avec un Moscou qui est lui aussi en partie handicapé par les provocations récurrentes et ces derniers temps accrues de la partie étasunienne qui a besoin d’un prétexte pour entraîner l’Eurasie dans une guerre dont la dimension et l’impact ferait pâlir les deux précédentes. On a appris la veille que la Russie serait prête à introduire ses forces de maintien de la paix dans les 24 heures qui suivent, chose que l’ONU n’a jamais faite, or, cela était parfaitement dans ses compétences.
Rédigeant ces lignes, j’ai l’impression d’enfiler des truismes. Or, au-delà des réalités factuelles, il y également la réalité d’un procédé psychologique qui consiste à répéter 36 fois par jour les mêmes mensonges jusqu’à ce que, paradoxalement, ceux-ci n’apparaissent plus comme tels à l’auditoire visé. On l’a notamment vu dans le cas de la Syrie. Le seul antidote possible est donc la réinformation systématique si même elle semble parfois redondante. Sait-on ainsi que Mikhaïl Koval a publiquement exprimé sa détermination à parquer les résidents de Donetsk et de Lougansk dans des « camps de filtration » pour ensuite les disperser à travers le pays ? Il suffit pourtant de consulter youtube pour trouver des preuves limpides de ce projet de déportation. L’Est ukrainien, connaitra-t-il le sort de Varsovie en 1944, une capitale entièrement détruite par les Allemands en réponse à la montée de la résistance polonaise connue sous le nom de l’ «Armia Krajowa » ? Ceux qui n’ont pas fui vers la Russie ou d’autres pays d’accueil éventuels, connaitront-ils le sort des Ruthène et des Lemkos parqués, il y a cent ans de là, dans des camps de détention autrichiens ? Il arrive que l’Histoire se répète dans les circonstances sans pour autant que le dénouement soit le même. Espérons donc qu’il ne soit pas le même pour les habitants de Novorossia.
Je soumets maintenant à votre attention quelques extraits du témoignage d’Alexandre Sivov, en direct d’Odessa.
La Voix de la Russie. « Que pensent les habitants d’Odessa de ce qui se passe de l’autre côté du Dniepr ? Est-ce qu’il y a des autochtones qui prennent part aux hostilités, dans un camp ou dans un autre ?
Alexandre Sivov. Il est très difficile pour le moment de comprendre ce qu’ils pensent dans la mesure où tout le monde, sans exception, a peur de s’exprimer … notamment dans une conversation plus ou moins privée avec un inconnu. On peut en fait diviser votre question en deux parties ou même en trois parties. Premièrement, il y a bon nombre de gens mobilisés de force pour être enrôlés dans l’armée ukrainienne bien qu’il y ait un moyen, pour les plus aisés, d’y échapper, en payant 1000 dollars au commissariat du quartier. Et quand je dis plus aisés, c’est très peu dire, car ces 1000 dollars constituent le salaire annuel d’un Odessite moyen. Je vous assure que la majeure partie des conscrits ne veulent pas se battre !
Nous apprenons, certaines rumeurs à l’appui, que les jeunes gens qui ont lutté contre le Praviy Sector le jour de la tragédie du 2 mai ont continué leur combat aux côtés des milices d’autodéfense du Donbass !Ce genre de rumeur est particulièrement tenace mais, bien entendu, on est loin de la certitude ! Une autre rumeur, plus tenace, fait état de l’apparition d’un arsenal d’armes à feux à Odessa en vue du lancement d’une guérilla urbaine (…).
La VdlR. Peut-on établir un parallèle entre l’idéologie nazie du III Reich et l’idéologie du nouveau gouvernement kiévien ?
Alexandre Sivov. Le terme même d’idéologie sous-tend une notion extrêmement compliquée (…). L’idéologie à laquelle vous faites allusion a ses propres théoriciens que nous connaissons moins bien que les pères inspirateurs du libéralisme actuel français ou du communisme léniniste qu’il faut aller chercher au XVIII siècle. Le nazisme est en partie, en tout cas historiquement, ancré dans un esprit d’admiration de la Grèce antique ou la Rome antique. Cela étant, ceux qui en Ukraine entendent élaborer une idéologie se contentent d’ouvrir de vieux journaux remontant à l’époque où l’Ukraine était indépendante et ses élites avaient la possibilité de s’exprimer en toute liberté. C’était sous la guerre ! Sous l’occupation allemande. Il s’agissait de journaux extrêmement primitifs confessant un fascisme vulgaire ! Essayer de s’inspirer de ces journaux et d’y puiser les fondements de l’idéologie fasciste revient à essayer de comprendre l’idéologie française en se bornant à lire le Canard enchaîné ou l’idéologie communiste en lisant la Pravda ! Pareil dans le cas des élites politiques ukrainiennes. Si vous demandez aux petits fascistes ukrainiens ce qu’est le monde antique, vous n’aurez aucune réponse. (... ) Ces gens-là sont d’une ignorance crasse ! Pour eux, être fasciste signifie tout simplement exterminer les pro-russes.
La VdlR. Quels sont selon vous les pronostics à envisager dans les semaines, voire les mois qui suivent par rapport aux Républiques autoproclamées ?
Alexandre Sivov. La guerre prendra de nouvelles formes. Ce sera surtout une guerre de sabotage comme on le voit déjà à l’image des chemins de fer dynamités. On fera sauter des ponts, on lancera des guérillas urbaines qui, quoiqu’encore surtout en gestation, ne vont pas tarder à se montrer au grand jour. Ces opérations clandestines vont se multiplier. Toute l’Ukraine va se transformer en un immense champ de combat sillonné de zones d’affrontements bien organisés et de zone en proie aux guérillas villageoises et urbaines. L’avenir des gazoducs est un sujet à part … si vous pensez qu’ils resteront intacts, vous vous trompez ! Ils seront eux aussi la cible de multiples sabotages, souvent sous fausse bannière, ce qui sera un défi redoutable pour l’Europe ! Idem pour les centrales électriques. Il s’agira, autrement dit, d’une véritable guerre d’usure ».
Commentaire de l’auteur. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, une bombe a endommagé le bureau de recrutement militaire dans le quartier Kotovski. Il semblerait qu’il faille y voir le début de cette guérilla urbaine dont a parlé M. Sivov. Par ailleurs, ce dernier vient d’indiquer qu’un certain nombre de militants du Praviy Sector ont été lynchés, encore un symptôme d’une guerre clandestine qui n’en est qu’à son galop d’essai. On est bien loin des discours du cornichon pompeux en plein Maïdan ! On est bien loin des brioches néocoloniales de Nuland et des cris de soutien du sénateur McCain ! Ayant joyeusement mis le feu aux poudres, tout ce beau monde s’est retiré dans le petit univers arrosé de pétrodollars dont ile st issu et au nom duquel il œuvre avec autant d’acharnement et de mauvaise foi criminelle.