Affaire tirée par les cheveux montée par un PS déclinant? Ce n’est pas à exclure même si, nous dira-t-on, il n’y a pas de fumée sans feu. Crise de régime? Même Jacques Attali, généralement zen, tire la sonnette d’alarme sur les pages de son blog.
Je soumets à votre attention l’analyse de Yannick Urrien, rédacteur en chef à la Radio bretonne Kernews dont il est le fondateur.
La Voix de la Russie : Bonjour M.Urrien, merci d’être avec nous sur les ondes de la Voix de la Russie, pour parler d’un sujet défrayant littéralement toutes les chroniques. Il s’agit de la nouvelle affaire impliquant l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, placé en garde a vue pour trafic d’influence, une affaire soulevée après son placement sur écoute pendant quelques mois et venant compléter la mosaïque des affaires Karachi, Bettencourt et Bygmalion. N’avez-vous pas l’impression que la justice française est particulièrement acharnée contre l’ancien chef de l’Etat dès lors qu’il parle de revenir sur la scène politique ?
Yannick Urrien : Exactement, d’abord il faut rappeler qu’il est mis en examen pour trafic d’influence et rappeler ce qu’est le trafic d’influence. Lorsque l’on étale tous ces mots à la une des journaux, on a l’impression que c’est quelque chose d’extrêmement grave. Or, nous faisons tous du trafic d’influence dès notre plus jeune âge. J’ai commencé moi-même le trafic d’influence lorsque j’avais 6 ans dans la cour de recréation et que je voyais une très jolie fille. Je m’approchais alors d’un autre camarade qui la connaissait mieux que moi en lui demandant ce qu’elle pensait de moi. Et je lui disais : « Essaye d’aller la voir et de lui dire du bien de moi ».
LVDR : Et il n’y a pas eu d’affaire Urrien, curieusement.
Yannick Urrien : Le trafic d’influence, vous en faites ! Si vous êtes bonne cliente chez votre boucher et que vous avez un repas de famille très important, vous allez voir votre boucher un dimanche matin en lui disant préparez moi votre meilleur morceau de viande, en sous entendant que comme vous êtes une cliente régulière, il doit garder le meilleur morceau pour vous. C’est du trafic d’influence, et on en fait a tous les niveaux de la société ! Et quiconque se retrouve pour un examen, pour une candidature, quiconque est arrêté par la gendarmerie dans un village de campagne, car il a dépassé un peu la vitesse et que le gendarme est parti avec la contravention, essaiera de téléphoner à ses relations pour dire : « Est-ce que tu connais le gendarme un tel ? Peux-tu essayer de lui glisser un mot pour qu’il me fasse sauter la contravention ? ». Celui qui n’a jamais fait cela n’existe pas. Alors voilà ce que l’on reproche grossièrement à Nicolas Sarkozy. Effectivement, c’est illégal et il doit être sanctionné pour cela, car lui-même était pour la tolérance zéro et nous expliquait que tout le monde devait être sanctionné dans le cadre d’une justice exemplaire. Cela se retourne maintenant contre lui pour quelque chose d’illégal mais qui n’est pas dramatique. J’aurais préféré que Nicolas Sarkozy soit amené à s’expliquer sur des affaires amplement plus graves comme avoir écouté un pseudo-intellectuel français qui l’a amené à déclencher la guerre en Libye avec toutes les retombées que cela a actuellement.
LVDR : Précisons que vous faites ici allusion à M. Bernard Henri-Lévy.
Yannick Urrien : Exactement. Voilà des choses qui nous intéresseraient beaucoup plus. Mais que Nicolas Sarkozy ait appelé un magistrat pour savoir où en est l’enquête et que le magistrat réponde : «Cela tombe bien car j’ai une demande qui attend dans la principauté de Monaco, ce serait sympa que tu appelles le Prince Albert pour intervenir », c’est de l’ordre de la cour de récréation. D’autant plus, dans un pays où policiers et magistrats relâchent cambrioleurs et trafiquants de drogues au bout de 3 heures ainsi que les clandestins en disant : « On ne peut plus rien faire ». Alors garder l’ancien Président une nuit entière en garde à vue car il a passé un coup de fil, c’est perdre tout sens de la réalité et des proportions. Et que diriez vous, comme je suis sur les ondes la Voix de la Russie, si une même affaire de trafic d’influence avait lieu avec un ancien candidat à la présidentielle en Russie? La planète entière tomberait sur la démocratie russe fustigeant Vladimir Poutine pour avoir mis en prison un ancien candidat à la Présidence de la République. De même, si au Cameroun un opposant à M. Paul Biya se retrouvait en garde à vue pour une journée entière, Bernard Kouchner, Bernard Henri-Lévy et toutes les bonnes consciences seraient venues dire : « L’Afrique n’est pas mature pour la démocratie, c’est une honte, on voit bien que ces gens-là se comportent comme des dictateurs ». En Afrique et en Russie, ce n’est pas bien, or en France c’est considéré comme la manifestation de la justice exemplaire et de la démocratie.
LVDR : Comme vous dites, c’est du deux poids deux mesures. Mais les socialistes, ne craignent-t-ils pas de favoriser le Front National dans la mesure où le seul éventuel candidat à la présidentielle de 2017 qui pourrait contrer la montée en puissance de Marine Le Pen est bel et bien Sarkozy. D’ailleurs, le Front National est assez muet sur cette histoire. Si tous les partis se sont amplement exprimés, Marine Le Pen, semble-t-il n’a rien dit pour le moment.
Yannick Urrien : Deux points sont à signaler. D’abord, les socialistes ont réagi avec Manuel Valls qui vient de déclarer que ce qui s’est passé avec Nicolas Sarkozy est très grave. Là aussi, on a perdu le sens des mots et des proportions. Ce qu’a fait Nicolas Sarkozy n’est pas bien, c’est illégal, mais ce n’est pas très grave. Ce qui est très grave, c’est d’avoir mis le pays à plat, ce qu’a fait Mme Duflot en matière de loi sur le logement, avec des gens se retrouvant à la rue et des propriétaires ne voulant plus investir : cela est très grave et cela méritera plus tard de rendre des comptes ! La politique du gouvernement avec des flots de milliers de chômeurs quotidiens, cela aussi est très grave. Et pour répondre très précisément à votre question, face à la situation actuelle, le rêve de François Hollande est évidemment de se retrouver au second tour de l’élection présidentielle face à Marine Le Pen. Le soir du premier tour, on apprendra que Hollande est au second tour face à Marine Le Pen et à partir de là vous aurez pendant 15 jours en France un matraquage médiatique quotidien pour nous rappeler les prémisses idéologiques de la II Guerre Mondiale, on verra foisonner des collectifs contre l’extrême droite et Hollande sera réélu Président de la République. Ce ne sera pas un score à la Chirac, il sera réélu à 60 %, et le pays continuera de s’enfoncer dans la médiocrité et dans la souffrance générale ».
Commentaire de l’auteur. Avec à l’heure actuelle 15% de côte de popularité, il est pour le peu difficile d’imaginer la réélection de François Hollande. Manuel Valls conviendrait bien davantage. Néanmoins, à la réflexion, qu’importe ? La France vivant en ce moment une crise de régime sans précédent – en l’occurrence, non pas tant du fait des manœuvres frauduleuses de l’élite que de la façon dont celles-ci sont sordidement instrumentalisées par ceux qui sont bien loin de la sainteté – il semble que seul un paradigme idéologique radicalement nouveau puisse redresser le pays. Sarkozy, serait-il déterminé à revoir sa feuille de route en faisant fi des coups d’humeur de M. Barroso et des nébuleuses de lobbies apatrides qui n’ont que faire des intérêts du pays ? Ou alors, est-ce exactement le contraire et l’UMP dont le processus scissionnel pourrait conduire à des réformes productives n’en veut plus ? La première hypothèse permet surtout de mettre en cause le PS. La deuxième – l’UMP, ce qui a déjà été sous-entendu plus d’une fois. Quoi qu’il en soit, la « traque » de l’ancien Président n’est pas sans rappeler, dans toute sa grossièreté, celle de DSK dont on peine toujours à démêler les tenants et aboutissants. Il n’en demeure pas moins qu’il a suffi d’une Mme Dialo pour faire de l’ancien patron du FMI un cadavre politique. Reconnaissons que les attrape-Sarkozy sont dépourvus d’un tel exotisme ce qui laisse croire que leur impact sera minime.
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