Inde-Chine : comment arriver au redémarrage ?

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Un mois et demi après l'arrivée au pouvoir en Inde de Narendra Modi, on peut déceler une dynamisation des relations indo-chinoises ce qui est sans aucun doute le principal acquis de la politique étrangère du nouveau gouvernement de Delhi.

La visite du chef de la diplomatie chinoise dans la capitale indienne, les accords atteints sur les contacts au niveau des présidents, des Premiers ministres et des membres importants des cabinets créent une bonne base pour le lancement du dialogue au niveau des dirigeants politiques des deux pays.

En ce moment, l'Inde et la Chine font comprendre par tous les moyens qu'elles veulent mettre l'accent sur l’élaboration d’un ordre du jour positif. Avant tout, il est question du développement des relations commerciales et économiques entre les grandes puissances asiatiques, mettant de côté les problèmes qui pourraient irriter les interlocuteurs, note notre commentateur Sergei Tomine.

« Saluant la dynamisation des contacts au niveau politique supérieur, il est nécessaire de reconnaître que c’est seulement une condition pour la normalisation des relations entre les deux pays – mais pas du tout une garantie de l'irréversibilité des changements. Le « réchauffement » actuel dans les relations peut ne pas apporter de résultats si la diplomatie des gestes politiques polis et des déclarations fortes n’est pas renforcée par un progrès réel dans la solution des problèmes que les parties veulent remettre à plus tard, attendant des jours meilleurs. »

Qu’est-ce que la Chine attend de l'Inde ? Primo, une désescalade graduelle de la situation apparue à l’issue de la guerre de 1962. La partie indienne ne pourra jamais accepter le fait que la République Populaire de Chine a pris sous son contrôle 5.000 kilomètres carrés du territoire indien occupé par le Pakistan, et développe dans cette région l'infrastructure militaire. En outre, à Delhi, on ne peut pas trouver naturelle la présence des militaires chinois dans la partie du Cachemire occupée par le Pakistan. Bien qu'à Pékin, on les appelle non des militaires, mais des ouvriers participant à la construction de l'infrastructure, à Delhi, on ne se fie pas à de telles explications. En général, en ce qui concerne les litiges territoriaux et les problèmes de sécurité, à Pékin, on doit comprendre l'essentiel : l'Inde d’aujourd’hui, ce n’est pas une Inde faible de 1962, prête à supporter un comportement semblable.

Le deuxième point provoquant de l’irritation est lié aux relations sino-pakistanaises. Pékin et Islamabad ne se fatiguent pas de souligner que leurs relations sont « plus hautes que les montagnes, plus profondes que les océans et est plus sucrées que le miel ». Cependant, l'Inde attendra absolument de la Chine, sinon qu’elle entretienne les mêmes relations avec Delhi qu’avec Islamabad, mais, au moins, qu’elle renonce à jouer la carte pakistanaise. C'est-à-dire à utiliser les relations avec Islamabad comme un instrument de pression sur l'Inde.

Enfin, le troisième point irritant est lié à ce qu’on appelle à Delhi « le terrorisme aquatique ». Il serait naïf de croire que le gouvernement de Narenda Modi fermera les yeux sur la construction par la partie chinoise des centrales hydrauliques, des digues et d'autres constructions d'irrigation sur les rivières prenant leur source sur le territoire de la République Populaire de Chine et passant par le territoire de l'Inde. Il faudra négocier donc aussi sur cette question, dit Sergei Tomine.

« Mais Pékin a, lui aussi, une longue liste de prétentions à l’égard de Delhi et le gouvernement de Narendra Modi aurait du mal à les repousser. Probablement, pour la Chine, le principal point irritant, c’est le problème du Dalaï-lama ayant trouvé le refuge en Inde. En réalité, sur le territoire indien, il y a une espèce de « gouvernement parallèle », et Delhi a beau répéter que le Dalaï-lama – c’est tout simplement le leader spirituel des bouddhistes - Pékin ne sera jamais rassuré. »

En outre, il est peu probable que Delhi puisse compter sur le fait que son rapprochement avec les États-Unis et le Japon n'aura pas de conséquences négatives pour ses relations avec Pékin. En effet, Washington et Tokyo sont les anciens antagonistes de la Chine. Il ne serait pas exagéré de dire que l'amitié de l'Inde avec le Japon pour Pékin est aussi irritante que l'amitié du Pakistan avec la Chine pour l'Inde. On pourrait continuer la liste des prétentions chinoises, et plusieurs d'entre elles sont assez argumentées.

Il faut reconnaître que le réchauffement actuel dans les relations indo-chinoises peut s’avérer bien court, s'il n'y a pas de progrès fondamentaux. Mais pour cela, les parties devront manifester une volonté politique très forte dans la recherche des compromis. /N

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