Les hostilités se poursuivent et le bilan des victimes ne cesse de s’alourdir. On signale des tués de part et d’autre depuis le début de la trêve. Le plan de Porochenko restera lettre morte tant que les parties ne procéderont pas aux négociations directes, estiment les experts. Or, on ne constate pour le moment aucune démarche réelle dans ce sens.
Le 20 juin, Porochenko a annoncé la trêve d’une semaine et son plan de paix en 14 points a été publié peu après. Le désarmement des miliciens en constitue son élément central et c’est ce volet qui a fait enrager les leaders des républiques populaire de Lougansk et de Donetsk. Selon eux, Kiev se servira à ses propres fins du désarmement du Donbass. Ce genre d’ultimatum ne présage rien de bon, estime le politologue Andreï Souzdaltsev, doyen adjoint de la faculté d’économie et de politique internationale :
« Il y manque l’élément principal et notamment les négociations avec les insurgés et les leaders des deux républiques. Les négociations devraient être menées avec des personnages obscurs qui n’ont pas de pouvoir réel et sont par conséquent condamnées à l’échec. Il s’agit d’un ultimatum pur et simple : rendez les armes et inclinez-vous devant Kiev. Mais voyons, pour quoi faire? Ils ont investi la moitié de la région et croient que les miliciens rendront les armes aux vainqueurs mais Kiev n’est pas du tout vainqueur le cas échéant. »
Les négociations entre Kiev et le Donbass ont quand même commencé malgré les problèmes évidents. Mardi dernier, l’ex-président ukrainien Léonid Koutchma et l’ambassadeur de la Russie en Ukraine Mikhaïl Zourabov, ont rencontré le premier ministre de la république de Donetsk Alexandre Borodaï et le leader du mouvement « Sud-Est » Oleg Tsarev. Le président ukrainien a préféré ne pas y participer personnellement. Ce début des négociations même indirectes permet d’espérer que les tirs finiront par cesser, estime Vladimir Olentchenko, directeur de recherche du Centre d’études européennes de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales :
« La trêve même fragile et sur fond d’opérations militaires et de flots de réfugiés, a montré que la possibilité des négociations existait toujours. Les deux parties ont délégué leurs représentants et ils sont entrés en contact. Il faut, certes, donner aux parties la chance de prolonger la trêve pour tâcher d’aboutir à des accords. Or, rien ne permet pour le moment de ne serait qu’un signal même faible allant en ce sens. Porochenko devrait prêter l’oreille aux appels du président Poutine. C’est la première condition qui s’impose, il faudrait ensuite ôter à son plan le caractère d’ultimatum et introduire des questions concrètes à l’ordre du jour des négociations. »
L’abrogation du décret du Conseil de la Fédération sur l’utilisation des forces arm.es russes en Ukraine est devenu un pas de plus franchi dans la voie du règlement du conflit. La décision de Vladimir Poutine doit être considérée comme un acte de bonne volonté et le désir d’impulsionner le processus des négociations, estime le politologue Sergeï Mikheev :
« L’abrogation du décret est un geste de bonne volonté fait par la Russie. Nous allons voir si la partie ukrainienne et les participants occidentaux de ce processus sauront apprécier cette ce geste. La Russie est réellement prête à se retirer du jeu et il me semble que les Européens sauront évaluer cette situation d’une manière positive et déploieront des efforts pour convaincre Kiev que la solution militaire est dénuée de perspective. »
En même temps, la Russie se réserve le droit de contrôler le respect des engagements en matière de cessez-le-feu en Ukraine car la situation est encore loin d’être stable. A son tour, l’Europe a pris note des démarches positives vers le règlement du conflit en Ukraine. Le Conseil de l’Europe a soutenu le démarrage du processus de paix en Ukraine les consultations quadriparties des leaders de l’Ukraine, de la Russie, de la France et de l’Allemagne ont eu lieu dans la semaine. Les consultations se sont avérées très productive, relève Alexandre Goussev, directeur de l’Institut de planification stratégique :
« Les parties sont arrivées à un consensus. Elles enverront en Ukraine un grand nombre d’observateurs. Ainsi, le nombre d’observateurs russes passera de 300 à 500 personnes et il y aura aussi des observateurs de l’OSCE. La tâche la plus urgente consiste à faire cesser le bain de sang. »
Il est impossible de résorber en une semaine la crise qui dure depuis plusieurs mois, fait remarquer Goussev. Néanmoins, le processus de paix a bougé du point mort et c’est très important. Il faut surtout maintenant prolonger la trêve le plus longtemps possible, au moins pour un mois, estiment les experts. Il faudra aussi profiter de ce délai pour libérer les otages, échanger les prisonniers de guerre et poursuivre les négociations.