L’intense activité déployée par Tony Blair en qualité de consultant en économie et finances depuis son départ du poste de Premier ministre est connue de tous. Blair est à la tête de la société Tony Blair Associates qui conseille entre autres les gouvernements du Koweit, du Brésil, de la Colombie et du Kazakhstan, le fonds d’investissement Abu Dhabi Mubadala, la banque d’investissement américaine JP Morgan, la compagnie pétrolière sud-coréenne UI Energy Corporation et le groupe d’assurance Zurich Financial Services. Par ailleurs l’ex-Premier ministre reste l’envoyé spécial du «Quartet», bloc diplomatique pour le règlement du conflit au Moyen-Orient constitué de l’Union Européenne, de la Russie, des Etats-Unis et de l’ONU, et utilise activement ces liens politiques dans les intérêts de son business.
Le nom de Blair est souvent associé à l’industrie pétrolière. On l’accuse de soutenir les intérêts des compagnies pétrolières occidentales depuis l’invasion de l’Irak par la coalition en 2003. Après son départ à la retraite en 2007, Blair a visité régulièrement la Lybie, étant devenu « l’ami » de la famille Kadhafi. En 2010 le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, a indiqué que Tony Blair était le conseiller financier de son père et du Libyan Investment Authority, fonds souverain administrant les actifs pétroliers du pays. Lorsque Kadhafi est tombé en disgrâce, Blair a bien entendu nié travailler pour le colonel, mais dans le même temps son autre client, JP Morgan, prenait part à la liquidation des actifs libyens.
Alors que son activité en Lybie est restée secrète, Blair est allé à Abu Dhabi non seulement en tant que messager de paix mais également comme conseiller pour la stratégie globale du fonds d’investissement Mubadala, recevant pour cela une rétribution d’un million de livres sterling par an.
Il a aidé le fonds à obtenir la concession de l’un des plus grands gisements pétroliers d’Irak et à conclure un contrat de 5 milliards de dollars avec la Guinée, dont Blair est également le conseiller, pour l’exploitation d’un gisement de bauxite et d’aluminium. Le conflit d’intérêts est évident puisque dans cette affaire Blair est à la fois acheteur et vendeur. Ce fonds est maintenant actif en Serbie…
Un autre exemple de conflit d’intérêts se situe au Koweït, où Blair s’est rendu en 2009 en qualité de messager de paix du « Quartet ». Pour ce voyage il était accompagné non seulement de diplomates, mais également de Jonathan Powell, conseiller principal sur les questions commerciales de la société Tony Blair Associates. L’émir a demandé à Blair de préparer le rapport “Perspectives pour le Koweit à l’horizon 2035” qui doit proposer un programme de développement économique du pays jusqu’en 2035. Le prix de la prestation : 27 millions de livres sterling.
En 2011 Blair s’est rendu dans le riche État pétrolier du Kazakhstan, à la tête d’un groupe de conseillers pour assister le président Noursoultan Nazarbaïev dans la mise en oeuvre de son programme de réformes économiques . Cette affaire a coûté aux Kazakhs 16 millions de livres sterling (25,7 millions de dollars). Comme l’a écrit le journal The Times, Tony Blair a dû convaincre le Kazakhstan de quitter l’Union douanière.
À travers son organisation humanitaire Africa Governance Initiative, l’ex-premier minister britannique conseille en Afrique les gouvernements du Rwanda, du Liberia, du Sierra-Leone, du Soudan du Sud et de la Guinée.
Sur le continent noir son chemin a croisé celui de la Chine qui est intéressée par des investissements en Afrique. Il a été proposé à Blair de devenir le conseiller principal de l’ Excellence Club, ce groupe d’élite de dirigeants d’entreprises et politiques basé à Pékin.
Depuis l’année dernière, Blair conseille le gouvernement d’Albanie sur la conduite des réformes pour son entrée dans l’Union Européenne. La Serbie attend la même chose de lui. N’est-il pas curieux que des Anglais, réputés à juste titre eurosceptiques, puissent donner des conseils à ce sujet ? Par ailleurs, dans ces pays il n’y a pas de pétrole, centre d’intérêt particulier pour Blair. Il se peut que sa présence en Serbie bénéficie à d’autres de ses clients, comme Mubadala qui prévoit d’acquérir de grandes étendues de terres dans les Balkans. Si l’on en juge par des contrats analogues antérieurs, les coûts devraient s’élever à plusieurs millions de livres sterling, au frais du contribuable serbe.