Evguéni Svetlanov dirigeait pendant 35 ans l’Orchestre symphonique d’Etat de l’URSS qui a obtenu sous sa direction le statut de l’un des meilleurs orchestres du monde. Maestro Svetlanov a été à maintes reprises invité à diriger les Orchestres nationaux étrangers, notamment l’Orchestre national de la France ainsi que les Orchestres Philharmoniques de Strasbourg et de Montpellier. Svetlanov a été toujours chaleureusement accueilli en France où il a été décoré de la Légion d’honneur. Evguéni Svetlanov, quant à lui, tenait à organiser à Paris le Concours de chefs d’orchestre. Selon la directrice générale du Concours international de chefs d’orchestre Evguéni Svelanov Marina Bower, c’était l’un des derniers souhaits du Maestro. Douze ans après son décès, son rêve s’est enfin réalisé. Aujourd’hui Paris accueille la troisième édition du Concours international de chefs d’orchestre Evguéni Svelanov dont la finale aura lieu le 28 juin.
Marina Bower, directrice générale du Concours, nous a accordé une interview à la veille de l’évènement.
Marina Bower. Je dois commencer par dire que j’étais un peu fille adoptive spirituelle de Maestro Svetlanov. Et effectivement, il a laissé un testament moral qui me désignait pour continuer, à côté de sa femme Mme Svetlanova, son œuvre musicale qui est une énorme responsabilité. Parmi les souhaits, il y avait effectivement un concours qui porterait son nom et qui serait destiné à faire sortir les jeunes chefs d’orchestre. Puisque le chemin des chefs d’orchestre est extrêmement compliqué. Il faut d’abord un instrument. Un orchestre c’est le plus difficile à trouver. On est donc parti à la recherche de partenaires tout de suite après son décès pour pouvoir honorer sa mémoire et suivre ses préceptes. En 2007, nous avons trouvé un partenariat avec le Grand-duc de Luxembourg qui nous a ouvert les portes de son pays et qui nous a donné la possibilité d’organiser le premier concours avec son orchestre de Luxembourg dans un très joli lieu. Le deuxième concours a eu lieu en 2010 à Montpellier puisque le directeur artistique de ce concours est un très grand personnage dans la musique en France. C’est M. René Koering qui est devenu un grand ami de maestro Svetlanov.
Ce n’est pas au hasard qu’on organise le Concours à Paris. Maestro a écrit noir sur blanc – organiser le concours de chefs d’orchestre qui porte mon nom à Paris. Paris n’était pas tout de suite prêt à nous accueillir. Il a fallu montrer le niveau, l’exigence, la qualité, l’excellence, le dévouement. Comme je suis également impresario et je travaille beaucoup avec mes partenaires à Paris, ils ont suivi le développement de ce concours. Maestro Svetlanov aurait dit, les astres se sont bien positionnés. Effectivement, puisque l’Orchestre Philharmonique de Radio France aurait, de toute façon, cherché son jeune chef associé pour la saison 2014-2015. Lorsque j’ai parlé avec Eric Montalbetti, directeur artistique de cet orchestre, avec lequel Maestro Svetlanov a énormément travaillé et qui a justement fait hommage, encore de son vivant, pour ses 70 ans en lui offrant 4 concerts d’abonnement qui étaient absolument exceptionnels. J’ai parlé avec Eric Montalbetti qui a tout de suite adhéré à ce rêve et a parlé ensuite à Maestro Chung. Et voilà, les astres étaient avec nous cette fois-ci, c’était le bon moment.
LVdlR. Cette année on rend hommage à Maestro Svetlanov un peu partout en France. Le festival de Vladimir Spivakov à Colmar sera également consacré à Evguéni Svetlanov.
M.B. C’est vraiment au hasard. A vrai dire, on ne s’est pas du tout concerté. J’étais à l’origine du Festival à Colmar. Et c’est sûr que Maestro Svetlanov a laissé une trace impérissable lorsqu’il venait avec son orchestre à Colmar. Je n’oublierai jamais ces concerts. Dans une chaleur torride où les gens tombaient dans les pommes, Svelanov, habillé de costume noir, était fidèle à sa musique et à son art et tenait sa partition jusqu’au bout. C’était vraiment un grand exemple de Grand Maestro au service de la musique.
LVdlR. Pour ce qui est du concours, une nouvelle génération de chefs d’orchestre, existe-elle en tant que telle ? Comment est-elle ?
M.B. Bien sûr qu’elle existe, sinon on ne ferait pas ce concours. Heureusement, la vie nous montre toujours ses meilleurs côtés et nous amène vers des grands talents qui ne sont, certainement, par fréquents. Puisque tout homme ou toute œuvre talentueux sont rares. Nous avons déjà trouvé lors de nos précédents concours des gens de très bonne aptitude musicale et, j’oserai dire, de grand talent. Notamment, Andris Poga qui a reçu le premier prix en 2010 et qui est devenu instantanément assistant à l’Orchestre de Paris de Paavo Järvi. Il était également tout de suite invité pour être assistant de Levine à l’Orchestre de Boston. Et récemment, il est devenu chef principal et directeur musical de l’Orchestre national de Lettonie. Andris Poga est parmi des plus talentueux de la nouvelle génération. Mais il y en a d’autres. Par exemple, Robert Trévino, qui n’a même pas eu le prix mais qui était diplômé du deuxième concours, devient de plus en plus recherché parmi les grandes scènes et théâtres musicaux dans le monde. Actuellement, il est au Bolchoï. C’est quelqu’un qui va rester, je pense, sur la scène musicale pendant de très nombreuses années et qui va nous surprendre.
LVdlR. La Russie envoie quatre participants cette année, n’est-ce pas ?
M.B. En fait, on a eu 510 demandes ! Monsieur Koering a beaucoup souffert parce que visionner 510 DVD relève déjà d’un exploit. Nous avons une vingtaine de femmes qui changent un peu l’habitude chez les chefs d’orchestres. De ces nombreux candidats il a sélectionné 18 qui sont en train de montrer leur talent au jury, composé de 7 grandes personnalités. De ces 18 personnes, 4 seront choisies, 3 auront un prix et le quatrième aura un diplôme. Mais ils auront tout de suite beaucoup de travail, c’est d’ailleurs le but de notre concours. Les prix ne veulent pas dire grand-chose. C’est toujours honorifique, c’est agréable mais l’essentiel est de pouvoir leur donner ce tremplin pour qu’ils puissent travailler dans des orchestres. Nous avons, heureusement, de très nombreux orchestres partenaires. Et en même temps, Maestro Chung donne un prix spécial – ce sera son choix, c’est lui qui désignera son jeune chef associé. Nous aurons aussi un prix de public. Et ce qui est très honorable, c’est que l’un ou deux lauréats feront un concert 26 septembre avec l’orchestre Philharmonique de Radio France aux côtés de Vadim Répine dans une autre série de concerts consacrés à maestro Svetlanov qui débutera le 19 septembre en ouverture de la saison avec Ievgueni Kissine et Maestro Chung, et puis avec ce lauréat du concours et Vadim Répine. Vous voyez quel est le niveau d’exigence pour ces jeunes gens talentueux.
LVdlR. Le public donc pourra écouter la finale le 28 juin à la Salle Pleyel.
M.B. On commence les deux premières épreuves à huis clos puisque elles ont lieu à Radio France. Le public pourra suivre en ligne le Concours sur son site qui est en trois langues, y compris en russe. Il y a aussi un site spécifique consacré au concours qui est créé à France Musique. Le 28 juin c’est live sur le site du Concours et aussi sur les sites de Radio France et France Musique à partir de 14h jusqu’à 21h30 avec une petite pause entre 17-18h30 et proclamation des résultats à 22h. Ceux qui sont intéressés pourront, même sans être à la Salle Pleyel, être parmi nous.
