Quelles solutions pour le conflit gazier russo-ukrainien ?

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Selon l'ancien premier ministre ukrainien par intérim, ces prochaines années l'économie ukrainienne ne pourra pas se passer de gaz russe, quelles que soient les relations entre la Russie et l'Ukraine.

Le nouveau gouvernement d'Ukraine n'a que deux solutions : s'entendre avec la Russie sur l'achat du gaz à un tarif acceptable ou renoncer à une partie importante de son industrie. Le reste, ce sont des fantaisies n'ayant rien à voir avec l'économie réelle.

Une industrie qui consomme trop d'énergie

Le nouveau pouvoir ukrainien, dont de nombreux membres ont participé à l'accord gazier actuellement en vigueur, accuse la Russie d'un « comportement inamical ». En réalité l'Ukraine récolte les fruits de ses propres décisions.

L'absence de réformes d'infrastructure sérieuses et la rupture avec ce qui a été fait par le gouvernement précédent ont eu pour effet la dépendance de l'Ukraine vis-à-vis des livraisons d'un vecteur d'énergie dont elle n'aurait aucun besoin dans des conditions normales.

L'intensité énergétique du PIB d'Ukraine est plusieurs fois supérieure à celle des pays évolués d'Europe occidentale et de l'Est. L'Ukraine consomme annuellement plus de 40 milliards de mètres cubes de gaz dont plus de 20 milliards sont importés. Il s'agit essentiellement des dépenses énergétiques inutiles car les pertes d'énergie constituent 65 %, soit beaucoup plus que la moyenne des pays évolués.

Une hausse de l'efficacité énergétique de l'économie aurait pu résoudre automatiquement le problème de la dépendance gazière. Cependant les tentatives des gouvernements précédents pour s'en occuper se heurtaient au lobbying du modèle économique en place pratiqué par les hommes d'affaires influents qui n'avaient aucun intérêt à moderniser leurs entreprises industrielles privatisées pour une bouchée de pain.

Le prix du gaz : question de survie de plusieurs secteurs d'économie

Quatre branches, notamment la sidérurgie, l'agro-alimentaire, les constructions mécaniques et l'industrie chimique, dépendent des quantités du gaz fourni et de son prix. Pour certaines d'entres elles la hausse du tarif jusqu'à 485 dollars pour 1000 mètres cubes signifiera le retour dans des conditions très difficiles. Dans certaines autres il s'agit de l'arrêt total de la production. Dans les conditions où la croissance économique est freinée par une faible compétitivité de l'industrie il ne peut pas être question non seulement de la croissance du PIB, mais aussi du retour au niveau de 2013.

La sidérurgie orientée à 80% aux exportations est un des principaux consommateurs du gaz. Toutes les entreprises de la branche prises dans leur ensemble consomment actuellement de l'ordre de 4 milliards de mètres cubes par an et la part du gaz dans leur prix de revient avoisine 10%.

La part du gaz dans le prix de revient des engrais minéraux atteint 80%. En 2011, l'Union des chimistes d'Ukraine a évalué les besoins de la branche, à condition de l'utilisation complète des capacités de production, à 8,3 milliards de mètres cubes par an. Il est vrai que ces dernières années l'industrie chimique ukrainienne n'en consommait autant. L'année dernière presque toutes les grosses entreprises de la branches se sont vues obligées d'arrêter le travail pour pour quelques semaines à cause du haut coût du gaz sur fond des bas prix du produit fini. Cette année ces entreprises peuvent rester fermées car, selon les experts, il est dénué de sens de produire des engrais minéraux en Ukraine si le prix du gaz s'élève à 480-500 dollars.

Le problème du haut prix de revient dans l'industrie chimique se répercute sur d'autres branches. Cela concerne surtout l'agro-alimentaire dans lequel les engrais minéraux constituent jusqu'à 70 % du prix de revient.

Les projets alternatifs gelés

La dépendance gazière pourrait être atténuée grâce au projet de construction d'usines de production du gaz synthétique à partir de charbon. Le gouvernement précédent s'est entendu avec la partie chinoise sur un crédit d'un montant de 3,7 milliards de dollars à ces fins. Les usines construites dans le cadre du projet devraient donner une économie de quelque 4 milliards de mètres cubes de gaz annuellement et garantir aux mines ukrainiennes l'écoulement de 10 millions de tonnes de charbon. Cependant le gouvernement a provisoirement renoncé à ce projet.

La Stratégie énergétique de l'Ukraine à l'horizon 2030 adopté en juin 2013 envisageait de porter la production de gaz en Ukraine à 40-45 milliards de mètres cubes par an et d'assurer à 90 % la consommation intérieure. Cependant la crise politique a anéanti ces plans.

De grands espoirs son placées dans le gaz de schiste et les hydrocarbures des plateaux continentaux en mer Noire et en mer d'Azov.

La société Royal Dutch Shell a annoncé que les projets d'extraction de gaz sur le site de Youzovka (qui s'étend sur le territoire des régions de Kharkov, de Donetsk et de Lougansk) avaient été gelés à cause de la crise politique. Une grande partie du site de Youzovka où Shell devait mener les travaux se trouve dans la région de Slaviansk et de Kramatorsk en proie à la guerre. Dans ces conditions, l'unique source en puissance du gaz de schiste se trouve dans l'ouest de l'Ukraine où Chevron est confronté à des problèmes notables dans les relations avec les autorités locales.

Les hydrocarbures des plateaux continentaux doivent être oubliés suite à la perte de la Crimée.

Les faits susmentionnés et l'épuisement des gisements de gaz naturel ainsi que l'extraction à des profondeurs toujours plus grandes peuvent prochainement aboutir à la réduction de l'extraction par l'Ukraine du gaz propre.

Les livraisons réversives ne sont pas une panacée

Il est peu probable que les mesures du nouveau gouvernement puissent résoudre le problème d'une manière cardinale. Tabler sur la diversification, notamment sur les fournitures réversives, est plutôt une décision politique et non économique.

Il s'agit de quelques 15 milliards de mètres cubes par an, soit plus de la moitié des besoins en gaz importé. Cependant ce projet reste purement théorique. Les perspectives de ces fournitures dépendront pour beaucoup des relations entre Gazprom et ses partenaires européens, ainsi que des contrats en vigueur.

Les livraisons réversives depuis la Slovaquie sont le moyen le plus réel d'obtenir des quantités de gaz suffisant à couvrir une partie du déficit gazier. Mais elles posent des problèmes techniques, notamment la nécessité de construire un tuyau supplémentaire très onéreux. Sans ce tuyau il sera question des fournitures réversives « virtuelles » qui seront vues de maivais oeil par Gazprom et ses partenaires européens. En plus, cela augmentera les tarifs.

Les livraisons réversives de gaz laissent sans solution un autre problème. Le tuyau ukrainien sous sa forme actuelle perd toute raison d'être si le gaz russe n'y circule plus. Même dans l'hypothèse d'une exploitation intense du gaz non traditionnel, le système ukrainien de transport de gaz ne tournera pas à 100 % sans la participation de la Russie. A présent, alors qu'il n'est pas question de l'augmentation de l'extraction, l'avenir du système de transport de gaz (STG) ukrainien est plus qu'incertain.

Un coup écrasant aux perspectives du STG peut être porté par le gazoduc South Stream qui a beaucoup de chances d'être construit malgré la réaction négative de l'Ukraine et de certains pays de l'UE. Lorsque South Stream, avec sa capacité de plus de 60 milliards de mètres cubes sera mis en service, la Russie pourra renoncer au transit de gaz par le territoire de l'Ukraine.

Malgré les apparences, l'Europe ne va pas augmenter le volume du gaz qu'elle achète à la Russie. Les pays de l'UE cherchent activement à diversifier leurs importations de gaz, et en diminuer la consommation, dans une certaine mesure suite à des conflits incessants entre la Russie et l'Ukraine. Au bout de quelques années le système de transit gazier risque de devenir inutile, et cela le conduira à la ruine.

Un autre projet alternatif, celui du GNL, ne présente pas non plus une solution satisfaisante pour l'Europe. La Turquie n'aurorise pas et n'aurorisera pas le passage par le détroit du Bosphore des navires transportant du gaz liquéfié parce qu'elle considère que le transport des méthaniers par le détroit présente une menace véritable à l'écologie de la région. Les autres solutions demandent des investissements dont le montant rend le projet non rentable.

L'Ukraine et la Russie sont vouées à chercher une issue mutuellement acceptable au conflit actuel. Je suis convaincu que cette issue sera trouvée d'une manière ou d'une autre. Car de bonnes relations dans le domaine gazier répondent aux intérêts des deux pays./E

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