Il est bon de répéter deux ou trois fois les belles choses

Il est bon de répéter deux ou trois fois les belles choses
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C’est Platon qui l’a dit. Je pense que nombre de gens ont déjà vu « Edge of Tomorrow » (sous-titré « Aujourd'hui à Jamais »), ce film d’action, fantastique et agressif dans son travail d’image, issu du savoir-faire hollywoodien dans un rythme et l’alternance d’effets spéciaux. Avec un brin de douceur, un brin de vie réelle, un brin d’amour - qui, tel un brin d’herbe citadine, grandit pour percer l’asphalte grossier. Au départ, on ne s’étonne presque pas devant cette fresque d’un énième envahissement de la Terre par les hordes d'extraterrestres extrêmement organisés, les « mimics ».

Et là, quand l'humanité lutte de toutes ses forces contre l’ennemi habile et cruel, l’un d’eux, commandant Cage (interprété par Tom Cruise) devient un élu. Oui, il est d’abord tué lors d'une bataille, mais, pris dans un paradoxe temporel, il se réveille un jour avant la bataille. Ce cycle se reproduit sans cesse. Il se meurt inévitablement et d’une façon différente. Mais chaque fois qu'il meurt, il ressuscite en devenant toujours plus expérimenté. Curieux sujet, en plus, qui se déroule en Normandie, tel un clin d’œil au Débarquement des forces alliés il y a 70 ans.

Mais ce n’est pas seulement l’expérience et la force physique, ni la reproduction des mêmes gestes. Il s’agit de reproduire d’une manière de plus en plus censée de mêmes actions, petites et grandes, il s’agit de retrouver chaque jour en soi la force morale et les sentiments nobles, il s’agit de devenir meilleur… Tout en faisant la guerre, tout en faisant se tuer, tout en ayant un objectif surhumain.

Cela rappelle un autre film, plus romantique, presque plus à l’eau de rose : « Un jour sans fin » (ou « Le Jour de la marmotte ») Autre motivation pour le héros de Bill Murray – conquérir sa belle collègue - productrice, mais toujours le même chemin. Reproduire sans cesse les mêmes approches, en tirer les leçons, avancer sur ce chemin de la perfection. Passer par tous les stades du désespoir, de l’illusion. Passer par les suicides, le kidnapping. S’expérimenter dans les relations humaines l’hypocrisie, le jeu des dupes, l’isolement ou l’indifférence. Tous ces routes de détours à emprunter, juste pour trouver à travers cette répétition des mouvements d’âme, une seule et unique voie – la voie de l’amour et de la sincérité, de la générosité et du partage.

Et, juste une dernière citation cinématographique – « Illumination garantie » un film allemand réalisé par Doris Dörrie, sorti en 2000 et tourné en allemand. Deux frères partent au Japon et se retrouvent, par concours de circonstances, voués à une quête spirituelle où reigne le concept de tout laisser derrière. Une des exercices, mal acceptés par les frères au départ, concise à laver avec un chiffon blanc le sol du temple bouddhiste, déjà luisant et dépourvu de toute poussière. Au fil des jours, les frères entrent dans cette cadence des gestes presque mécaniques, ils y trouvent la liberté, et apaisant la révolte intérieure, retrouvent la voie de la liberté interne, la voie de l’un vers l’autre, ils y préparent – transformés - la voie du retour.

Et cette liberté et la perfection retrouvés dans les répétitions n’est pas seulement propre à l’esprit zen. C’est également la voie empruntée par tout artiste. Henri Matisse confiait à la journaliste américaine Clara MacChesney, en visite dans son atelier en juin 1912 : «Pour une étude préliminaire, j'utilise toujours une toile de même taille que celle destinée au tableau définitif, et je commence toujours par la couleur. Je ne retouche jamais une étude ; je prends une nouvelle toile de la même taille, comme il m'arrive de changer un peu la composition. Mais je m'efforce toujours de rendre le même sentiment tout en allant plus loin. Une toile devrait toujours, selon moi, être décorative. Quand je travaille, j'essaie de ne jamais penser, seulement de sentir.»

Mais pourquoi nous nous obstinons de reproduire seulement les guerres ? Seulement les conflits. Seulement les envasions.

A quand – le désir de devenir meilleur ?

N’est pas la voie la plus juste est celle d’Alfred de Musset :

Et je veux raconter et répéter sans cesse

Qu'après avoir juré de vivre sans maîtresse,

J'ai fait serment de vivre et de mourir d'amour.

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