Paris se rapproche de Moscou malgré la pression des USA (experts)

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Le président russe Vladimir Poutine et son homologue français François Hollande évoqueront jeudi la crise ukrainienne, et Paris pourrait profiter de cette occasion pour améliorer ses relations avec Moscou, estiment les experts interrogés par RIA Novosti.

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue français François Hollande évoqueront jeudi la crise ukrainienne, et Paris pourrait profiter de cette occasion pour améliorer ses relations avec Moscou, estiment les experts interrogés par RIA Novosti

Au regard des derniers communiqués de l'Élysée et du fait même de cette rencontre, François Hollande joue la carte internationale pour améliorer son image.

La France fait preuve d'une forte résistance à l'influence américaine aussi bien sur la question ukrainienne qu'au sujet des contrats pour la fourniture à la marine russe des porte-hélicoptères français Mistral, ajoutent les politologues.

Par téléphone, Vladimir Poutine a confirmé à François Hollande sa présence aux commémorations du 6 juin en Normandie, à l'occasion du 70ème anniversaire du Débarquement. Plusieurs dirigeants occidentaux assisteront à ces festivités. Le président russe s'entretiendra avec son homologue français à Paris le 5 juin.

L'avant-garde française vis-à-vis de l'Ukraine

Le sommet du G7 a démarré mercredi à Bruxelles et une attention particulière est accordée à l'Ukraine. Le Kremlin a déjà annoncé que la situation dans ce pays serait également au premier plan de l'entretien entre les présidents russe et français.

Selon Iouri Roubinski, directeur du Centre d'études françaises à l'Institut de l'Europe, cette rencontre en elle-même indique que les parties ont des choses à se proposer mutuellement.

"La position de François Hollande est convenue avec l'Union européenne, qui plus est avec le G7. Cependant, ces derniers temps, des fuites volontaires de l'Élysée laissent entendre que la position de la Russie vis-à-vis de l'Ukraine devait être prise en compte. Par conséquent, il faut chercher une issue en tenant compte des intérêts de la Russie", a-t-il déclaré.

"Cette rencontre n'aurait pas lieu si les positions des parties étaient incompatibles. S'il existe une entente pour échanger des points de vue, alors il y a des solutions à proposer", explique Iouri Roubinski

"Dans le cadre du dialogue avec Moscou, Paris se comporte traditionnellement comme un leader européen formulant la politique envers la Russie", a noté Dmitri Danilov, directeur du département de sécurité européenne à l'Institut de l'Europe.

"Hollande cherchera à mener la conversation de cette manière, rappelant notamment le conflit russo-géorgien de 2008, pendant lequel la France avait adopté une position active pour le règlement de la crise. Aujourd'hui, alors que sa popularité est au plus bas, Hollande ne peut pas se permettre d'être comparé à son prédécesseur Nicolas Sarkozy dans un contexte négatif. Il cherchera à jouer un rôle plus actif", déclare l'expert.

Lorsque la Russie avait repoussé l'agression géorgienne en Ossétie du Sud en 2008, Sarkozy était en faveur d'une coopération avec Moscou et s'opposait aux sanctions contre la Russie. De plus, il avait élaboré avec son homologue russe de l'époque les principes du règlement pacifique de la crise géorgienne (plan Medvedev-Sarkozy).

Dmitri Danilov souligne également que la situation en Ukraine pousse à réévaluer d'autres conflits dans l'espace postsoviétique: "On s'efforce de ne pas en parler, de ne pas réveiller le loup qui dort, mais la perception des conflits en Transnistrie et dans le Haut-Karabakh a déjà changé. D'ailleurs, la France est coprésidente du Groupe de Minsk (avec la Russie et les USA) pour le règlement du conflit du Haut-Karabakh".

Assouplissements et incertitudes

Évoquant l'ordre du jour international de l'entretien à venir, Tatiana Parkhalina, vice-présidente de l'Institut de l'information scientifique pour les sciences sociales, rappelle que le président russe a été invité à la cérémonie du 6 juin pour commémorer le Débarquement de Normandie.

"N'oublions pas que Hollande a invité Poutine. Il est l'hôte, Poutine est l'invité. Pour cette raison il n'adoptera pas un comportement ferme. Il est flagrant que les deux parties, l'Occident et la Russie, font des pas, certes très petits, l'un vers l'autre. Poutine a évoqué aujourd'hui le besoin de rétablir des relations normales avec l'Occident, dit qu'il s'entretenait tous les jours par téléphone avec les dirigeants des pays de l'espace euroatlantique. La rhétorique du passé ne peut pas resurgir", a déclaré l'experte.

Par ailleurs, Moscou et Paris doivent évoquer des questions en suspens, notamment les livraisons des porte-hélicoptères Mistral. Le contrat de 1,2 milliard d'euros pour la construction de deux porte-hélicoptères français au profit de la marine russe a été signé en juin 2011. Le premier navire devrait entrer en service dans la flotte russe en 2014 et le second en 2015. Les États-Unis se sont opposés à cette transaction dans le contexte de la détérioration des relations entre la Russie et l'Occident à cause de la crise ukrainienne, et ont même suggéré à l'Otan de racheter ces navires. Mais en dépit de la forte pression de Washington, la France a déclaré qu'elle était contrainte de respecter ce contrat et de prendre une décision définitive concernant la vente des Mistrals en automne.

"Les Français ont pour l'instant laissé cette question en suspens", rappelle Iouri Roubinski.

Selon ce dernier, c'est Hollande qui soulèvera cette question. "Poutine ne le fera pas parce qu'un contrat a été signé. Et c'est aux Français de décider s'ils l'honoreront", souligne Iouri Roubinski.

La décision de la France mettra en évidence le niveau d'influence de Washington sur Paris, pense Tatiana Parkhalina.

"Les Français ont conscience de la pénalité à payer dans ce cas – plus de 4 milliards d'euros.Et dans le cas présent il ne faut pas surestimer les capacités de Washington en termes de pression sur les alliés européens. Après tout, les Américains exigeaient des sanctions plus sévères mais les Européens ont une fois de plus fait preuve de pragmatisme. Je pense que les Français n'iront pas jusqu'à rompre les accords sur les Mistrals", estime l'experte

Les spécialistes estiment également que Poutine et Hollande se pencheront sur le problème syrien, notamment compte tenu de la récente élection présidentielle dans le pays. Les positions de Moscou et de Paris divergent fortement sur ce dossier. Les présidents russe et français évoqueront également le dossier nucléaire iranien, selon les experts.

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