Le Kirghizistan sur la voie de l'Union douanière

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Le Kirghizistan a fait ses premiers pas dans la direction de l'Union douanière (UD). Le gouvernement a approuvé une feuille de route et le parlement a tenu les premières auditions consacrées à l'adhésion.

Tout a été précédé d'une longue préparation : la signature de la feuille de route a été plusieurs fois reportée et a provoqué de vifs débats à Bichkek. Même maintenant, alors que le pouvoir fait montre de sa ferme volonté d'intégration eurasienne, les élites politiques kirghizes ne sont pas unanimes là-dessus.

Le Kirghizistan s'est engagé dans la voie de l'Union douanière il y a trois ans, les autorités s'étant alors déclarées disposées à se joindre à la « Troïka » composée de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan. De cette façon, le pays pourra développer son industrie et augmenter son attrait pour les investisseurs. A la fin de 2013, le Kirghizistan devait signer la feuille de route d'adhésion à l'Union douanière. Cependant, Bichkek a estimé qu'il fallait apporter des retouches au document pour y refléter les préférences visant à diminuer la pression sur l'économie kirghize. Le chef de section de l'Asie centrale et du Kazakhstan à l'Institut des pays de CEI Andreï Grozine note à ce propos :

« Bichkek a formulé trois suggestions majeures. D'abord, aider à reconvertir les marchés géants et les doter d'un régime spécial. En outre, Bichkek demandait à Moscou, à Astana et à Minsk de réfléchir à la possibilité de mettre en place un fonds destiné à diminuer les frais. Enfin, créer un régime spécial pour la migration liée au travail. Cependant ni Astana, ni Moscou ne sont intéressés à créer des zones économiques privilégiées au sein de l'Union douanière ».

La Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie sont disposés à aider, mais le Kirghizistan doit lui aussi assumer sa part de responsabilité. En décembre dernier, le président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev a rappelé au cours d'une réunion du Conseil économique supérieur eurasien que « l'intégration ne donnait à personne des confiseries gratuites ». Les participants y adhèrent bénévolement dans l'intérêt de leur Etat. Il a souligné que l'intégration eurasienne ne menaçait pas la souveraineté des ex-républiques soviétiques. Andreï Grozine est convaincu qu'au contraire, elle renforce la souveraineté nationale :

« Pour beaucoup, la perspective de participation à l'UD n'est pas une question de vie ou de mort de l'économie nationale, mais celle de savoir comment cela se passera si telle ou telle position est adoptée. Il y a un grand élément de risque relatif à la tentative de réorganiser l'économie. Plus de 20 ans de développement souverain au Kirghizistan ont conduit au marasme économique, bien que l'économie ne recule pas. Mais cette stagnation ne pourra être surmontée que dans le cadre de l'UD ».

Le Premier ministre Djoomart Otorbaev a déclaré que le choix était logique. Il s’agit soit d’adhérer à l'UD et édifier une économie ouverte, soit de commencer à construire des palissades sur les frontières. Le ministre de l'Economie Temir Sariev met en garde : si le Kirghizistan renonce à l'adhésion à l'UD, il causera du tort à son économie, il perdra des carburants et lubrifiants exonérés en provenance de Russie, il diminuera les réexportations des articles chinois et perdra des marchés d'écoulement. Cependant, Grigori Mikhaîlov, de l'Institut des pays de la CEI au Kirghizistan, rappelle que Bichkek a également des « partenaires occidentaux » et un réseau d'organisations non gouvernementales financées par Washington qui mettent de l'huile sur le feu des débats politiques.

« Une partie de la population gagnant sa vie en réexportant des produits chinois ou en se livrant à des activités de contrebande, ainsi qu'une partie des gens coopérant avec les organisations financées par les Etats-Unis ne sont pas intéressées à l'adhésion à l'Union douanière. Ces gens lancent des campagnes de propagande auprès de la population en vue de discréditer l'UD. Des ONG pro-occidentales sont apparues au Kirghizistan depuis longtemps, mais actuellement il y a un regain d'activité, les finances à ces fins sont accordées régulièrement et en grandes quantités ».

Heureusement et comme toujours quand les contradictions politiques s'aggravent, les milieux d'affaires kirghiz sont intervenus dans la situation. Les voix des partisans de l'intégration eurasienne convaincus que le pays ne pourra pas surmonter la stagnation économique sans contacts avec ses partenaires historiques se renforcent. N

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