Catherine Lovey : J’ai besoin de la Russie, cette source d’inspiration

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Catherine Lovey : J’ai besoin de la Russie, cette source d’inspiration - Sputnik Afrique
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La Russie et la Suisse, deux pays complètement différents qui ont un grand intérêt l’un pour l’autre – voilà le thème majeur de l’année culturelle croisée Russie-Suisse proclamée à l’occasion du bicentenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays.

Le thème est également abordé par l’écrivaine suisse Catherine Lovey, fascinée elle-même par notre pays aussi bien au niveau personnel qu’au niveau artistique. Son livre « Un roman russe et drôle », disponible depuis peu dans les librairies de Russie, propose une vision sur les deux pays. Il s’agit entre-autre d’une des personnalités russes les plus controversées, Mikhaïl Khodorkovsky. Nous avons posé plusieurs questions à Catherine Lovey.

LVdlR. Vous avez choisi comme thème la Russie, d’où viens cet intérêt pour notre pays?

Catherine Lovey. C’est un intérêt de longue date, je suis allée pour la première fois en Russie quand c’était encore l’époque soviétique, j’avais 20 ans, c’était mon premier voyage en Russie, et j’en ai eu une forte impression. J’y suis allée parce que j’avais beaucoup lu des auteurs russes lorsque j’étais jeune, adolescente et puis comme j’étudiais les relations internationales, et qu’on était encore à l’époque où l’Europe était encore séparée par le mur de Berlin et par les systèmes politiques, et que je travaillais sur ces questions. J’étais très curieuse vis-à-vis de la Russie.

LVdlR. Votre roman nous transporte vers les paysages d’une Russie singulière, au portrait relativement dénué de stéréotypes et de clichés. Pourriez-vous faire partager à nos auditeurs les impressions que vous avez vous-même ressenties ?

Catherine Lovey. Je ne peux pas les résumer en quelques phrases, il faut lire le livre. Il est clair qu’une démarche littéraire, telle que la mienne, est une appropriation personnelle d’un univers. Donc l’univers de la Russie, non seulement géographique, météorologique, culturelle et aussi évidemment de la vie de tout les jours, et je pense que les gens pourront y retrouver beaucoup d’échos pour ceux qui vont en Russie. J’imagine que les russes eux-mêmes verront un regard un peu extérieur sur eux. D’autre part, dans mon livre j’ai des personnages qui sont à la fois des personnages de fiction qui sont Russes qui essayent de donner leur réalité, la réalité de la Russie contemporaine et j’ai des personnages qui viennent de l’Europe de l’Ouest et qui donnent la leur. C’est à quoi j’ai veillé essentiellement, c’est de ne jamais juger, simplement donner à voir et à sentir.

LVdlR. La patrie est une notion centrale du roman. On a déjà un peu parlé de la Russie. Mais qu’en est-il pour la Suisse, que représente-t-elle pour vous ?

Catherine Lovey. Je ne dirais pas que la patrie est une donnée centrale de mon roman, je pense que j’aborde évidement ce thème par le biais de ce qu’en disent les personnages. C’est par petites touches, tout à fait disséminées que je donne, enfin je l’espère, à sentir la différence de l’attitude vis-à-vis du mot « partie » entre les citoyens d’Europe Occidentale ou Suisse et les citoyens Russes. Pour parler de la vision Suisse, comme nous somme un pays avec 4 langues et 4 cultures différentes, nous avons l’habitude d’affronter nos points de vue, de nous confronter à des avis très différents, c’est pour ça que notre démocratie qui est très vieille est aussi très vivante contrairement à ce qui se passe en Russie.

LVdlR. Quels sont, selon vous, les différences, puis les points communs entre la Russie et la Suisse?

Catherine Lovey. C’est difficile de dire les points communs, je vois surtout les différences, en termes d’abord de taille de pays, comme j’ai l’habitude de le dire. La dimension russe est quelque chose qui nous écrase, et peut-être ça écrase également les Russes. Et aussi sur le plan de l’histoire, nous avons de très grandes différences. En Suisse on a une histoire si tranquille que personne ne se souvient du nom des batailles, ce qui n’est pas le cas en Russie. Moi je pense surtout qu’il y a une fascination réciproque. Je dirai qu’il n’y a pas tellement de points communs, si ce n’est peut-être un intérêt très grand des uns pour les autres.

LVdlR. Votre livre est intitulé « Un roman russe et drôle», on a bien compris pourquoi il est russe, mais pourquoi est-il drôle ?

Catherine Lovey. En français, vous savez sans doute que le mot « drôle » ne fait pas référence uniquement au rire joyeux. Il fait référence à ce concept mais il fait aussi référence à un rire qui est beaucoup plus « étrange », à une situation que l’on appréhende avec difficulté, que l’on ne comprend pas. J’ai choisi évidement cet adjectif-là à cause de ces nuances. Pour en revenir à la question du rire, je dirai que dans ce livre, ce que j’ai essayé de faire sur le plan purement littéraire, c’est une orchestration des différents rires et des différents niveaux de rires. Il y a évidement le rire très joyeux, très spontané, il y a aussi le rire ironique, il y a le rire très mélancolique et il y a les larmes qui coulent parce qu’il y a une très grande tristesse.

LVdlR. L’héroïne principale du roman veut écrire un roman sur l’oligarque Mikhaïl Khodorkovsky. Pourquoi avez-vous choisi cette figure ?

Catherine Lovey. J’ai travaillé sur ce livre depuis 2007, jusqu’à la fin 2009 et j’y ai songé à partir de 2005 lorsque l’oligarque déchu Mikhaïl Khodorkovsky a été condamné à la Sibérie. Et moi je l’ai tout de suite regardé comme un destin, et non pas comme un personnage biographique, ce qui ne m’intéressait pas. Et je me suis dit, « voilà un destin qui est tellement original, tellement particulier, il n’y en a pas beaucoup comme celui-là ». C'est-à-dire que l’on avait un homme qui a profité vraiment de toutes les opportunités de notre époque pour s’enrichir au-delà de toute mesure. Et voilà que tout à coup ce personnage est condamné à aller dans un camp en Sibérie qui ne ressemble plus du tout à notre époque. Et je me suis dit que c’est un destin qui restera dans l’histoire, j’en étais convaincue d’emblée, et j’ai décidé de le mettre dans un texte littéraire.

LVdlR. Dans votre livre vous évoquez « Un héros de notre temps » de Lermontov. Khodorkovsky, est-ce un personnage lermontovien ?

Catherine Lovey. Je pense que oui, dans le sens où il n’est pas admirable, où il suscite une méfiance. A fois on est fasciné par les gens très riches, par les gens qui réussissent, et à la fois on les méprise beaucoup. Cet homme-là contrairement à tous les autres de son espèce allait en prison. Et non seulement il allait en prison, mais à travers la prison il a trouvé une sorte de rédemption. Et le mot rédemption est complètement ridicule à notre époque. Donc c’est voie complètement originale qu’on n’arrive pas à appréhender.

LVdlR. Quels sont vos projets futurs ?

Catherine Lovey. J’ai écrit une trilogie théâtrale, j’espère que peu à peu elle va bientôt être lue sur une scène d’un théâtre à Genève. Et là je travaille à un tout autre roman qui ne parle pas de la Russie. Mais j’ai moi-même besoin de la Russie, j’y vais régulièrement. C’est un pays, même si je n’en parle pas dans les textes que j’écris maintenant, c’est un pays vraiment nécessaire pour me stimuler à l’écriture.»

 

Vous avez écouté l’interview de l’écrivaine suisse Catherine Lovey.

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