Et le tour est joué, les jeunes se montent la tête eux mêmes et organisent leur voyage tout seuls pour arriver à la frontière syrienne. Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité des services de renseignements extérieurs français, nous a expliqué comment ce flux est contrôlé en France et que la détermination de ces jeunes djihadistes français n’est pas du tout appréciée en Syrie :
Il y a beaucoup de jeunes Français qui partent faire le Djihad en Syrie, qui sont endoctrinés sur Internet. Quelles mesures sont prises en France pour lutter contre ce genre d’actes ?
Jusqu’à maintenant il n’y a pas beaucoup de mesures qui ont été prises de façon pratique. Mais d’abord il ne faut pas exagérer le phénomène, on a en France entre 5 et 6 millions de Musulmans soit de nationalité française, soit résidants réguliers ou irréguliers et là dessus on estime qu’environ 500 à 600 jeunes depuis 2011 se sont rendus en Syrie, certains y sont morts, d’autres en sont revenus. Ca fait tout de même une quantité très minime par rapport à notre communauté musulmane. Ensuite c’est extrêmement difficile dans un pays comme le notre de contrôler les allées et venues des citoyens. On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque personne. Les moyens mis en œuvre pour essayer de s’y opposer c’est la surveillance des sites djihadistes sur lesquels ces jeunes s’endoctrinent tout seuls, il s’agit souvent d’auto-radicalisation, parce qu’il n’y a pas vraiment de circuit de recrutement pour la Syrie. Ce sont des jeunes qui s’auto-radicalisent et se rendent en Syrie souvent par leurs propres moyens et c’est extrêmement facile de se rendre en Turquie de France et ensuite d’İstanbul ou d’Ankara de se rendre à la frontière syrienne.
Vous avez dit qu’il ne faut pas exagérer sur le fait que les Français partent, mais même le Premier Ministre Manuel Valls a dit que c’est un fait assez grave et qu’il y a en ce moment à peu près 250 jeunes Français qui sont en train de combattre en Syrie.
J’ai dit qu’il ne fallait pas en exagérer le nombre. La gravité existe et elle existe d’autant plus que sur l’ensemble de ces Français qui se sont rendus en Syrie, beaucoup en reviendront et ils reviendront avec une formation, des idées très radicales et une volonté de nuire et c’est dans ce sens que pour les Français, ça pose un problème. Le premier ministre auparavant ministre de l’intérieur a bien identifié la dangerosité de la chose et essaye d’envisager toutes les possibilités qui existent dans un pays comme le notre où un certain nombre de libertés publiques sont respectées, d’empêcher les jeunes d’y aller et de les mieux les contrôler éventuellement à leur retour.
Comment ça se passe à leur retour, parce qu’il y en a déjà qui sont retournés en France ?
Ils sont sous surveillance des services de renseignement intérieur, qui essayent de voir ce qu’ils font et les gardent à l’œil en permanence.
Vous étiez souvent en Syrie, est-ce que vous savez comment ça se passe sur place, quand ces jeunes arrivent, comment ils sont accueillis, formés etc.
Les jeunes Français qui se rendent en Syrie sont pris en charge à la frontière par un des nombreux groupes djihadistes qui existe là. Des organisations djihadistes, salafistes extrêmement proches du courant wahhabite et de frères musulmans. Ils sont pris en charge par ces gens là, mais les jeunes Français ou les immigrés de France qui sont en générale d’origine maghrébine, sont assez méprisés sur place, assez mal vus. On les cantonne en générale dans des taches d’exécution en cuisine ou au ménage, ou éventuellement on les envoie se faire exploser et jouer les kamikazes, mais ils n’approchent pas les cercles de décision et de commandement des groupes qui sont à l’œuvre sur place.
Vous qui connaissez les services français, est-ce qu’ils collaborent avec les représentants de la communauté musulmane en France pour essayer de pallier à ce lavage de cerveau qui est fait par Internet à ces jeunes ?
Le service de renseignement en France, la DCRI a une bonne connexion avec l’ensemble de l’organisation de la communauté musulmane dans ce pays et un bon maillage de la communauté. Le problème de ces jeunes c’est qu’ils ne sont pas eux mêmes en dialogue avec les autorités religieuses musulmanes de notre pays, ils s’auto-radicalisent tout seuls dans leur coin et n’ont aucun contact avec les autorités religieuses musulmanes en France, ils ont d’ailleurs bien souvent une connaissance bien sommaire, voir fausse de l’Islam. Donc ce n’est pas par ce biais que l’on peut valablement les surveiller et les contrôler.