On en vient ainsi à inverser totalement la réalité. En effet, qu’est-ce qu’une démocratie ? Economiquement, elle est liée à l’économie de marché. Politiquement, elle est liée à l’existence d’une constitution et d’un Etat de droit. Humainement, elle est liée à la nation et au corps électoral. Et sa raison d’être, ce que le philosophe Aristote appelait sa « cause finale », est l’accord entre le peuple et les gouvernants sur une ligne politique et historique déterminée.
Sur le plan économique, l’économie de marché règne aujourd’hui dans tous les pays développés. Ce n’est pas un critère pertinent, encore qu’un pays écrasé d’impôts est sans doute moins démocratique qu’un pays qui laisse ses citoyens décider de leurs dépenses. De ce point de vue, la France est certainement moins démocratique que la Russie ; le poids des prélèvements obligatoires est bien plus élevé en France avec 51,8% du PIB, contre 21,2% pour la Russie et 22% pour les Etats Unis (source : statistiques mondiales, 2011).
Sur le plan formel (cause formelle d’Aristote), la démocratie est liée au droit. La constitution russe est proche de la constitution française avec la même liste, peu ou prou, de libertés fondamentales. Rien ne distingue au niveau du droit formel les différents pays développés. La démocratie, si elle doit se fonder sur le droit, ne doit pas pour autant être identifiée à un pouvoir faible. En effet, le gouvernement de Clémenceau n’était pas faible (il a même fait tirer sur des agriculteurs en colère dans le midi, ce qui est horrible) et il est toutefois absurde d’en tirer la conclusion que la IIIème République n’était pas une démocratie !
Sur le plan humain, il est intéressant de voir la fréquence des consultations référendaires ou électorales dans les différents pays. Le record de démocratie au regard de ce critère est alors atteint par la Suisse et de très loin. Il y a peu de différence à cet égard entre la France et la Russie.
Sur le plan de la cause finale, à savoir si la politique suivie par le gouvernement est celle souhaitée par le peuple, il apparait que la Russie arrive indiscutablement en tête. Dans ce pays, il n’y a pas de rupture d’opinion entre le peuple et le sommet de l’Etat. En Europe occidentale, cette rupture existe y compris en Suisse. Mais dans ce dernier pays, le recours au référendum fait que la politique réellement suivie est celle voulue par le peuple. Par des moyens différents, Russie et Suisse sont les pays les plus démocratiques en ce que la volonté du peuple est réellement respectée.
En France, ce n’est pas du tout le cas : le chef de l’Etat ne peut être remis en cause juridiquement mais sa popularité est de 18% (à comparer avec 85% pour Poutine en Russie). Dans l’ensemble, les pays occidentaux sont des oligarchies ou la classe politico médiatique associée aux technocrates et aux syndicalistes impose au peuple des décisions impopulaires : le niveau des impôts, le niveau d’insécurité, le niveau d’immigration sont par exemple sans rapport avec les souhaits de la population.
Aux Etats-Unis, il existe une certaine démocratie locale, surtout dans l’Ouest, où la démocratie directe à la Suisse est pratiquée mais au niveau fédéral, les choix de l’oligarchie au pouvoir sont bien différents de ce que souhaite réellement le peuple.
En 2013, 72% des Américains s’opposent à des interventions armées américaines dans le monde (le Monde des Idées, 26/09/2013), contre 15% seulement qui y sont favorables. Le président Eisenhower qui craignait que son pays soit dominé par un « complexe militaro industriel » imposant des guerres à un peuple pacifique, voit ses prévisions tout à fait fondées.
Si les mots ont encore un sens, la Russie est aujourd’hui bien plus démocratique au sens vrai du terme que l’Europe occidentale, Suisse exceptée. La France fait mauvaise figure. La population fait confiance à la classe politique pour 30% seulement (80% en Suisse ou en Russie). Il serait préférable qu’elle réforme ses institutions, notamment en introduisant une dose de démocratie directe, plutôt que de donner des leçons mal venues au monde entier ! N