Jean-Pierre Thomas n’y croit pas une seule minute. Ce financier de très haut vol, un habitué de l’Elysée et du Kremlin, ancien associé gérant de la filiale de gestion de la Banque Lazard a été, en 2011, chargé officiellement de mission auprès du Président de la République pour le développement des relations économiques entre la France et la Russie. Ce capitaine d’industrie financière de la France croit qu’il s’agit d’une politique de liquidation d’un partenaire commercial de l’Europe. Selon M.Thomas, la zone de libre-échange entre l’Europe et la Russie pourrait évincer les géants chinois et américain. D’où l’attitude des States qui font tout pour embraser le Vieux Continent.
La Voix de la Russie. L’Europe a-t-elle raison d’appliquer des sanctions à la Russie ou elle est en train de léser ses propres intérêts ?
Jean-Pierre Thomas. « Je pense très sincèrement qu’il faut séparer la diplomatie et l’économie ! Il y a d’un côté la logique diplomatique qui nous appelle aujourd’hui à parler avec nos amis russes… et de créer ensemble une nouvelle Europe qui ne doit pas être à la remorque des Etats-Unis… Une Europe ensemble avec la Russie pour trouver une solution politique pour faire une Ukraine fédérale ! Ca c’est un thème et la Russie avec le président Poutine en représentent la clé. On aurait d’ailleurs dû dès le début accepter la position de Vladimir Poutine lorsqu’on a été discuter à Bruxelles le 28 décembre dernier lorsqu’il proposait une réunion sur les conséquences économiques à l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à un accord économique avec l’Europe ! C’était là la solution ! Le sujet des sanctions économiques en tout cas pour la France et pour l’Europe serait une grave erreur. D’abord la Russie est un partenaire historique et pas que sur le plan culturel, amical et politique mais aussi sur le plan économique !
Aujourd’hui on voit bien que les entreprises françaises sont très engagées en Russie. La France est quand même le quatrième partenaire commercial avec la Russie derrière l’Allemagne plus engagée que nous, l’Italie, les Pays Bas ; la France est aussi le deuxième investisseur en Russie.
Je parlais il n’y a pas très longtemps avec des amis-banquiers… Regardez ! la Société Générale est maintenant au niveau de 99,4% de propriété de RosBanque. Imaginez pour une banque comme ça l’investissement, le temps passé, les dépenses en hommes et en moyens ! Tout cela pourrait être ruiné dans un climat économique dégradé d’éventuelles sanctions.
Regardez l’exemple de Renault – Avtovaz ! Renault doit prendre d’ailleurs la majorité cette année. Pour Renault ça attire du marché russe. C’est presque le seul centre de profit de Renault ! Et on connaît l’état de l’industrie automobile en France. Et je ne parle pas de Total où la Russie nous a quand même ouvert le champ gazier de Yamal. Nous sommes, à ma connaissance, à peu près à l’égalité avec la Chine. Je trouver ais dommageable pour ne pas dire criminel de reculer sur un terrain aussi important.
S’il y a des sanctions économiques, elles seront appliquées à des branches stratégiques de l’économie : les matières premières et la défense ! Sur la défense, je pense notamment que cette idée est totalement saugrenue et grotesque. La France pourrait éventuellement ne pas respecter sa signature et ses engagements sur la livraison des Mistrals. En tant qu’homme d’affaires, j’ai eu la responsabilité de la coopération économique entre les deux pays… je considère que ce serait une très grave erreur. On ne peut pas faire ça ! Sinon ça va avoir un effet néfaste sur notre marché que la France pourrait supporter aujourd’hui avec l’Inde, la Chine, le Brésil ; Et puis si on ne respecte pas notre signature comme des brutes, on voit bien l’effet que cela peut avoir sur les autres ».
LVdlR. Mais la France que gagnerait-elle à faire se scinder la Russie et l’Ukraine, l’Ukraine peut-elle vraiment gagner l’UE à titre indépendant, Est-ce que ça va profiter à la France ?
Jean-Pierre Thomas. « J’ai fait un peu de la politique quand j’étais plus jeune, mais la technocratie de Bruxelles est en corrélation avec les élections européennes : on va bien voir à travers les pays quels sont les résultats ; dans beaucoup de pays la majorité de la population étant pourtant parfaitement pro-européenne pense que cela ne fonctionne pas pour le mieux ! Donc on verra comment on sort des élections européennes. En fonction de ça je pense en donnant mon avis personnel, que l’idée d’une coopération avec l’Ukraine (bien qu’il faille coopérer entre l’UE et l’Ukraine ; cela est certain !) ne doit pas se faire au détriment de la Russie, car les principaux flux dans les affaires – le business ! – sont en fait entre l’Ukraine et la Russie. Le fournisseur de matières premières pour l’Ukraine est la Russie. Imaginez maintenant le prix des produits européens en Ukraine. Ce n’est tout simplement pas possible ! Imaginez que l’industrie européenne puisse exporter un certain nombre de produits. Il y a une partie de l’industrie ukrainienne qui va mourir, incapable de résister ! Leur économie est très différente et aujourd’hui il est très difficile. Ce cas n’est pas à comparer avec la Russie. Même si en Russie le niveau de salaire par rapport à l’UE est d’un niveau de 1 à 3 (et encore ! puisque la Russie s’est beaucoup modernisée et l’Ukraine pas du tout !), elle peut tenir le coup. Quant aux moyens financiers de l’adhésion, Vladimir Poutine avec l’ancien président de l’Ukraine mettait 13 milliards d’euros sur la table, ce qui reflète l’ordre des grandeurs. Alors quand j’entends dire 1 milliard 400 millions et le tour est joué, c’est très bien ! Mais cela ne reflète aucunement la dimension requise. L’aide publique de l’Ukraine est supérieure à 66 milliards ! Toute seule l’Europe n’a pas les moyens de remettre l’Ukraine à flot. Cela pourrait se faire en coopération avec la Russie. Pour le contexte ukrainien, à mon avis, le débat doit être fédéral avec des rapports apaisés et un contexte de confiance apaisée avec la Russie où toutes les populations se sentent à l’aise.
Il faut faire une zone de libre-échange aux dimensions du continent européen entre l’UE et la Russie. Et bien entendu, l’Ukraine sera introduite dans les débats tout comme la Biélorussie et les autres. Et ce sera la juste solution ! Et ça ne plaît pas à tout le monde parce qu’évidemment cela devient un grand concurrent mondial ! C’est une économie qui pourrait discuter d’égal à égal avec les économies chinoise et américaine. Imaginez : d’un côté les matières premières, l’espace, une éducation très forte, une économie qui n’a pas de déficit, pas de dettes… Bref, la Russie qui représente beaucoup de choses.. ! Il y a des gens avec le savoir-faire… Et de l’autre côté l’Europe qui a des dettes, pas de cash, beaucoup de technologies et un énorme savoir-faire ! Un grand niveau de formation qui doit être exporté ! Donc la synergie des deux vous donne une économie qui sera leader dans le monde ! »
Commentaire de l’Auteur. L’avenir du monde se joue aux alentours de l’Oural ! Cette phrase du fondateur de la géostratégie convient parfaitement pour décrire la situation. La France a besoin d’une Russie économiquement forte pour étendre sa propre aura financière, économique et industrielle et rayonner au grand dam des manipulateurs et usuriers américains. La Russie représente le patrimoine économique légitime de l’Europe. Autant la développer et non pas guerroyer contre ! T