C’est le jour qui est commémoré cette année de la façon très différente en Ukraine. En fixant au 8 mai au lieu de 9 les festivités du Jour de la Victoire les pouvoirs de Kiev ont fait, imaginent-ils, un autre pas vers l’Europe.
Les rubans de Saint Georges et les œillets rouges, traditionnels dans cette journée, ont été bannis au profit des pivots rouges incarnant la mémoire des victimes de la guerre en Europe. Un défilé militaire et celui des vétérans de guerre, tout aussi traditionnels, ont été annulés tout comme des célébrations place de l’Indépendance et rue Krechtchatyk, la principale rue de la capitale ukrainienne.
La rue et la place restent en partie occupées par les barricades en blocs de béton et par les tentes où se trouvent toujours des combattants devenus occupants de longue date du Maïdan. « Ce sont bien eux qui sont capables de tout. Les autorités ont tout simplement peur d'y toucher », explique un porte-parole de la mairie de Kiev cité par l’AFP.
Selon l’idée du ministre ukrainien de la Culture Evguény Nyshchuk, qui a reçu le feu vert du secrétaire du Conseil de la sécurité nationale Andriy Parubiy, ex-commandant dans l'Euromaïdan, la partie officielle des festivités à l’occasion du Jour de la Victoire à l’ukrainienne se déroulera près du Musée national de la Grande Guerre patriotique où défileront les véhicules militaires de l’époque.
C’est dans la région de Donetsk, de Lougansk et dans les autres régions du sud-est du pays que le Jour de la Victoire sera célébré le 9 mai, comme il l’a été tous les ans au cours des dernières décennies. Dans cette partie de l’Ukraine les groupes d’autodéfense affrontent l’armée et les commandos du Secteur droit. Quant au reste du pays, le 9 mai sera le jour de deuil en hommage aux victimes de l’occupation soviétique conformément au souhait de Nyshchuk et Parubiy. Le ministre de la Culture et le secrétaire du Conseil de sécurité nationale semblent vouloir imiter deux régions ouest du pays, celle de Lviv et celle d'Ivano-Frankivsk, qui ont interdit en 2013 toutes les festivités à l’occasion du Jour de la Victoire, ce jour sacré pour des millions de personnes. Et en 2011 c’est à Lviv que les nationalistes ont attaqué le 9 mai les vieilles personnes et les femmes, ont brûlé les drapeaux rouges et ont empêché les gens de déposer les fleurs au pied des monuments de la guerre. Qui a alors pu distinguer dans cet hallali des germes de ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine ?
Pendant 68 ans ce pays a célébré le Jour de la Victoire, en était fier, en a pleuré et il n’y avait pas d’exploit plus grand que cette victoire qui a coûté un million et demi de vies humaines au peuple ukrainien. En 2014 cet exploit est qualifié d’infamie et un million et demi sont déclarés d’idiots qui auraient dû combattre avec les fascistes contre les Russes et faire brûler les Juifs et les communistes dans les fours. Ne serait-ce là une preuve de la fascisation du pays et de la montée de la russophobie ? « Que pensez-vous de la montée des tendances d’extrême-droite en Ukraine d’aujourd’hui ? », a demandé notre observateur Igor Yazon à Luc Michel, géopolitologue belge, administrateur général d’une ONG « Observation eurasienne pour la démocratie et les élections » (OEDE).