D’un côté, les émissaires de la partie atlantiste ont tout fait pour redorer le blason des milices putschistes de Kiev jusqu’à nier la forte présence de mouvances néo-nazies aussi bien place Maïdan que bien au-delà de celle-ci. D’un autre côté, en tout cas sur le plan formel, toutes les conditions avancées par la partie russe ont été exaucées. Or, si elles avaient été respectées – une issue qui semble relever de la science-fiction – l’Ukraine de l’Est aurait d’emblée connu des jours bien meilleurs. Mais justement, comment croire aux plus grands spécialistes des guerres subversives dont les intérêts géopolitiques, clairement définis par Zbigniew Brzezinski, ne diffèrent en rien du plan Rosenberg d’avant 1940.
Et en effet, les évènements qui se sont produits dans la nuit du 19 au 20 avril, c’est-à-dire la nuit de Pâques, montrèrent bien que les engagements US ne valaient pas un sou. Un commando armé ultérieurement identifié comme étant celui de l’organisation néo-nazie Praviy Sector a mitraillé un groupe d’opposants pro-russes armés de bâtons. Quatre personnes au total ont été exécutées. Le bilan aurait pu s’alourdir si la milice d’autodéfense du Donbass n’avait pas riposté en abattant deux agresseurs armés jusqu’aux dents. Qu’aurait-on dit s’il s’agissait de forces russes dont on a tendance à voir l’ombre omnisciente et surtout omnipotente un peu partout sans pourtant arriver à mettre la main ne serait-ce que sur un seul militaire russe ?
Comme la politique du Kremlin privilégie la diplomatie à la place des sanctions, des ripostes franches et nettes à la place des guerres subversives, les provocations se multiplient. Je vous renvoie à la fort intéressante analyse d’Alain Benajam, directeur du Réseau Voltaire, intitulée « La drôle d’aventure ukrainienne des USA ». Il y fait état, photos révélatrices à l’appui, de la mise en scène aux prémisses tragiques et au dénouement comique qui a eu lieu à l’aérodrome de Kramatorsk. L’opération dite anti-terroriste lancée par le Président ukrainien par intérim, Tourtchinov, sous-entendait la participation de séparatistes pro-russes parfaitement équipés et armés de fusils d’assaut AK 100 « dont seule l’armée russe serait en possession ». Or, la réalité du terrain fut bien autre : enfourchant un engin dont la vétusté paradoxale renverrait selon l’auteur aux années 50, le général Vassili Kroutov, nommé deux jours avant les faits directeur adjoint des services spéciaux ukrainiens, devint témoin de l’exécution de quatre gardiens (tous des habitants de Slaviansk) des huit défendant Kramatorsk. Le char du Hollandais rampant n’a pas poussé son opération anti-terroriste à plus loin. Il fut encerclé par un groupe composé d’ados et de femmes et guidé par une babouchka réprimandant haut et fort les agresseurs. Pour parfaire cette scène à la limite ridicule, une certaine partie de la foule secoua Kroutov et ses pantins avant que ceux-ci ne disparaissent d’eux-mêmes. En dehors du fait que selon les médias occidentaux la babouchka devrait sûrement être un soldat russe déguisé, on se demandera bien entendu qui est à l’origine de ces tirs. Bien que cela ne soit pas officiel, il y avait là encore des protagonistes à l’arrière-plan qui se sont manifestés en même temps que M. Kroutov. Personnellement, ça me rappelle la tactique déployée en février par les putschistes place Maïdan, une tactique par ailleurs utilisée lors des manifs vénézuélienne et qui est à replacer dans le contexte de l’instrumentalisation des mouvances radicales ainsi que des opérations sous fausses bannières.
Sauf qu’une nuance beaucoup plus intéressante transparait dans le cas de Kramatorsk : le scénario n’est plus inculpable à tel ou tel régime que l’on veut dénigrer, Ianoukovitch ayant quitté l’Ukraine. Il s’agit en fait, exactement comme cela se fait dans les parties d’échec, d’acculer l’adversaire au mur. En l’occurrence, il fallait provoquer un bain de sang qui aurait poussé le Kremlin à dépêcher ses troupes dans l’Est du pays. Cette éventualité est d’autant plus prévisible que beaucoup de Russes s’expliquent mal la stratégie de Poutine qu’ils jugent excessivement attentiste dans la situation présente. Or, si le Président russe donne feu vert à l’introduction de ses troupes, l’OTAN introduira immédiatement les siennes ce qui correspond à la demande de Mme Timoshenko et de ses sbires. Les mercenaires de Blackwater élargiront leur marge de manœuvre, un facteur qui sur fond de conflit exacerbera le chaos tant voulu par la CIA.
On s’aperçoit donc que l’arsenal diplomatique US ne se limite plus qu’à un système rigide de sanctions assez peu cohérentes et de provocations sanglantes. Vous me direz que ce n’est pas nouveau. En effet, ça ne l’est malheureusement pas. En revanche, ce qui est nouveau c’est le fait que les USA ne cherchent même plus à voiler leur stratégie. On voulait nous faire croire dans les années 90 que Milosevic martyrisait les musulmans du Kosovo. Fort bien ! Beaucoup y crurent sur le champ. Mais il a fallu des années pour concevoir que la soi-disant UCK (Armée de libération du Kosovo), une organisation terroriste par excellence, se trouvait pendant toute la période du conflit sous la coupe des services secrets allemands qui assurèrent la formation de ses membres, puis sous la coupe de la CIA qui fit office et de moniteur et, pour ainsi dire, de bouclier diplomatique. Pour vous faire une idée de ce qu’est l’UCK, je vous recommande une petite recherche sur la « maison jaune » qui vous renverra à la sinistre histoire d’un trafic d’organes toujours nié par M. Kouchner ce qui pourtant ne change rien à sa réalité.
Une fois n’est certes pas coutume, mais comment ne pas parler d’une tradition si l’on sait que les putschistes armés du Maïdan ont été formés au terrorisme sur une base de l’OTAN en Estonie en 2006 et qu’ils ont été remarqué en 2008 lors de l’agression de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud ?
Comment ne pas parler d’une tradition si l’on sait que 86 membres du Praviy Sector ont été formés en Pologne, plus exactement au centre de formation de la police de Legionowo qui se trouve près de Varsovie ?
La percée du nazisme se fait donc à l’heure actuelle par le biais de son instrumentalisation. Si celle-ci était masquée avant que l’Ukraine ne s’enlise, elle est maintenant à tel point patente que l’on se demande si l’OTAN a encore besoin de prétextes pour attaquer si cela répond à ses intérêts. Deux questions se posent alors :
- Est-ce que la Russie arrivera à déjouer les embûches que lui tend la CIA dans l’Est de l’Ukraine ?
- Est-ce que la décrédibilisation des tactiques otaniennes conduira à la dissolution (à terme) de l’OTAN ou, bien au contraire, le bras armé des USA passera directement à l’attaque sans faire d’efforts pour présenter des argumentaires qui ne tiennent plus debout ? Mais il faudra alors supposer que le droit international perdra de son sens et que le monde basculera dans la III Guerre Mondiale.