Johann Gudenus, chef de file des élus nationalistes du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) au Parlement du Land de Vienne, décrit pour le quotidien russe Izvestia comment les médias occidentaux présentent les événements en Ukraine aux Européens.
— Pour l'UE, le mouvement du Maïdan était une manifestation de "démocratie" et exprimait la "volonté populaire des Ukrainiens".
— En effet pour l’UE, les manifestants prêts à recourir à la force sur le Maïdan étaient considérés comme des activistes qui exigeaient le renversement du président élu Viktor Ianoukovitch car ils étaient préoccupés par la situation dans le pays. La position actuelle de l'Occident, qui traite de "terroristes" les manifestants du sud-est de l'Ukraine, n'est rien d'autre qu'une politique de doubles-standards — bien que les politiciens européens ne reconnaissent pas ces accusations de la part de Moscou. On remarque que la volonté populaire n’est discutée en Europe que quand la population se prononce pour l'UE à l'unanimité.
— Moscou affirme que la presse occidentale diabolise injustement la Russie et fait de la propagande antirusse. Est-ce le cas?
— Malheureusement, la couverture des événements en Ukraine par les médias occidentaux est très unilatérale. Je reconnais que les Russes sont diabolisés. Des éléments historiques, comme le fait que depuis des décennies un grand nombre de Russes vivent en Ukraine ou encore la proximité de Moscou et de Kiev, ne sont même pas mentionnés. Les discours des politiciens occidentaux rappellent une rhétorique d’avant-guerre. Les médias européens ont lancé une propagande purement américaine. Ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler une position impartiale.
— En particulier, La Russie est accusée d'avoir annexé la Crimée et de revenir à la politique agressive de l'Union soviétique…
— L'Europe cherche à faire passer la Russie et la politique de Vladimir Poutine pour le mal absolu qui, tout en misant sur la paix dans le monde entier, cherche à satisfaire ses propres ambitions d'expansion et à occuper les territoires ukrainiens par la force armée. On cite toujours en exemple le référendum de Crimée, qui se serait déroulé sous la pression des militaires russes. Mais j'étais observateur à ce référendum et peux affirmer que c'est faux. Les Criméens sont allés voter avec bonne humeur, de leur propre gré, sans être forcés. Une ambiance de fête régnait dans les rues le soir du scrutin. Les policiers étaient les seuls représentants des forces de l’ordre que nous avons pu rencontrer.
— L'Union européenne promet d'adopter de sévères sanctions contre Moscou. Vous ne pensez pas qu'au final, cela puisse nuire à l’UE elle-même?
— Je m'oppose aux sanctions et estime que l'UE cherche seulement à offenser Moscou par de telles menaces. La Russie a acquis depuis des années la réputation de partenaire commercial et économique fiable de l'Occident, qui a toujours respecté les accords à la lettre. L'UE droit également comprendre que le renforcement des sanctions contre la Russie, appuyé par des menaces de guerre, serait immédiatement suivi d'une réaction de Moscou. L'UE doit trouver une issue à cette situation par un dialogue avec la Russie et sans les USA qui lui dictent le comportement à adopter. En fin de compte, il ne faut pas oublier que la Russie se situe historiquement et géographiquement bien plus près de l'Europe que l'Amérique.
— Il vous semble que dans le contexte des événements en Ukraine, l'Europe a complètement perdu son autonomie en politique étrangère et agit sous la dictée des USA?
— C'est effectivement le cas, à en juger par le caractère très unilatéral de la politique européenne. Alors que les négociations sur un accord de libre échange entre les USA et l'UE battent leur plein, la politique de Bruxelles est dominée par Washington. Or l'autonomie sur l'arène internationale est un facteur primordial pour l'Europe. Il est nécessaire de créer un axe géopolitique Paris-Berlin-Moscou comme véritable contrepoids politique à l'Otan. L'Autriche, en tant que membre de l'UE mais pas de l'Otan, pourrait ainsi conserver sa neutralité en se réservant le droit de critiquer les actions de l'Alliance.
— En dépit des récents événements, l'UE reste disposée à un rapprochement avec l'Ukraine et à la signature d'un accord d'association. Ne pensez-vous pas qu'il serait néfaste pour l'UE de se rapprocher d'un pays au seuil de la guerre civile et de la faillite?
— Les intérêts de l'UE en Ukraine ne sont pas clairs aujourd'hui. L'Ukraine, un Etat en faillite, n'étant pas membre de l'UE, demande déjà des investissements conséquents. Un citoyen européen ne peut pas le comprendre et ne doit pas le comprendre. On a l'impression que l'Occident cherche à retenir l'Ukraine par tous les moyens, uniquement pour conserver la possibilité d'y déployer à terme de nouvelles bases de l'Otan à proximité des frontières russes. Personne ne doit s'étonner à Bruxelles que la Russie se sente au pied du mur. Le renforcement de l'Otan dans les Etats à l'est de l'Alliance est un flagrant outrage à la Russie.