Conçu à la base comme un organisme de défense, il changea vite d’hypostase en s’affirmant sous un angle exclusivement offensif libéré, qui plus est, des multiples restrictions prévues par le droit international. Longtemps, son principal supplétif théorique fut le mensonge, un principe docilement relayé par les médias, le matraquage idéologique étant aussi coûteux qu’efficace. Néanmoins, il semblerait que l’épopée criméenne et l’immense campagne médiatique qu’elle a suscitée ait mis fin à l’ère de la manipulation sans frontières entravant de fait la toute-puissance machiavélique du bloc atlantiste et donc de l’OTAN.
On pourrait déjà se demander, pour commencer, comment est-ce que l’Europe a pu passer de son propre gré sous le giron militaire des USA sachant que les intérêts de ces derniers ne coïncident en rien avec les siens ? La fonction de paix qu’a voulu s’arroger initialement l’Europe en attendant de muter en UE n’a jamais été celle dont se revendiquait l’Amérique qui s’est constituée telle quelle suite au génocide de la population autochtone. Il s’agit depuis longtemps d’un fait classé et oublié mais qui continue à déterminer la politique menée par les USA depuis des centenaires. C’est vrai sur un plan diplomatique, c’est vrai sur un plan essentiellement militaire. Il est connu depuis des lustres que la signature du Traité de Maastricht est l’aboutissement d’un long processus de dénationalisation des pays européens concocté depuis 1950 dans le seul objectif de casser l’autonomie souveraine des Etats en les plaçant sous la houlette de Washington. La réintégration de la France en 2009 au commandement intégré de l’OTAN – une décision qui aurait donné des cauchemars au général de Gaulle – s’inscrit dans une optique conforme au joug atlantiste. J’en veux pour preuve le déclin progressif de la France dans son rôle traditionnel de médiateur diplomatique, fait confirmé à la lumière de son traitement suicidaire du dossier libyen et, plus récemment, syrien. Souvenons-nous qu’en 2003 la France avait refusé d’intervenir en Irak au grand dam des USA.
Ces constats établis, on devrait aussi se demander quel est aujourd’hui l’intérêt réel de l’OTAN conçu, répétons-le, pour contrer l’éventuelle avancée d’une Union Soviétique sortie triomphante de la II Guerre Mondiale ? Conclu en contrepartie en 1955, le Pacte de Varsovie a été dissout en juillet 1991. L’OTAN se prendrait-il donc pour un Don Quichotte confronté à des moulins à vent ?
Enfin, une alliance internationale, quelle que soit sa nature – cela vaut doublement si elle est militaire – se vérifie par son efficacité. Si les USA ont peut-être gagné à malmener les régimes arabes laïcs pour jouir de leurs hydrocarbures à bas prix, quel gain pour les pays de l’UE ? Aucun. Que des pertes. Partout. L’UE serait donc masochiste ? Apparemment.
L’illégitimité initiale de l’OTAN a eu des répercussions extrêmement importantes sur le principe même de ses opérations : cyniques, mensongères, violentes. En voici des exemples :
- La campagne soi-disant punitive engagée contre le premier soi-disant tyran sanguinaire de la liste US, Saddam Hussein, a fait une centaine de milliers de victimes. Résultat : le grand méchant Hussein n’est plus mais par contre, tout va très bien Madame la marquise, l’Irak est un pays détruit et ce qui en reste déchiré par des milices islamistes qui n’ont rien à envier à leurs collègues d’Al-Nosra en ce moment au travail (parmi tant d’autres « démocrates » anti-Bachar) en Syrie.
- L’OTAN voulait à tout prix débarrasser les Kosovars du joug yougoslave en destituant, ce la va de soi, un autre dictateur de renom : Slobodan Milosevic, décédé plus tard en des circonstances plutôt étranges au centre de détention des Nations Unies. Le massacre de Srebrenica reste toujours très contesté au point d’osciller entre réalité et mythe, mais par contre, la Yougoslavie n’existe plus, selon un rapport publié par Human Rights Watch 500 civils sont morts sous les bombardements humanitaires de l’OTAN. Quid des mutilés à vie et des blessés ? En plus, il est clair que le chiffre mentionné n’est que très approximatif.
- Le cas de l’Afghanistan, plus complexe mais également occulté par moultes manipulations médiatiques, laisse entrevoir une situation bien connue où le renseignement – la CIA en l’occurrence – a préparé un terrain propice à une intervention de la part de l’OTAN. Ben Laden, ancien de la CIA, est mort depuis des lustres (manifestement d’insuffisance rénale et non abattu par les braves gars de l’armée US) mais le pays reste déchiré entre commerce d’opium et rigorisme wahhabite, entre 30.000 et 50.000 civile ont été démocratiquement tués par des drones US souvent envoyées « au pif ». Mais pourquoi tout ce remue-ménage, en somme ? Le pétrole, encore le pétrole. Il était question de faciliter la réalisation du projet de pipeline allant de la mer Caspienne à la mer d’Oman via l’Afghanistan et le Pakistan.
- Le cas de la Libye dont le président fut cruellement assassiné ne nécessite presque aucun commentaire … Il compromettrait trop le gouvernement de l’époque. Précisons que même à considérer comme vrai que Kadhafi aurait massacré 10.000 personnes, il ferait dans ce cas bien pâle figure sachant que l’OTAN a exterminé près de 60.000 personnes avec 30.000 bombes démocratiquement balancées en l’espace de 6 mois. Voici ce que le bloc atlantiste voulait faire en Syrie pour accélérer la défaite de Bachar al-Assad et voici ce que la Russie et la Chine l’ont empêché de faire. Mais les méchants, c’est bien sûr les Russes et les Chinois … enfin, surtout les premiers ! En attendant, la Libye jouit des bienfaits d’un régime on ne peut plus démocratique, droit issu de la Ligue des Traîtres Libyens. C’est à en perdre son latin.
Quel que soit l’exemple mentionné, on s’aperçoit que les bombardements otaniens sont venus se superposer à une campagne médiatique agressivement mensongère et surtout, hélas, crédible à l’époque. Qui n’a pas cru, ne serait-ce qu’au début, au massacre supposé de Srebrenica ? Qui n’a pas frissonné en se demandant si l’ancien leader irakien avait l’intention de recourir à des armes de destruction massive … reconnues un peu plus tard inexistantes ? Qui s’est posé à temps la question du véritable rapport entre Oussama Ben Laden et l’Afghanistan ainsi que du rapport entre Afghanistan et attentat du 9/11 ? Lorsqu’on nous avait affirmé comme on scande un jugement apodictique, sans preuve aucune, qu’al-Assad avait gazé son peuple dans la Ghoutta, quelque chose n’allait pas … ou plutôt n’allait plus. Quel intérêt aurait-il eu à le faire ? Où sont les preuves ? L’épisode du 21 août 2013 à al-Ghoutta avait signifié le début de la fin d’une guerre médiatique sempiternellement à l’origine des ingérences meurtrières otaniennes. Quelques mois plus tard, la non-implication du gouvernement syrien dans ce massacre au gaz sarin fut démontrée. Il s’agissait d’une première grande étape de décrédibilisation informationnelle qui fera changer de ton certains médias du mainstream et influera à terme sur les commentaires des lecteurs, même ceux du journal de gauche loyaliste Le Monde, de plus en plus sceptiques.
L’étape suivante – peut-être la plus décisive – intervint au moment où l’Occident commença à soutenir sans même s’en cacher les nazillons surexcités de Kiev en envoyant ses émissaires les plus éloquents pour que ceux-ci poussent la foule à une véritable fronde, cela dans les rues d’un pays souverain dont le président fut démocratiquement élu. Le référendum criméen lancé dans un contexte en tout point conforme aux normes du droit international et notamment à la logique des accords d’Helsinki n’est pas reconnu par les pays atlantistes … au seul motif que ses résultats contrarient le projet d’otanisation de l’Ukraine. Et c’est justement en Ukraine que la machine de propagande dérailla gravement : ses propos ne tenaient plus du tout la route ! Elle alla même jusqu’à imposer le terme d’annexion russe de la Crimée en le fixant dans le subconscient collectif. Cette dernière manœuvre fut d’un ridicule inégalable sachant que la stricte définition du terme annexion n’a rien à voir avec le retour de la péninsule à la Russie.
La guerre informationnelle ayant sérieusement déraillé avec la notion surréaliste d’ingérence humanitaire, les USA aidés de leurs satellites atlantistes auront beaucoup plus de mal à lever haut leur bras armé, l’OTAN. Si même ils poursuivront leur campagne destructrice, mettons, en Syrie pour ensuite passer à l’Iran – ce qui malheureusement devrait arriver – ils auront à le faire ouvertement, sans revêtir le masque déteint des droits de l’homme, ce qui renforcera les mouvements de dissidence à l’intérieur des pays européens en affaiblissant des gouvernements de moins en moins crédibles.
Et on gribouille encore des sanctions contre la Russie … A rêver !