La Russie revient dans le viseur de l’Otan

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La crise ukrainienne pourrait bien donner un second souffle à l'Otan. L’Alliance semble en effet avoir défini sa nouvelle stratégie après son retrait d'Afghanistan : les Etats-Unis et leurs alliés européens se préparent à relancer la dissuasion de la Russie.

La crise ukrainienne pourrait bien donner un second souffle à l'Otan. L’Alliance semble en effet avoir défini sa nouvelle stratégie après son retrait d'Afghanistan : les Etats-Unis et leurs alliés européens se préparent à relancer la dissuasion de la Russie. Moscou estime pour sa part que l'Otan se fait simplement "de la pub" en instrumentalisant les problèmes politiques intérieurs ukrainiens, écrit mardi le quotidien Kommersant.

Avant la crise ukrainienne les militaires, les politiciens et les experts des pays membres de l'Otan avaient du mal à trouver une occupation à l'Alliance après son retrait d'Afghanistan en 2014. Il avait finalement été décidé que la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité serait le thème central du sommet de l'Otan en septembre au Pays de Galles. Les membres de l'Alliance, notamment en UE, en avaient déduit que l'époque de l'Otan touchait à sa fin. Avaient suivi des appels à réduire les dépenses militaires et le potentiel de l'Alliance "au minimum nécessaire".

Tout a changé ces dernières semaines. Désormais le sommet de l'Otan devrait porter sur la sécurité collective des pays de l'Otan, notamment des membres d'Europe de l'est. Selon l'experte de la Fondation Carnegie Judy Dempsey, "après l'Afghanistan l'Alliance pourrait à nouveau s'occuper de l'Europe : le Kremlin, sans le vouloir, a offert une nouvelle vie à l'Otan".

Le sous-secrétaire de l'Otan Alexander Vershbow a expliqué que les prochaines démarches de l'Alliance dépendraient des actions de la Russie. Selon lui, l'Otan pourrait même revoir toute sa stratégie et la "défense collective pourrait devenir plus prioritaire que certaines missions prises en charge par l'Alliance après la Guerre froide".

L'Otan renforce déjà son flanc est. Le budget de la mission aérienne de patrouille des pays baltes a augmenté, des forces supplémentaires ont été employées pour les vols de reconnaissance en Pologne et en Roumanie, et des manœuvres militaires d'envergure sont en préparation.

Les experts occidentaux n'écartent pas la possibilité d’un déploiement par les Etats-Unis de forces armées conséquentes en Europe de l'est (entre 10 000 et 20 000 hommes, selon l'interprétation de Washington), en dépit des accords tacites avec la Russie. Qui plus est, l'Alliance pourrait également revoir la position des Etats-Unis vis-à-vis des armes nucléaires tactiques, déployées selon certaines informations en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie et en Turquie. Avant la crise ukrainienne, les habitants de ces pays appelaient à mettre un terme à cet anachronisme en supprimant les armes nucléaires américaines en Europe. Il n'en est plus question désormais.

Le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a récemment déclaré que les actes de la Russie en Crimée influeraient directement sur la politique de l'Otan en matière d'armes nucléaires. Rasmussen est persuadé que les événements en Ukraine pousseront les pays membres de l'Alliance à accroître leurs investissements dans la défense. "Nous ne pouvons pas poursuivre le désarmement tandis que le reste du monde accumule des armes, et que certains les brandissent même sur nos frontières, a-t-il souligné. L'engagement prioritaire de l'Otan est de protéger et défendre notre population et nos territoires. Pour ce faire, nous devons disposer de tous les outils de dissuasion et de protection." Il considère l'intégration de la Crimée comme "faisant partie de la stratégie globale de la Russie" et craint une "invasion militaire" des régions orientales de l'Ukraine et de la Transnistrie. "Nous vivons désormais dans un monde différent de celui qui existait il y a quelques mois. Aujourd'hui, nous voyons une Russie qui parle et agit plutôt comme une ennemie de l'Otan que comme sa partenaire", a-t-il conclu.

Les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance se réuniront à Bruxelles les 1er et 2 avril pour discuter des mesures à venir en ce qui concerne la Russie. L'Otan a déjà suspendu presque tous les projets de coopération pratique en cours avec Moscou, faisant une exception pour les projets cruciaux pour l'Alliance tels que le transit de marchandises en provenance d'Afghanistan par le Réseau de distribution nord via la Russie.

"A l'époque de la création du Conseil Otan-Russie, nos partenaires occidentaux pensaient qu'il serait à l'épreuve du mauvais temps, mais c'était une illusion", déplore une source du ministère russe des Affaires étrangères (MAE). Les politiciens russes sont convaincus que l'Otan est responsable de l'escalade des tensions. "Si l'Alliance souhaite revenir à sa vocation de la Guerre froide, ce n'est pas notre choix", a déclaré l'ambassadeur russe à l'Otan Alexandre Grouchko. Nikolaï Bordiouja, secrétaire général de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), bloc militaro-politique supervisé par Moscou dans l'espace postsoviétique, a été encore plus direct : "La tentative d'utiliser l'Otan pour faire pression sur la Russie n'est rien d'autre que la volonté de se faire "de la pub" en instrumentalisant les problèmes politiques intérieurs ukrainiens".

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