Les autorités ukrainiennes se préparent à voir annulées leurs réductions sur les tarifs du gaz russe - obtenues par Kiev en 2010 en échange du prolongement du séjour de la flotte de la mer Noire en Crimée, écrit vendredi le quotidien Kommersant.
Les dirigeants russes sont persuadés que cet accord sera révisé, sans pour autant annoncer de délais. Selon les experts, il est fort probable que les deux parties ne remplissent pas ses conditions, sans le rompre officiellement avant son terme en 2017. Au final, le tarif du gaz russe pour l'Ukraine pourrait atteindre jusqu’à 480 dollars les mille mètres cubes, soit le prix le plus élevé en Europe.
"Le prix du gaz pour l'Ukraine pourrait augmenter de 100 dollars pour mille mètres cubes", a déclaré hier à Bruxelles le ministre de l'Energie ukrainien Iouri Prodan. Selon lui, ce tarif augmentera de toute façon à partir du 1er avril jusqu'à 378-380 dollars les mille mètres cubes, mais Kiev risque également de ne pas bénéficier de sa remise habituelle de 100 dollars, conformément à l'accord sur le séjour de la flotte de la mer Noire en Ukraine. Le porte-parole du président russe Dmitri Peskov a déclaré que le sort de la remise n'avait pas été fixé mais que de jure, la flotte était aujourd'hui basée sur le territoire d'un sujet de la Fédération de Russie et non en Ukraine. Par conséquent, les accords de Kharkov seront revus quoi qu'il arrive.
Gazprom est du même avis mais estime qu’il s’agit d’une "question gouvernementale". Cela n'a pas de grande importance pour la compagnie car cette remise de 2010 est compensée par le budget russe : les livraisons gazières en Ukraine ne sont pas taxées aujourd'hui à hauteur de 30%. Si la remise était annulée, la taxe douanière serait à nouveau instaurée.
Les sources diplomatiques russes n'ont pas confirmé le début du travail sur la rupture des accords de Kharkov, mais n'ont pas écarté cette possibilité. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères (MAE) s'est refusé à tout commentaire. Les cabinets du premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk et du ministère de l'Energie Iouri Prodan n'ont pas pu répondre à cette question parce que les deux dirigeants sont en consultations à Bruxelles. Iouri Prodan a notamment tenté de s'entendre avec le commissaire européen à l'Energie Günther Oettinger sur des fournitures gazières de réserve depuis la Slovaquie, qui pourraient assurer la moitié des besoins gaziers de l'Ukraine avec les importations de Pologne et de Hongrie (réalisées en 2013).
"L'accord intergouvernemental entre Moscou et Kiev de 2010 portait sur la présence de la flotte de la mer Noire en Ukraine mais aujourd'hui, du point de vue de la Russie, la Crimée n'est plus un territoire ukrainien", remarque Dmitri Kroupychev de Legal Capital Partners. Pour cette raison l'objet de cet accord n'existe plus aux yeux de Moscou. Il expire officiellement en 2017 et sera automatiquement prolongé si aucune partie n’exprimait sa volonté de le rompre.
Dmitri Kroupychev souligne que les contrats pour la fourniture et le transit du gaz sont indépendants de l'accord sur la flotte de la mer Noire et que tous les litiges sur ces contrats doivent être portés devant la cour d'arbitrage de Stockholm. "Vu le changement conséquent des circonstances, il est à supposer que l'accord ne sera appliqué par aucune des parties", conclut-il, ajoutant que les litiges éventuels sur cette affaire se règleront devant la cour internationale.