Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a menacé la Russie de rompre le contrat pour la construction de deux BPC Mistral. La France désapprouve la politique du Kremlin vis-à-vis de l'Ukraine et pourrait prendre ces mesures dans le cadre d’une troisième phase de sanctions contre la Russie, écrit mercredi le quotidien Rossiïskaïa gazeta.
Apparemment les politiciens français ont déjà séparé la pression sur la Russie en étapes. Il faut croire que la première était l'annulation de la visite à Moscou de Laurent Fabius et du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Ils devaient rencontrer hier leurs homologues russes Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou en format 2+2 - une bonne opportunité d'évoquer la situation en Ukraine et de réfléchir ensemble à ce que les diplomates et les militaires des deux pays peuvent faire pour la normaliser. Cependant, Paris en a décidé autrement. La visite en Russie a été annulée et Fabius a annoncé à la télévision sa menace concernant les Mistrals. Il n'a même pas caché l'impact douloureux de cette décision pour les constructeurs maritimes français.
Plus d’un milliard d'euros : telle est la perte que subirait le constructeur du Mistral en cas de rupture du contrat selon les experts. Cet argent devait être versé au moment où le contrat serait rempli. De plus, les Français devront rembourser à la Russie toutes les avances, voire payer une pénalité dont le montant sera fixé par la Cour internationale d'arbitrage à Genève - il est évident que cette pénalité s'élèverait à plusieurs centaines de millions d'euros. L'annulation de la transaction étant initiée par Paris, tout ce fardeau financier et le règlement des litiges avec des milliers d'ouvriers français mis sur la touche reposeraient sur le trésor français. On se demande si Paris est prêt à un tel scénario. Début mars le président François Hollande disait que la France poursuivrait le contrat sur les porte-hélicoptères et espérait éviter sa rupture.
Et quelles seraient les conséquences de cet abandon pour la Russie et sa marine ? Rappelons que le navire baptisé Vladivostok devrait arriver dans la flotte du Pacifique d'ici la fin de l'année.
Il procède actuellement aux essais à Saint-Nazaire. C'est également à Saint-Nazaire qu'on fabrique la proue du second porte-hélicoptère Sébastopol, attendu pour 2015. Le premier pilotis du futur emplacement de ces bâtiments a été posé mi-février dans la baie d'Ulysse de Vladivostok. Il serait facile d'arrêter ce chantier si besoin. Le ministère de la Défense n'a pas encore investi beaucoup d'argent. Toutefois, en cas de rupture de ce contrat il serait nécessaire de revoir les plans des constructeurs maritimes russes participant à la construction de l'arcasse du Sébastopol. Ce ne serait pas non plus un problème car les commandes militaires des constructeurs russes sont si nombreuses qu'ils pourraient facilement passer d'un projet à l'autre, très probablement sans accrocs.
Du point de vue de l'état opérationnel de la marine, aucun cas de force majeure n'est à prévoir. L'achat des Mistrals à la France a été initié par l'ex-ministre de la Défense Anatoli Serdioukov et le chef d'état-major général Nikolaï Makarov. Beaucoup de lances ont été rompues sur cette transaction. Le besoin de tels bâtiments pour la marine russe avait été contesté par plusieurs amiraux. La nouvelle direction du ministère de la Défense n'est pas non plus unanime concernant l'exploitation de ces porte-hélicoptères. Etant donné que cette transaction était déjà lancée, l'équipe de Choïgou a dû s'occuper de près de ce problème. Si la Russie recevait ces bâtiments, elle leur trouverait une place dans la flotte. Sinon, l'argent alloué pour les Mistrals pourrait être utilisé pour acheter un autre arsenal pour la marine – de nouveaux navires, sous-marins et bâtiments logistiques. Sachant que cette fois, ce sont les constructeurs russes qui s'en occuperaient pour un coût abordable.