Bien que les médias occidentaux de première ligne persistent dans l’exercice de leur démagogie et « démagauchie » aigue dans le cas de la France en essayant d’insinuer urbi et orbi que le déroulement du référendum avait été sûrement truqué (le taux de participation est trop élevé ce qui le rend douteux !), que de méchants militaires russes encerclant les bureaux de vote auraient contraint la population à s’exprimer par les urnes, il n’en demeure pas moins que les 135 observateurs dépêchés par 24 états (heureusement que le FN a sauvé la réputation de la France en envoyant Aymeric Chauprade) n’ont relevé aucune violation de la procédure électorale.
Le fait que la Crimée, péninsule historiquement russe depuis que la Russie tsariste l’a conquise sur les Ottomans en 1783, se soit massivement prononcée en faveur de son intégration à la Russie n’a pourtant rien de surprenant vu la conjonction d’un certain nombre de facteurs cruciaux.
Primo, environ 60 % de la population criméenne est composée de Russes de souche, étrangers tant sur le plan culturel que spirituel à un Centre uniate-girouette (ce qui se comprend quand on est pris entre deux entités culturelles antagonistes) et, a fortiori, à une Ukraine de l’ouest davantage polonaise, catholique et, force est de le rappeler, nostalgique des courants néo-nazis bandéristes collaborant, il fut un temps, avec Hitler et entièrement solidaires des pratiques hitlériennes appliquées au cœur des territoires annexés. Un nationalisme exclusiviste, agressif, raciste tel que celui de Dmitri Iaroch, leader du Secteur droit, exclut toute coexistence avec ces 60 % de Russes résidant en Crimée déjà qualifiés de « minorités à subjuguer ». C’est sans parler des Ukrainiens russophiles et russophones désirant conserver la langue russe et leur attachement à une certain modèle culturel, droit qui leur aurait été retiré à court ou moyen terme si le référendum n’avait pas eu lieu. Si le problème semble résolu pour la Crimée, il ne l’est pas pour les régions de l’Est, telles que celles de Donetsk, de Dnepropetrovsk, de Lougansk et de Kharkov où les tensions s’exacerbent.
Secundo, conformément à un principe de base inscrit dans le droit international, il est à se demander pourquoi la République autonome de Crimée ne profiterait pas de son autonomie jusqu’au bout en se réservant le droit à l’autodétermination fixé par les accords d’Helsinki. Ceci est d’autant plus vrai que ce même droit international prévoit qu’en cas de putsch – et le gouvernement de Iatseniouk est un gouvernement putschiste ayant accédé au pouvoir suite à la dissolution illégale de la Cour constitutionnelle – toutes les régions du pays où le pouvoir a été usurpé sont automatiquement libérées de leur engagement envers le gouvernement et peuvent par conséquent revendiquer leur autonomie. Donc, dans un cas comme dans un autre, la tentative des médias occidentaux de semer la confusion dans les esprits en invoquant l’illégalité présumée du référendum criméen est hautement absurde.
Enfin, la relativisation du droit international s’accorde tout à fait aux pratiques très peu « légales » de la France dans certains cas, mettant à nu les inextricables frictions entre loi et légitimité. Il est bien entendu légitime d’accorder à un peuple le droit à l’autodétermination. Mais certains hauts fonctionnaires entendent traiter ce droit sous un angle juridique à géométrie variable. On ne peut pas déplacer les frontières d’un pays suite à un simple référendum, nous apprend, mine de rien, le ministre des Affaires étrangères français. Par contre, l’indépendance du Kosovo prononcée suite au génocide avéré de la population serbe a été possible en vertu d’une autre lecture de la même loi. Historiquement, on se demande comment est-ce que M. Giscard d’Estaing a pu rejeter les résultats du référendum comorien (1974) en en exigeant un autre, île par île, un an plus tard. On se demande, revenant encore plus en arrière, à une époque où les accords d’Helsinki n’existaient pas encore mais où la pratique des référendums et la notion de frontières n’avaient rien d’extraordinaire, en vertu de quoi est-ce que la France a annexé la Sarre après la II Guerre Mondiale. Enfin, on se demande pourquoi est-ce que l’ONU refuse de reconnaitre l’indépendance du Haut-Karabagh ou éventuellement son rattachement logique à l’Arménie. Les exemples ne manquent pas reflétant on ne peut plus éloquemment l’inconsistance du droit international ainsi que l’inégalable efficacité de la démocratie directe.
Voici maintenant le point de vue de M. Jean-Yves le Gallou, homme politique, co-fondateur avec Yvan Blot et Henry de Lesquen du club de l’Horloge, créateur de la Fondation Polémia, que nous avons eu le grand plaisir d’accueillir sur nos ondes.
La Voix de la Russie. « Quelle est votre appréciation des résultats du référendum en Crimée ? On vient de comptabiliser près de 97 % de voix en faveur du rattachement ou plutôt du retour de la Crimée à la Russie ce qui représente une majorité écrasante de « oui ». Est-ce que vous vous attendiez à un tel chiffre ?
Jean-Yves le Gallou. Il s’agit en effet d’un chiffre très fort, cela d’autant plus que la participation est elle-même assez élevée. Vraisemblablement, ceux qui ne souhaitaient pas le rattachement se sont abstenus mais si on superpose ce pourcentage très fort de « oui » au pourcentage des votants, on arrive là aussi à une majorité extrêmement importante de « oui » parmi les votants. Il est question d’un chiffre très significatif non seulement par rapport au nombre de votants mais aussi par rapport au nombre d’inscrits, ce qui est toujours un critère qu’il faut prendre en compte dans les élections, c’est-à-dire le nombre de voix obtenues proportionnellement au nombre d’inscrits. Les trois quarts de ces derniers ont donc voté en faveur du retour de la péninsule à la Russie.
LVdlR. Les régions de Donetsk, de Lougansk et de Kharkov entendent elles aussi lancer un référendum. Néanmoins, on s’aperçoit que leur intention est vigoureusement réprimée par les autorités autoproclamées kiéviennes ainsi que leur bras armé, c’est-à-dire les suppôts bandéristes du Secteur droit qui sont très actifs dans lesdites oblast’. Selon vous, quel dénouement pourrait-on prévoir dans le cadre de ces frictions qui vont crescendo ?
Jean-Yves le Gallou. Je pense qu’il est souhaitable d’aller vers un dénouement plus diplomatique. Autant pour la Crimée je considère que son retour à la Russie est des plus naturel, autant à l’intérieur du reste de l’Ukraine elle-même je pense qu’une solution diplomatique serait sans doute préférable et sans doute aussi une solution de type « autonomie des différentes régions ».
LVdlR. Sa fédéralisation ?
Jean-Yves le Gallou . Oui, tout à fait. Ce serait une décision raisonnable.
LVdlR. Revenant en Crimée. Est-ce que la Russie aurait quelque chose à perdre sur le plan économique (mise en garde parfois brandie par des experts sceptiques) après le retour d’une péninsule qui lui appartenait historiquement ?
Jean-Yves le Gallou. Il y a un certain nombre de jeux économiques qui peuvent être des jeux à somme négative. C’est-à-dire que chacun peut y perdre. Je ne pense pas que la Russie ait plus à perdre dans un conflit économique ou monétaire que ce qu’il déclencherait que ce soit en Europe ou aux USA. Je crois en particulier que les principaux pays européens ont tout intérêt à conserver les relations économiques qu’ils ont avec la Russie consistant à acheter des produits gaziers et pétroliers dont ils ont besoin et consistant à vendre un certain nombre de produits manufacturés. Il est ceci dit possible que la Russie ait quelques ennuis économiques en cas de représailles ciblées mais ceux qui les lanceraient auraient des ennuis non moins importants en retour. Il y a donc une limite à ce genre de théorie coercitive : ceux qui en sont les partisans subiront aussitôt un retour de manivelle, facteur dissuasif.
LVdlR. Vous estimez donc que la position, mettons, de Laurent Fabius, est disproportionnée et révèle une diplomatie procédant du principe du deux poids deux mesures ?
Jean-Yves le Gallou. Les gouvernants français et européens d’une manière plus générale sont terrorisés par les référendums ! La condamnation du référendum de Crimée ne correspond jamais qu’à l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En même temps, cette condamnation est loin d’être elle aussi exceptionnelle puisque les leaders occidentaux ont dénoncé le référendum que les Suisses avaient lancé il y a un peu moins d’un mois pour définir de leur propre chef leur politique d’immigration sans tenir compte des oukases de l’UE. Quand les Français avaient voté il y a un peu moins de 10 ans contre le projet de Constitution de l’UE, le même projet a été voté un an plus tard par le Parlement alors que le peuple l’avait largement repoussé. Il y a donc une phobie patente du référendum parmi les oligarques occidentaux, le cas de la Crimée n’étant finalement qu’un cas particulier et l’attitude de M. Fabius, même s’il est ministre des Affaires étrangères français, ne correspondant pas aux intérêts de la France.
LVdlR. A ce propos, Laurent Fabius n s’est pas encore prononcé sur les intentions de la Catalogne, de Venise ou de l’Ecosse ?
Jean-Yves le Gallou. Non, mais il y a déjà des pressions très fortes relatives au projet d’indépendance de l’Ecosse. L’UE a déjà commencé des manœuvres contre le projet de référendum écossais ».
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