Ukraine : la discrimination suicidaire de la langue russe

Ukraine : la discrimination suicidaire de la langue russe
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Je ne comprends plus rien! L’Ukraine veut intégrer l’Europe ou elle ne le veut pas ? Si les nouveaux leaders comptent sur la bienveillance de l’Union Européenne - et je pense qu’ils comptent dessus – ils feraient mieux de surveiller de près leurs propres actes.

L’Ukraine brûle, et dans une maison qui brûle, on risque de céder à la panique qui fait prendre des décisions à la hâte. Une de ces décisions, populiste et mal réfléchie, témoignage de l’esprit étriqué, c’est l’annulation du statut « régional » de la langue russe.

Elle est bien longue - l’histoire de la langue russe en Ukraine. Elles sont bien nombreuses – les discussions autour de la relation entre les langues « russe » et « petit-russien », comme on nommait souvent l’ukrainien, sur ce territoire. La « russification de l’Ukraine » par le tsar, par opposition à la République des Deux Nations et à la langue polonaise. Les différentes périodes soviétiques : Lénine et Staline ont mené des politiques totalement différentes… La période post-soviétique avec la proclamation de l’Etat indépendant…

Pourtant, le 2 mai 1996, l’Ukraine a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Trois ans plus tard, en 1999, la Rada l’a ratifiée. En fait, les différentes articles de ladite Charte devaient s’appliquer, entre-autres, à la langue russe sur les territoires où la population russophone représente plus de 20 %. Après une culbute de l’avocasserie et l’annulation de cette ratification, on présente une nouvelle version de la loi et on finit par ratifier la Charte, au moment de la présidence de Leonid Koutchma : On la met en application le 1er janvier 2006, déjà sous Viktor Iouchtchenko. Hélas, tout cela est resté lettre morte, puis qu’en 2007, le premier compte–rendu de l’Ukraine auprès de Strasbourg a été violemment critiqué par l’Association ukrainienne des enseignants de russe et par l’organisation au nom riche de sens « L’objectif commun » Le député de la Rada, Vadim Kolesnitchenko a précisé à l’époque qu’ « aucun acte législatif n’a été signé dans le but de réaliser dans la pratique les articles de la Charte signée . (…) ce qui rend impossible l’application de la charte européenne »

Le problème est devenu récurrent dans l’histoire de l’Ukraine moderne. Revenons juste un peu en arrière, en juillet 2012. Un nouveau projet prévoyant l’annulation de la loi sur l'élargissement de l'utilisation de la langue russe en Ukraine a été enregistré à la Rada suprême. Prémices de l’EuroMaïdan, les policiers ont aspergé de gaz lacrymogènes les manifestants qui protestaient à Kiev contre cette loi. A l’époque, le président Ianoukovitch a annulé sa conférence de presse et a invité les députés du parlement à une réunion.

Et maintenant, tout en condamnant la politique de Ianoukovitch, tout en le condamnant en personne, les leaders ukrainiens qui, d’après leurs déclarations, aspirent aux valeurs européennes, font fi des décisions de l’Europe sur les statuts des langues. Une démarche pour le moins étrange et illogique.

Et puis, je ne comprends toujours pas : l’Ukraine veut rester unie ou elle ne le veut pas ? Puisqu’en lançant cette idée dans un pays en pleine auto-identification, on ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Personne ne conteste l’existence de deux parties de l’Ukraine: l’une, plus pro-occidentale et plus pro-nationaliste et l’autre, qui tend d’avantage vers la culture russe et russophone. Et la maison continue de brûler…

Curieusement, cette décision de la Rada fait penser à l’article de Lénine écrit il y a juste 100 ans « Notes critiques sur la question nationale » Il contient, bien évidemment les idées de Lénine de l’époque concernant la Russie et la langue russe, mais qui sont suffisamment intéressantes pour être citées. Puisque ces idées représentaient une perspective tout autre pour la future Union Soviétique fédérant des peuples et des langues différentes… s’il n’était pas abandonné par le « petit père des peuples », Staline.

« Pourquoi donc la « vaste » Russie, beaucoup plus bigarrée et terriblement arriérée, doit-elle freiner son développement par le maintien d'un privilège quelconque pour une de ses langues ? (…) La Russie ne doit-elle pas, si elle veut rattraper l'Europe, en finir le plus vite possible, le plus complètement possible, le plus énergiquement possible avec tous les privilèges quels qu'ils soient ? (…) Les nécessités économiques détermineront elles-mêmes la langue du pays que la majorité aura avantage à connaître dans l'intérêt des relations commerciales. Et cette détermination sera d'autant plus ferme qu'elle aura été adoptée librement par la population des diverses nations, d'autant plus rapide et plus large que le démocratisme sera plus conséquent et que, de ce fait, le capitalisme connaîtra un développement plus rapide. »

Peut-être bien que Lénine - et même ses statues - est persona non-grata dans l’Ukraine actuelle, il y a du sensé dans ces propos sur la langue

« majoritaire » et le procédé » consistant à l’imposer par la « politique de la matraque », peut-être que les députés actuels de la Rada y trouverons matière à réflexion ? T

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