Même ceux qui voyaient en l'équipe russe un grand potentiel n'auraient pu rêver du résultat qu’elle a obtenu lors de ses premiers Jeux olympiques d'hiver à domicile. L'équipe du pays hôte a réalisé une véritable percée lors du dernier week-end des compétitions pour terminer en tête du classement par équipes. La Russie retrouve ainsi son statut de plus grande puissance sportive au monde, écrit lundi 24 février le quotidien Kommersant.
Sotchi a dit hier adieu aux Jeux olympiques, organisés sans le moindre problème majeur et au plus haut niveau. Ils resteront surtout dans l’histoire pour la prestation remarquable de l'équipe de Russie.
Il y a quatre ans, aux derniers JO d'hiver à Vancouver, la Russie n’avait remporté que trois médailles d'or et n’était pas entrée dans le top-10 du classement. L’équipe avait alors complètement changé sa perception de soi et de son potentiel. Avant le début des épreuves, ce potentiel semblait simplement important, du moins suffisant pour éviter un deuxième échec consécutif. Les premières journées des JO ont prouvé que l'équipe de Russie dépasserait facilement les "exploits" de Vancouver. Puis la Russie est entrée dans la course pour le podium. Vers la fin des JO elle talonnait les leaders, ceux-là mêmes qui semblaient inatteignables avant le départ.
Tout s'est terminé par un sprint phénoménal de l'équipe de Russie. Deux médailles d'or remportées par Viktor Ahn en short track – en course individuelle 500 m et en tant que "locomotive" du relais, devenant ainsi triple champion aux JO de Sotchi. La victoire au slalom parallèle (deuxième victoire aux JO après l'or en slalom géant) du snowboardeur Vic Wild et les succès tant attendus qui ont suivi en biathlon, au relais hommes. Les skieurs russes Alexandre Legkov, Maxim Vylegjanine et Ilia Tchernooussov se sont emparés du podium au départ groupé. Sans oublier les épreuves de bobsleigh à quatre remportées par l'équipe du pilote Alexandre Zoubkov.
Cette percée n'a pas seulement permis à l'équipe de Russie d'entrer dans le top-3. Elle n'a pas seulement devancé ceux qui étaient au coude-à-coude avec elle vendredi – les Allemands, les Américains et les Canadiens qui étaient loin devant aux JO précédents. Même ceux qui avaient une avance en médailles d'or et semblaient être des favoris incontestables – les Norvégiens – n'ont pas pu lui résister.
L'équipe de Russie a terminé au sommet du tableau des médailles pour la première fois aux JO depuis vingt ans, en 1994 à Lillehammer quand elle disposait encore d'un important bagage soviétique. L'équipe de Russie a remporté deux médailles de plus qu’aux Jeux de Lillehammer et a répété l'exploit de l'équipe de l'URSS à Innsbruck en 1976. 33 médailles dont 13 d'or : ces chiffres pourront être inscrits avec fierté dans le chapitre de l'histoire qui sera consacré à la Russie contemporaine, comme un symbole de renaissance, au moins dans l'un des domaines les plus importants pour la société.
Ceux qui souhaiteraient ternir ces chiffres remarquables disposent, toutefois, d'un moyen mathématique élémentaire : il suffirait de soustraire aux médailles russes celles qui ont été remportées par des athlètes qui, jusqu'à récemment, n'avaient rien à voir avec la Russie. Qui ont grandi et mûri à l'étranger et ont été naturalisés après les JO de Vancouver.
Mais on pourrait également se concentrer sur quelque chose de plus agréable, quelque chose de tout aussi paradoxal que les noms des athlètes devenus des héros de Russie après les JO de Sotchi - car les noms n'étaient pas les seuls d'origine étrangère. On a également vu à l’œuvre un style étranger grâce auquel l'équipe de Russie est arrivée au sommet.
Ce style était en fort contraste avec le style habituel du pays qui a défendu ses couleurs à Sotchi. La Russie n’a pas misé que sur la qualité mais aussi sur la quantité.
Le plus étonnant dans la prestation de l'équipe de Russie aux JO de Sotchi, c'est son appui sur des technologies sportives avancées, comme la naturalisation et la participation de "légionnaires" que l'équipe de Russie était loin d'être la première à utiliser : aux JO d'été de Londres 2012, la Russie a été évincée du top-3 par le Royaume-Uni, dont l'équipe était composée d’un quart d'"étrangers".
Comme l'ingérence dans les disciplines "non traditionnelles", indépendamment de leur présence dans le "code génétique" du sport russe. Cette ingérence a permis à la Chine d'entrer sur l'avant-scène olympique et aux Etats-Unis – de s'y maintenir.
Comme la sélection minutieuse des entraîneurs – aussi bien russes qu'étrangers.
Comme l’attention particulière accordée aux moments délicats qui s'avèrent souvent décisifs. Des moments purement "technologiques". En investissant des milliards d'euros dans les JO la Russie, contrairement aux craintes, ne s'est pas noyée dans l'ampleur de la tâche et a organisé les compétitions au plus haut niveau – c'est également un triomphe. Un triomphe tout aussi important que le succès de l’organisation et des résultats.