Pourtant, le 7 novembre dernier, à New York, la 68e session de l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution exhortant tous les États membres à observer une trêve à compter du février prochain durant les XXIIes Jeux Olympiques d’hiver. Tout le monde a entendu parler de la trêve olympique, cette pause dans les conflits militaires, dont la tradition vient de la Grèce Antique.
Et cette tradition qu’aimait tant le baron Pierre de Coubertin.
C’était une soirée de novembre du 1892. Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne on fêtait le 5ème anniversaire de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques. Et c’est là, vers la fin de son discours solennel, de Coubertin propose de reprendre… les Jeux Olympiques. Il a écrit dans ses « Mémoires olympiques » : « Je m’attendais à presque n’importe quelle réaction…. Sauf la réaction que j’ai eue. Protestations ? Ironie ? Indifférence ? Pas du tout! Tout le monde m’a applaudi, tout le monde me souhaitait du succès. Même si je pense qu’à l’époque personne n’a rien compris »
Il a mis du temps pour arriver à cet accomplissement de se rêves. Baron de Coubertin ne s’intéressait pas seulement à la philosophie des anciens, il mettait en pratique leur idéaux. Parait-il les grecs disaient en désignant un homme inculte : « Il ne sait ni lire, ni nager » Ils étaient sûrs que la culture physique est indissociable des meilleurs mouvements de l’âme humaine. Alors, entre les études d’œuvres de Socrate, Pythagore, Epicure et Aristote, jeune Pierre pratique de la boxe, de l’escrime, de l’aviron, du sport équestre…
Et quand il s’est retrouvé pour la première fois dans la vallée d’Alphée, à 300 km d’Athènes, dans le lieu sacro-saint des premières JO, il est q été ému à tel point qu’il décidait raviver la vraie flamme olympique depuis longtemps éteinte. Il ne sait pas encore quel travail ce rêve va exiger de lui : des livres sur l’éducation à écrire, des unions sportives à fonder, des associations d’athlètes pour les enfants et pour les adultes à créer…. Mais, pour l’instant, dans la vallée d’Alphée il ne sait qu’une chose : si cette flamme brule son cœur, elle enflammera les stades !
Les temps passent, les choses changent… On dit que les Jeux Olympiques étaient créés par Héraclès pour honorer la mémoire d’une victoire fatidique : de Zeus sur son père Chronos, sur le Temps impitoyable. Les premiers athlètes ne courraient pas pour des médailles, ils ne rêvaient que de la bienveillance des dieux, que d’être couronne de branches d’olivier. Il n’y avait qu’un but aux Jeux Olympiques : de montrer aux dieux que leurs enfants sur terre sont les plus agiles, les plus forts, les meilleurs tireurs. Et on punit les tricheurs : les juges malhonnêtes payent, c’est avec cet argent qu’on érige des statues de Zeus sur les stades.
C’est à croire que des sportifs malhonnêtes n’existaient pas à l’époque. Le sais-t-il, cet athlète allemand contrôlé positif lors du contrôle au dopage aux JO de Sotchi ?
La nouvelle histoire des Jeux est repartie le 23 juin 1894, dans le même grand amphithéâtre de la Sorbonne, en présence de 2 000 personnes dont 79 ambassadeurs du monde du sport qui représentaient 49 clubs de 13 nations différentes. « Je lève mon verre à l’idée olympique qui a traversé, comme un rayon de soleil tout-puissant, les brumes des âges, et revient éclairer d’une lueur de joyeuse espérance le seuil du vingtième siècle, » - a dit Pierre de Coubertin.
Mais boire de la champagne en honneur de la renaissance des Jeux et les organiser, ce n’est point la même chose. Apres avoir convaincu toutes les nations de créer le programme équilibré (puisqu’ils ne voulaient pas y voir des sports qui ne sont pas leur cheval de bataille), baron de Coubertin se heurte à l’opposition des grecs. Quelle surprise ! Deux ans avant la date fixée des premiers JO, le parlement grec fait comprendre qu’il souhaiterait d’abandonner le projet olympique. Que les athéniens ne comprennent rien au sport, qu’ils n’ont pas de stades adaptés, et, surtout – ils n’ont pas d’argent pour cette féerie sportive ! La reponse de Pierre de Coubertin trouve une formule qui fait basculer l’opinion des grecs : « Le mot « impossible » n’est pas français. Quelqu’un m’a dit aujourd’hui qu’il est grec. Personnellement, je n’y crois pas » Et ces premières compétitions ont eu lieu. Grâce aux dons privés, grâce à l’enthousiasme, grâce au rêve…
Les années passent. La paix a toujours été un moment très fragile dans la vie de l’Humanité. Le monde est ébranlé par les guerres. Mais Pierre de Coubertin continue à rêver de cette Paix si précieuse. Il rêvait de l’unité et de la compréhension entres les peuples. Du respect entre les hommes. Il aimait les gens. Toujours. Quand il écrivait des livres et des articles. Quand il donnait toutes ses forces pour amplifier le mouvement olympique. Qui, effectivement grandissait d’une année à l’autre.
Pierre de Coubertin espérait que le sport et les Jeux Olympiques pouvaient faire chaque homme meilleur. Peut-être, ne pas tout le monde. Peut-être, pas tout de suite. Mais un jour. Dans le futur.
On regarde une vieille photographie prise à Athènes en 1896 et on y reconnait certains des membres du premier Comité International Olympique et du Comité Organisateur des Iers Jeux Olympiques de l'ère moderne. Solennels, tous en habit et en haut-de-forme, se tiennent côte à côte les princes grecs - Georges, Constantin, Nicolas, des personnalités allemandes, suédoises, hongroises, françaises, russes. Et lui, Baron Pierre de Coubertin qui regarde droit dans le camera. Mais on a l’impression que c’est nous qu’il regarde, à travers les années…
Qu’est-ce qu’on peut lui dire ? Qu’est-ce qu’on peut répondre en écoutant ses paroles : « Le sport peut provoquer des sentiments hautement nobles, mais aussi les plus bas, il peut élever la grandeur d’âme, mais peut aussi rendre misérable, il peut être utilisé pour renforcer la paix, mais aussi pour préparer la guerre… » Les convictions de Coubertin aujourd’hui sont battues en brèche: le sport contemporain est soumis au déterminisme technique. L’éthique sportive n’est qu’instrumentale et nul questionnement de la vérité n’y a plus cours.
Qui dire de la politique ? Même la trêve olympique reste une lettre morte en cette période de conflit en Ukraine. Et qu’est-ce qu’il faut attendre de la part des leadeurs européens qui n’agissent qu’au nom de leur intérêts à court terme ? Qui sont là, au milieu des barricades, à accuser les uns les autres. Sont-ils capables d’entendre les mots de Pierre de Coubertin : « O Sport, tu es la Paix ! Tu établis des rapports heureux entre les peuples en les rapprochant dans le culte de la force contrôlée, organisée et maîtresse d’elle-même. Par toi la jeunesse universelle apprend à se respecter et ainsi la diversité des qualités nationales devient la source d’une généreuse et pacifique émulation. »
Ont-ils suffisamment de cœur ?